Avec 5.044 cas enregistrés, pour 171 décès, au 25 mai, le Cameroun est à ce jour l’un des États de l’Afrique subsaharienne les plus touchés par la pandémie de Covid-19. Pendant que la maladie continue de dicter sa loi avec des centaines de nouveaux cas au quotidien, Yaoundé envisage un retour à l’école, pour certaines classes, le 1er juin prochain. Dans le pays, des voix s’élèvent depuis contre cette décision pour dénoncer ce que certains parents considèrent comme «un suicide collectif». Sur les réseaux sociaux, le débat est ouvert sur l’opportunité d’une telle mesure et pour certains, le boycott est la meilleure option.
A contrario, et la mort dans l’âme, d’autres parents envisagent néanmoins le retour de leur progéniture à l’école à la date indiquée. C’est le cas de Sonia Dongmo, mère de deux élèves qui doivent cette année passer leur certificat de fin d’études primaires. Sa principale inquiétude, dit-elle, réside dans «la mise en application des mesures barrières dans les établissements».
«J’irai personnellement à l'établissement de mes filles pour vérifier que tout le nécessaire est mis en place pour assurer leur sécurité. En dehors de cela, je leur rappelle tous les jours les consignes en espérant qu’elles les respecteront», dit-elle, inquiète, à Sputnik.
«Ces jeunes élèves et étudiants appartiennent à des familles dans lesquelles on retrouve de grands adultes et des personnes âgées et s’ils attrapent le Covid-19 avec ce retour à l’école, ils iront contaminer leurs parents à la maison», craint-il.
Pour l’analyste, «il est encore temps de revenir sur cette décision folle», s’indigne-t-il.
Des conditions de la reprise
Le 16 avril dernier, alors que les chiffres de contamination s’envolaient déjà, Joseph Dion Ngute, Premier ministre, annonçait que les cours reprendraient le 1er juin prochain dans tous les établissements scolaires et universitaires du pays, ainsi que dans les centres de formation professionnelle et les grandes écoles. Quelques semaines plus tard, le 15 mai dernier, face à la furie de la pandémie, des précisions ont été apportées, limitant la reprise des cours exclusivement aux classes d’examen dans l’enseignement primaire et secondaire.
Pour rassurer les familles, le chef du gouvernement, dans sa déclaration, a expliqué que des dispositions appropriées seraient mises en place par le ministre de l’Éducation de base et celui des Enseignements secondaires pour garantir «la bonne répartition dans les salles des élèves concernés par la reprise des cours, en respectant les règles de distanciation sociale».
«À l’entrée de chaque établissement public ou privé scolaire et universitaire, des kits sanitaires avec des gels hydroalcooliques, des thermoflashs, des bacs à laver les mains seront mis à disposition. Il demeure entendu que le port du masque de protection sera obligatoire pour les élèves, les étudiants et le personnel d’encadrement, dans les enceintes scolaires et les campus universitaires», a précisé Joseph Dion Ngute.
Cependant, les mesures décidées par le gouvernement sont loin d’avoir rassuré les enseignants. À quelques jours de la date annoncée, et alors que la courbe des contaminations progresse chaque jour un peu plus, les syndicats d’enseignants du Cameroun s’opposent à une reprise des cours dans les conditions actuelles. Dans une correspondance du 20 mai 2020 adressée au Premier ministre, ils dénoncent également une décision prise «de façon unilatérale, sans consultation des autres parties prenantes de l’éducation», et proposent plusieurs mesures comme conditions préalables à une éventuelle reprise des classes:
«Organiser les examens sur la base de la couverture à jour des programmes scolaires; échelonner au besoin la reprise des classes en commençant dans le secondaire par les terminales pour éviter l’engorgement des campus; assurer la disponibilité gratuite des masques et gels hydroalcooliques pour tous les élèves et enseignants sur tous les campus scolaires; limiter le nombre des élèves à 24 par classe au maximum», peut-on lire dans cette lettre signée de Roger Kaffo Fokou, porte-parole du collectif.
Au sujet des classes limitées à 50 élèves pour cette reprise des cours, de nombreuses questions se posent encore dans les milieux éducatifs.
«D’annuler ce troisième trimestre et d’organiser directement les examens officiels en évaluant les risques», suggère-t-il au micro de Sputnik.
Pour l’heure, malgré les cris d’alerte et les menaces de boycott, le retour à l’école est bien maintenu pour le 1er juin. Pour rappel, les cours ont été suspendus au Cameroun depuis le 17 mars dernier dans tous les établissements scolaires, universitaires, les centres de formation professionnelle et les grandes écoles. À ce moment-là, le pays comptait à peine une dizaine de cas. Les autorités avaient alors évoqué comme raison la protection des élèves pour limiter la chaîne de la contamination. Trois mois après, face à une augmentation exponentielle de nouveaux cas, beaucoup ne comprennent pas la nécessité de rouvrir les portes des écoles aux élèves.