«Au Bénin, les chances de l’opposition au régime de Patrice Talon de présenter un candidat à la présidentielle d’avril 2021 sont quasiment nulles.»
C’est ce qu’affirme le politologue togolais et enseignant-chercheur à l’université de Lomé, docteur Folly Ekué Gada, à Sputnik.
À moins de six mois de la présidentielle, l’opposition semble absolument incapable de satisfaire à la condition de parrainage qui fait, conformément à la loi électorale béninoise en vigueur, obligation aux candidats à l’élection présidentielle de récolter au moins 10% de soutien parmi les 160 députés et maires du pays pour faire valider leur dossier.
Cet article dispose, en effet, qu’«aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six mois précédant les élections».
«À moins qu’il n’y ait un ou deux candidats qui bénéficient, dans un jeu d’alliance politique avec l’exécutif, du soutien d’élus (députés et maires) proches de la mouvance nécessaire à la validation de leur candidature, le Bénin tend indiscutablement vers une candidature unique à cette présidentielle», estime Folly Ekué Gada.
Le politologue prévient toutefois que cette option peut être contre-productive pour le pouvoir. Personne ne sera dupe de cette manœuvre dont le seul objectif est d’épargner au Président Talon de briguer un deuxième mandat dans des conditions houleuses. D’ailleurs, cette option d’un possible soutien apporté par des élus de la majorité à un candidat de l’opposition avait été évoquée, courant octobre, par Benoît Dègla, député du parti au pouvoir Bloc républicain. Il considérait qu’un parrainage n’impliquait pas forcément un soutien total, en se référant notamment à la présidentielle française de 2017.
Des maires inquiets
En réunion ce 28 octobre avec la Commission électorale à Bohicon, dans le sud du pays, des maires ont exprimé leurs vives préoccupations sur la possible candidature unique à la présidentielle à venir.
«Et si tous les députés et les maires, c’est-à-dire les 83 députés et les 77 maires, parrainaient un seul duo [le candidat à la présidence et celui à la vice-présidence)]? Que ferait la CENA (Commission électorale nationale autonome) à ce moment-là?», s’est interrogé Bernard Koffi Adanhopè, maire de Comè (Sud-Ouest) et qui porte les couleurs de… la majorité au pouvoir!
«Toutes ces gesticulations de maires ou de députés cachent un profond malaise, une démonstration du fait que le régime Talon n’est plus un régime démocratique», affirme à Sputnik sous anonymat un membre de «Tournons La Page», un mouvement citoyen de plus de 200 organisations de la société civile œuvrant pour l'alternance démocratique et la bonne gouvernance en Afrique. Pour lui, ces réactions sont de nature à donner l’impression d’un véritable débat démocratique dans le pays sur le sujet de parrainage qui dérange. Ce qui, affirme-t-il, n’est pas le cas.
Talon, le choix du Bloc républicain
De son côté, l’opposition se cherche. En rangs dispersés, affaiblis, ses ténors sont en exil après leurs condamnations par la justice pour des faits de corruption. Sa voix n’est pas des plus audibles.
Entre-temps, le Président Patrice Talon est poussé par ses alliés pour faire acte de candidature, alors même qu’il avait été élu en mars 2016 sur la promesse de ne faire qu’un seul mandat de cinq ans. Au terme d’une réunion politique tenue le 26 octobre 2020 à Cotonou, le parti Bloc républicain (BR) a annoncé avoir porté son choix unique sur le Président sortant pour la présidentielle de 2021.
«Ce 26 octobre 2020, le bureau politique du BR a désigné Patrice Talon comme l’unique candidat du parti pour un second mandat en 2021. Nous ne pouvons pas trouver meilleur candidat que lui», a déclaré le député Robert Gbian à la presse locale.
Gbian a justifié le choix du BR par les actions engagées par le Président sortant et son projet de société, toujours en phase avec les idéaux de leur regroupement.