Qu’ont en commun les réservoirs de propergol des fusées Ariane, les chaudières nucléaires des sous-marins atomiques lanceurs d’engins (SNLE), les turboréacteurs de l’A320 ou encore ceux du futur avion de combat européen (SCAF)? Ils sont tous équipés de pièces usinées par Aubert & Duval (A&D), l’un des leaders mondiaux des alliages complexes. Un fleuron français aujourd’hui en vente et dont le sort serait suivi «au plus haut niveau de l’État», soulignent cette semaine Les Échos, reprenant les dires du cabinet de Florence Parly, ministre des Armées.
Des Américains se saisiront-ils du fleuron français?
Des révélations qui avaient poussé le groupe minier et métallurgique, détenteur depuis 20 ans d’A&D, à sortir le 22 juin dernier un communiqué laconique précisant qu’une «revue stratégique détaillée» relative à sa filiale avait été initiée et «dans laquelle toutes les options sont envisagées».
Parmi l’éventail de ces options, donc, la vente à une entreprise étrangère. Trois mois plus tard, Les Échos avancent d’ailleurs les noms de l’allemand Otto Fuchs, l’autrichien Voestalpin Böhler Welding et deux américains: Precision Castparts et Carpenter Technologie.
Différence notable, dans le cas d’Aubert & Duval, un industriel français a fait part de son intérêt, indiquait au printemps La Tribune. En l’occurrence, Safran, qui aux yeux de l’État français ferait figure d’«acquéreur idéal». Un «industriel de confiance», sur lequel la France a quelque peu perdu la main. En effet issu de la privatisation «en douceur» lors de sa fusion avec le groupe familial Sagem, le groupe industriel n’est à présent plus qu’à 20% détenu par l’État, suite à la fonte en une dizaine d’années de sa participation et de celle des salariés au capital du nouveau groupe, ainsi que du désengagement d’Areva.
20% de participation, soit à peu près ce que détient l’État dans… Eramet. Actionnaire à 25%, l’État français, qui surveillerait la vente d’Aubert & Duval –qui pourrait s’avérer embarrassante– est donc le deuxième actionnaire de la maison-mère derrière la famille Duval (33%).
L’État ne vole au secours… que des PME et start-ups
Cette implication directe n’est pourtant pas le seul levier dont dispose l’État: il a également à sa disposition plusieurs fonds pour venir au secours des acteurs stratégiques fragilisés par la crise. Un premier, Definvest –géré par BPIfrance et doté de 100 millions euros de budget– devrait bientôt recevoir le renfort de Definnov, doté de 200 millions d’Euros, qui devrait être lancé par le ministère des Armées, relatent Les Échos.
Au rang de possibles chevaliers blancs, figure aussi le fond Ace Aero Partenaires et ses 630 millions d’euros lancé fin juillet. Un budget colossal dû à la participation, aux côtés de l’État et de ses 200 millions d’euros, de grands industriels du secteur: Airbus, Dassault et Thales, Tikehau Capital… et Safran.
Photonis non plus, n’avait rien de la start-up. Pour l’acquérir, Carlyle avait sans hésiter signé un chèque d’un demi-milliard d’euros, soit l’équivalent des participations cumulées de l’État à ce jour dans les trois fonds censés permettre aux entreprises stratégiques tricolores d’échapper à la prédation de leurs concurrentes étrangères.
Reste donc à savoir si, dans le cas d’Aubert & Duval, l’État français aura réellement les moyens d’empêcher un rachat par une entreprise étrangère si Safran venait à se désister.