Rachat d’Anadarko: Alger «a laissé faire et la France, par le biais de Total, fera main basse» sur les richesses du pays

Un avocat d’affaires, spécialiste en arbitrage économique, confie dans un entretien accordé à EL Watan que le rachat par Total des actifs d’Anadarko en Algérie et la convention entre Alger et ExxonMobil sur d’évaluation du potentiel en hydrocarbures du pays sont des signes de perte de souveraineté.
Sputnik

Dans un entretien accordé au quotidien francophone El Watan, Me Nasr Eddine Lezzar, avocat d’affaires et spécialiste en arbitrage économique, tire la sonnette d’alarme quant aux répercussions néfastes sur l’économie nationale du rachat par le géant pétrolier français Total des actifs de l’Américain Anadarko en Algérie.

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Ainsi, il considère que cette transaction ajoutée à la convention signée avec l’Américain ExxonMobil, portant sur l’étude d’évaluation du potentiel en hydrocarbures des bassins du Sahara algérien, étaient des signes sérieux que l’Algérie perdait progressivement sa souveraineté sur ses richesses. Détails.

Le rachat des actifs d’Anadarko

Le rachat par Total des actifs d’Anadarko en Algérie aurait dû faire réagir plus énergiquement le gouvernement, regrette l’expert.

Bien que le ministre de l’Énergie Mohamed Arkab ait haussé le ton dans un premier temps, affirmant que l’État algérien allait user de son droit de préemption pour empêcher cette transaction, rien n’a été fait «en dépit du danger que représente cette opération pour la souveraineté nationale dans un secteur aussi stratégique», s’étonne-t-il.

«L’État algérien a laissé faire et la France, par le biais de Total, fera main basse sur le pétrole et le gaz algériens avec toutes les conséquences qui peuvent découler du fait qu’une entreprise française contrôle à elle seule la majorité des actifs énergétiques de notre pays», met en garde Me Lezzar.

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Pour ce spécialiste, l’Algérie disposait de moyens qui lui permettaient d’ouvrir des négociations avec Anadarko pour une offre de reprise à un meilleur prix que celui proposé par Total. Selon lui, elle aurait pu également faire s’associer d’autres acteurs et user ainsi de leviers de lobbying «pour éviter que Total s’installe en position dominante dans un secteur de souveraineté dont il abusera sûrement».

«Cependant, le recours aux différents moyens pour faire échec à cette cession dépend d’une volonté politique qui, visiblement, n’existe pas», affirme-t-il, et s’offusque du fait que «l’Algérie n’avait opposé aucune résistance ni par le biais de Sonatrach [Société nationale des hydrocarbures, ndlr] ni par celui d’Alnaft [l’Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures, ndlr], encore moins par le biais du gouvernement».

Qu’en pensent les experts?

Dans un entretien accordé à Sputnik, Ali Benouari, ancien ministre algérien du Trésor (1991-1992), expert international en finance et président du parti non agréé Nida Al Watan (L’Appel de la Patrie, en arabe), affirme qu’«on aurait dû racheter les parts d’Anadarko».

«Derrière l’absence de volonté politique, il y avait peut-être le souci de ménager nos réserves de changes. Si tel était le problème, il aurait été plus judicieux de lever de la dette sur les marchés internationaux pour financer cette acquisition», ajoute-t-il, précisant que «Sonatrach n’aurait eu aucun mal à trouver l’argent nécessaire».

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«Ces actions n’auraient d’ailleurs jamais dû être vendues», insiste M.Benouari. Et pour cause, il rappelle qu’au plus fort de la crise financière des années 1988-1994, quand il était impossible de lever des emprunts sur les marchés financiers, il préconisait lui-même, en tant que conseiller puis ministre du Trésor d’emprunter par nantissement des actions (des prêts gagés) d’Anadarko et de Panhandle, alors propriété de la Sonatrach.

«Cette technique pouvait permettre de garder ces actifs stratégiques, tout en retrouvant de la liquidité, et à un taux moins cher que celui des crédits classiques», explique-t-il, soulignant «l’importance de ces actions». «Mais le premier gouvernement de Bouteflika en avait décidé autrement», ajoute-t-il.

En effet, selon M.Benouari, l’ex-ministre de l’Énergie Chakib Khelil, et l’ex-ministre des Finances Abdellatif Benachenhou «se sont empressés de les vendre comme de vulgaires actifs, poussés par l’embellie financière due à la hausse des prix du pétrole et par l’appât du gain».

«La vente a en effet été confiée au très controversé Farid Bedjaoui, poursuivi par la justice italienne dans l’affaire des pots de vin (198 millions de dollars) versés par la société Saipem à des intermédiaires algériens, dont justement Chakib Khelil», explique-t-il, avant de renchérir que «décidément, les actions d’Anadarko n’ont pas fini de faire couler de l’encre».

La convention avec ExxonMobil

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La convention signée par l’Alnaft ExxonMobil porte sur la participation de ce géant américain à l’étude d’évaluation du potentiel en hydrocarbures des bassins répartis sur tout le Sahara algérien.

«Elle n’a pas l’air d’une convention de recherches de ressources dans un champ pétrolier», dit Me Lezzar, estimant qu’elle était plutôt «l’objet d’une évaluation des ressources d’hydrocarbures dans tout le Sahara algérien».

Pour lui, les données qui seront découvertes par ExxonMobil sont des informations stratégiques qui touchent à la sécurité économique nationale et à la sécurité nationale au sens large.

«Cette externalisation est inquiétante, car les informations prospectives dans le secteur des hydrocarbures font partie du secret d’État», indique-t-il, soutenant que «dans ce secteur comme dans d’autres, l’information est le nerf de la guerre économique».

«Elle est un atout maître et un levier majeur dans les négociations internationales. L’information est un élément cardinal de manipulation entre les mains de celui qui la détient», conclu-t-il, relevant qu’il était «inquiétant que l’Alnaft laisse ce levier entre les mains des étrangers».

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L’avis du ministre de l’Énergie

Lundi 7 octobre à Alger, Mohamed Arkab, ministre algérien de l’Énergie, a affirmé que l’avant-projet de loi sur les hydrocarbures a été élaboré en consultation avec «les grandes compagnies pétrolières internationales», classées parmi les meilleures au monde. Il a précisé l’avant-projet finalisé mercredi 2 octobre en conseil des ministres ne remettait  pas en cause la règle 49/51 (qui limite à 49% la part d'investissements étrangers dans les projets de la compagnie nationale des hydrocarbures Sonatrach).

«Pour développer ce domaine [des hydrocarbures, ndlr] nous avons besoin de l’accompagnement de partenaires étrangers pour poursuivre, voire promouvoir notre production», a soutenu le ministre, rapporte l’Algérie Presse Service (APS). «L’activité des hydrocarbures connait une importante évolution de par le monde, et l’Algérie ne saurait demeurer en reste», a-t-il ajouté.

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M.Arkab a confié que l’une des raisons qui ont poussé le gouvernement à réviser cette loi est le faible taux d’exploration enregistré ces dernières années par rapport à l’objectif assigné. Il a rappelé à cet effet que sur un total de 67 sites d'exploration, qui font l’objet d'appels d'offres internationaux depuis 2005, il n'a été enregistré à ce jour que 19 offres et 13 contrats signés.

Dans le même sens, le ministre a expliqué que les amendements apportés dans le cadre de cette nouvelle loi concernaient les «contrats de concession», les «contrats de services à risques» et les «contras de partage de production» en vigueur dans les grandes compagnies pétrolières et gazières.

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