«Éloge de la colonisation», tentative de semer le «chaos»: la diplomatie algérienne s’insurge contre les eurodéputés

En votant la résolution sur l’Algérie, le Parlement européen «a surtout confirmé, à l’initiative des députés instigateurs, qu’il promeut désormais ouvertement leur agenda du chaos provoqué, qu’ils ont malheureusement mis en œuvre dans bien des pays frères», affirme le ministère algérien des Affaires étrangères.
Sputnik

Dans un communiqué dont Sputnik s’est procuré une copie, le ministère algérien des Affaires étrangères a réagi au vote jeudi 28 novembre par le Parlement européen d’une «résolution d’urgence» sur la situation politique en Algérie, condamnant une tentative de semer le «chaos». À cet effet, l’Algérie se réserve «le droit de procéder à un examen général et attentif» de toutes ses relations et accords avec l’Union européenne.

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«Le Parlement européen, sur instigation d’un groupe hétéroclite de députés partisans, a pris l’outrecuidante liberté de statuer sur le processus politique en cours dans notre pays, au moment précis où les Algériens s’apprêtent à élire, en toute démocratie et transparence, un nouveau président de la République», fait savoir la note, qui ajoute que «les députés européens se sont même arrogés, toute honte bue, un droit d’exiger du Parlement algérien de modifier des lois que nos députés ont souverainement adoptées».

Un «agenda du chaos provoqué»

La diplomatie algérienne fait remarquer que l’un des éléments «révélateurs» d’un plan inavoué visant à déstabiliser l’Algérie est le fait qu’un «des parlementaires européens ait fait l’éloge de la colonisation qui aurait permis, selon lui, l’exercice de la liberté de culte durant les 132 ans de l’occupation coloniale de l’Algérie».

Ainsi, le communiqué du ministère des Affaires étrangères affirme que «par cette démarche, le Parlement européen a démontré son mépris, non seulement des institutions algériennes, mais également des mécanismes bilatéraux de consultation prévus par l’Accord d’association, y compris dans le domaine parlementaire». Dans le même sens, la note estime que le Parlement européen a «surtout confirmé, à l’initiative des députés instigateurs, qu’il promeut désormais ouvertement leur agenda du chaos provoqué, qu’ils ont malheureusement mis en œuvre dans bien des pays frères».

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Enfin, le document fait savoir que l’Algérie «condamne et rejette dans le fond et dans la forme» cette immixtion flagrante dans ses affaires internes et qu’Alger «se réserve le droit de procéder à un examen général et attentif de ses relations avec l’ensemble des institutions européennes, à l’aune de ce que ces institutions confèrent effectivement aux valeurs de bon voisinage ouvert, de coopération franche et de dialogue mutuellement respectueux».

Les eurodéputés ont «raté une bonne occasion de se taire»

Dans une déclaration à Sputnik, l’ex-colonel de l’armée de l’air algérienne et expert en questions géopolitiques et sécuritaires Mokhtar Saïd Mediouni affirme que si les députés européens sont réellement animés d’une bonne intention à l’égard du peuple algérien en votant cette résolution, «ils auraient plutôt voté un texte obligeant toutes les banques européennes à prendre les mesures idoines pour restituer l’argent volé par l’ancien système déchu [d’Abdelaziz Bouteflika, ndlr] qui, oh combien, a fait l’objet d’éloges de toutes les institutions européennes durant 20 ans». «Les Algériens ne les ont pas vu venir à leur aide quand pendant deux décennies ils n’avaient pas le droit de manifester», souligne-t-il.

Dans le même sens, M.Mediouni ajoute que défendre les droits de l’Homme exigent «en amont de restituer aux peuples ce qui leur a été volé et d’enquêter et punir les banques européennes qui ont été complices». «De ce point de vue, il est évident que le Parlement européen a raté une bonne occasion de se taire», lance-t-il.

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Par ailleurs, le haut gradé explique que dans le cadre de l’accord d’association avec l’Union européenne, l’Algérie a également le droit de s’exprimer sur le respect des libertés démocratiques et des droits de l’Homme en Europe. «Pourquoi le Parlement européen ne s’exprime pas sur ce qui se passe en France avec les Gilets jaunes», s’interroge-t-il, précisant que «des millions d’Algériens ont manifesté depuis le 22 février dans toutes les villes du pays sans qu’une seule goutte de sang ne soit versée». Mokhtar Saïd Mediouni considère que «les eurodéputés auraient dû se préoccuper des droits de leurs concitoyens et de faire en sorte que le droit des peuples qui choisissent de quitter l’Union européenne soit respecté».

En conclusion, M.Mediouni rappelle le silence des eurodéputés sur ce qui se passe à Gaza et sur la participation d’un bon nombre de pays européens — sous couvert de l’Otan — dans les guerres menées contre l’Irak, l’Afghanistan, la Syrie, la Libye et au Sahel, «qui ont engendré un chaos inextricable».

«Au lieu de s’ériger en donneurs de leçons aux autorités algériennes, ils feraient mieux de réserver leurs résolutions à ceux qui ont osé un jour déclarer à l’Assemblée nationale française que les terroristes d’Al-Qaïda* faisaient du bon boulot en Syrie». «La résolution votée par le Parlement européen met le prochain Président algérien face à ses responsabilités quant à la nature des relations à entretenir avec l’UE, envers lesquelles il devrait tirer les conclusions qui s’imposent», estime-t-il.

L’Espagne se démarque

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Dans une déclaration à la presse à l’issue de son entretien jeudi 28 novembre à Alger avec son homologue algérien Salaheddine Dahmoune, le ministre espagnol de l’Intérieur Fernando Grande-Karlaska a réagi à la résolution votée par le Parlement européen. Il a affirmé que son pays «a toujours considéré qu’il [la situation en Algérie, ndlr] s’agissait d’une question interne, et que le gouvernement espagnol appuyait le processus électoral qui se tiendra le 12 décembre», rapporte l’Algérie Presse Service (APS). Le ministre espagnol a précisé que son pays avait un rôle de «modérateur» avec l’Union européenne.

Le 28 novembre, le Parlement européen a organisé un débat sur Algérie à l’initiative de eurodéputé Raphaël Glucksmann suivi du vote d’une «résolution d’urgence».

Les eurodéputés «condamnent fermement les arrestations arbitraires et illégales ainsi que l’emprisonnement, les attaques et les intimidations de journalistes, syndicalistes, avocats, étudiants, défenseurs des droits de l’Homme et de manifestants pacifiques qui prennent part aux manifestations d’Hirak», affirme le texte de la résolution.

Raphaël Glucksmann est membre du groupe de réflexion néo-conservateur le Cercle de l'Oratoire. Il a contribué en 2006 à la fondation de l’organe de presse Le Meilleur des mondes, qui défend le bien-fondé des interventions en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie, en Géorgie et en Ukraine et dénonce l'antiaméricanisme.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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