L’ex-ministre algérien Benouari indique à Sputnik les deux voies possibles pour une sortie de crise en Algérie

Ali Benouari, ex-ministre algérien du Trésor, a expliqué dans un entretien à Sputnik qu’il y a deux voies de sortie de crise en Algérie, marquée par l’échec probable de la présidentielle du 4 juillet et l’appel lancé par le chef de l’armée à la classe politique. L’ex-ministre a aussi annoncé en exclusivité qu’il se portait candidat à la présidence.
Sputnik

Dans une interview accordée à Sputnik, Ali Benouari, ex-ministre algérien du Trésor (1991-1992) et président du parti Nida El Watan, a indiqué que l’élection présidentielle algérienne se tiendrait probablement vers la fin de l’année 2019. Selon lui, à cette période, personne ne sera contraint par les délais fixés par l’article 102 de la constitution et «tout deviendra possible». Dans ce sens, il a indiqué deux chemins pour sortir l’Algérie de la situation de blocage politique, suite à l’échec annoncé de l’élection présidentielle du 4 juillet 2019, suivi de l’appel du chef de l’armée à un dialogue national.

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Pour ce qui est de la première voie, l’ex-ministre a affirmé qu’«il suffit qu’il y ait un consensus entre l’armée et ce qui tient lieu de forces politiques». «Dans ce cadre, l’armée peut imposer un agenda à celles-ci, sous le couvert de l’urgence et de la nécessité», a-t-il ajouté.

Cependant, pour que cette démarche aboutisse, selon lui, «il conviendra de mettre en place une instance indépendante chargée de la préparation, notamment la mise à jour du fichier électoral, de l’organisation et du suivi des élections jusqu’à la proclamation des résultats finaux».

M.Benouari a ajouté par ailleurs que cela ne suffira pas car il faudra également réviser la loi électorale et les lois sur les partis et sur les médias, soulignant que c’est là où réside la plus grande des difficultés. «Qui devra préparer ces lois? Qui devra les adopter? Cela ne pourra pas être le gouvernement et le parlement actuels, sauf si on leur demande d’être "souples"», a-t-il affirmé, ajoutant qu’«il faut encore qu’il y ait une autorité présidentielle pour signer et promulguer ces lois».

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Dans le même sens, selon lui, il est possible de désigner une nouvelle autorité présidentielle qui pourrait régler ces problèmes, «quitte à nommer un gouvernement provisoire et légiférer par ordonnances à la place du parlement». Tout en expliquant que toute la problématique de la transition se trouve dans ce point, Ali Benouari a soutenu que «si on cherche à contourner cette question, il n’y aura aucun autre moyen pour garantir la transparence des élections et le traitement égal des candidats». «Quoiqu’il en soit, ces problèmes devront être discutés avec l’armée qui, faut-il le rappeler, sera, à partir du 9 juillet prochain [date de la fin du mandat du chef de l’État par intérim Abdelkader Bensalah, ndlr], la seule institution légitime du pays», a-t-il précisé.

L’ex-ministre a affirmé en exclusivité à Sputnik qu’il sera candidat à la prochaine élection présidentielle, si toutes les conditions pour son bon déroulement sont réunies.

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La seconde solution, selon l’ex-ministre du Trésor, réside dans le fait de «garder l’actuel Président par intérim et son chef du gouvernement qui pourraient être instruits d’organiser la transition». «Au nom du pragmatisme, ils n’auront pas d’autres choix que de coopérer, c’est évident», a-t-il lancé.

Dans ce cadre, il a expliqué que cette voie était justement la démarche du général Gaïd Salah, qui peut être considérée, «non comme un refus du principe même de la transition, mais plutôt comme une démarche singulière qui trouve sa légitimité dans le vide politique créé par l’ex-Président Bouteflika». «De ce point de vue, comment donner tort au chef de l’état-major de l’armée?», s’est-il demandé.

Tout en expliquant que cette démarche deviendrait bientôt caduque vu l’échec annoncé de l’élection du 4 juillet, dont le dernier discours du chef de l’armée semble en prendre acte, M.Benouari a affirmé que «le chef d’état-major cherche certainement à engager le pays dans une quête de consensus pour trouver une solution hors constitution, afin de résoudre les problèmes déjà soulignés».

«Il ne faut pas refuser cette main tendue car il ne peut pas y avoir de solution en dehors d’un consensus raisonnable entre toutes les parties», a-t-il mis en garde, précisant que ce «consensus devra par la suite nécessairement être plébiscité par le Hirak [le mouvement populaire du 22 février, ndlr], qui est l’incarnation vivante des fameux articles 7 et 8 de l’actuelle constitution». «Un garde-voie qui devrait amener les uns et les autres à plus de modération devant les initiatives de l’armée», a-t-il ajouté.

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Dans son projet présidentiel, Ali Benouari préconise, entre autres sur le plan politique et institutionnel, l’élection d’une assemblée constituante pour quatre ans qui préparera l’avènement de la seconde république en 2024-2025. Sur le plan économique, il envisage une réforme monétaire et fiscale d’envergure et la création d’un nouveau dinar convertible, fer de lance d’une nouvelle politique d’investissement, de développement et de justice sociale. En plus de la création d’un ministère de la planification. Sur le plan extérieur, il compte opérer une réorientation profonde de la politique étrangère de l’Algérie dans le sens de ses intérêts à long terme et le développement de l’investissement public, y compris à l’étranger, uniquement dans les secteurs stratégiques.

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