Diversions, sabotages, assassinats: les opérations secrètes des USA à l'étranger

L'Université des opérations spéciales interarmées auprès du Pentagone a publié un rapport de 250 pages décrivant en détail l'ingérence des USA dans les affaires d'autres États.
Sputnik

L'auteur du document, un ex-officier des forces spéciales américaines, y analyse 47 missions visant à déstabiliser la situation ou à changer le régime dans différents pays, écrit le site de la chaîne RT. Ce document indique que tous les Présidents américains depuis la Seconde Guerre mondiale ont eu recours à de telles opérations. Les services secrets du pays, affirme l'auteur, utilisaient des méthodes criminelles, notamment des actes de diversion et des assassinats. Les experts soulignent que la Maison-Blanche n'a pas l'intention de renoncer à cette pratique.

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Les ingérences secrètes

Le rapport publié par l'Université des opérations spéciales interarmées auprès du Pentagone compte 250 pages. On y apprend que l'ingérence secrète des États-Unis revêt différentes formes, de l'aide aux mouvements de résistance civile aux opérations militarisées secrètes et aux activités militaires plus vastes utilisant des méthodes non traditionnelles visant à soutenir des campagnes militaires ordinaires.

L'auteur de ce document, Will Irwin, est un ancien officier des forces spéciales américaines. En 28 ans de carrière militaire, il a participé à des opérations aux États-Unis, en Europe, en Amérique du Sud et en Asie, et travaille depuis quelques années au sein du Commandement unifié des opérations spéciales des forces américaines.

Au début de ce rapport intitulé «Soutenir la résistance: l'objectif stratégique et l'efficacité» (Support to Resistance: Strategic Purpose and Effectiveness), Will Irwin souligne que lors de la rédaction de ce travail il ne s'est appuyé que sur ses propres opinions et jugements, et souligne qu'ils peuvent ne pas coïncider avec la position du Pentagone et d'autres institutions officielles américaines.

L'auteur du document a séparé les opérations spéciales américaines en trois catégories: la déstabilisation, l'imposition et le changement de régime. 68% de toutes les missions analysées se rapportent à la première; et les 32% restants sont également répartis entre les opérations d'imposition et de changement de régime.

Au total, Will Irwin a analysé 47 opérations du Pentagone visant différents États entre 1941 et 2003.

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La préface de ce travail a été rédigée par l'ex-chef du Commandement des forces spéciales de l'armée américaine (2008-2012), le général à la retraite John F. Mulholland Jr. D'après lui, la Seconde Guerre mondiale a été choisie comme point de départ car ce conflit a «tout changé» en renforçant la position des USA en tant que «leader du monde libre».

De plus, pendant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont créé le premier service de renseignements unifié de l'histoire nationale: l'Office des services stratégiques — qui donnera plus tard naissance à la CIA.

Objectif subversion

Sur les 47 opérations citées, l'auteur juge que 23 ont été réussies, et 20 ratées.

«Au total, depuis 1940 et à ce jour, près de 70% des opérations d'aide à la résistance ont été menées à des fins subversives. Dans d'autres cas les opérations étaient menées pratiquement à part égale dans le but d'imposer et de renverser le pouvoir. Dans 23 des 47 cas étudiés nous avons conclu que les opérations avaient atteint leur objectif. Deux cas ont été jugés partiellement réussis. 20 cas ont été reconnus comme un échec», note le document.

L'auteur n'a pas pu se prononcer définitivement sur deux autres opérations de la Seconde Guerre mondiale car la victoire a été remportée par les alliés avant que ces missions n'apportent des résultats.

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Selon l'auteur du texte, la plupart des opérations étaient menées en temps de guerre, sachant que dans ces circonstances le pourcentage de succès était deux fois plus élevé par rapport aux missions en temps de paix. De plus, Will Irwin cite les statistiques indiquant que l'aide à la résistance était plus efficace s'il s'agissait d'un soutien direct à une campagne militaire.

En outre, selon les observations de l'auteur, les opérations s'avèrent peu efficaces quand la résistance tente de renverser le régime. Le succès des missions est plus probable si leur objectif est un travail subversif. Après la Guerre froide, seulement trois campagnes d'aide à la résistance sur sept ont été un succès, sachant que deux d'entre elles visaient à renverser le pouvoir, souligne l'auteur.

Dans le même temps, Will Irwin écrit que le soutien à la résistance civile a plus de chances de réussir que l'aide aux rebelles militarisés.

Le «statut secret» des missions contemporaines

L'auteur précise qu'il n'a pas étudié toutes les opérations connues de Washington.

«Les coups d'État soutenus par les USA (comme les événements en Iran en 1953 ou au Guatemala en 1954) n'ont pas été étudiés parce qu'il ne s'agissait pas de mouvements protestataires légitimes. Le document ne traite pas non plus des opérations en cours, étant donné le statut confidentiel de l'information et leur issue incertaine», écrit Will Irwin.

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D'après lui, chaque Président américain depuis la Seconde Guerre mondiale, à une certaine étape de son mandat, apportait un soutien aux forces protestataires ou rebelles dans d'autres pays.

«Même les Présidents américains qui n'approuvaient pas une telle activité avant leur élection étaient contraints d'y recourir après leur investiture», déclare l'auteur.

Toutes les opérations évoquées dans la monographie possèdent une circonstance en commun. L'auteur écrit que les services secrets américains agissaient contre les États qui se trouvaient sous l'administration de «forces d'occupations et hostiles» ou d'un «régime répressif autoritaire».

«Armées clandestines, diversions, assassinats»

L'auteur indique que de nombreuses opérations de ce type ont été menées dans le cadre de la confrontation USA-URSS pendant la Guerre froide, dans le cadre de laquelle les États-Unis avaient misé sur la subversion. L'auteur rattache notamment à cette catégorie les activités américaines en Roumanie en 1946 et en 1949-1953, en Yougoslavie en 1948-1949 et en Pologne en 1950-1952.

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Le rapport stipule que la directive 10/2 du Conseil de sécurité nationale des USA adoptée en 1948 a marqué le début d'une série d'opérations secrètes contre l'URSS à travers le monde. L'accomplissement de ces missions était pris en charge par l'Office de coordination politique au sein de la CIA créé en 1947.

L'une des principales exigences de Washington vis-à-vis de l'exécutant était la capacité d'organiser et d'entretenir des «mouvements de résistance, des armées clandestines, de commettre des actes de diversion et des assassinats».

Selon les informations de l'auteur, l'Office de coordination politique avait pour mission de «libérer les pays d'Europe de l'Est des communistes» et de rétablir les frontières de l'URSS d'avant-guerre.

«S'introduire derrière le Rideau de fer»

Comme l'explique Will Irwin, en 1948 l'Ukraine est devenue l'une des cibles de l'activité des services secrets américains. A l'époque, deux représentants de mouvements nationalistes ont fui l'Union soviétique et se sont adressés aux représentants américains. Ils comptaient s'assurer le soutien de Washington pour organiser un mouvement de résistance anticommuniste. Ils ont été finalement recrutés par une structure de la CIA, puis ont suivi une formation spéciale. Il a enfin été décidé de renvoyer les agents de diversion en Ukraine par les airs.

Selon les informations de l'auteur du rapport, en 1949 l'avion transportant ces agents a enfreint la frontière de l'URSS et aurait été détecté par les radars soviétiques, mais aucune interception n'a eu lieu. Par la suite, ces individus recrutés par la CIA ont rapporté qu'ils étaient bien arrivés à destination. Toutefois, les Américains ont conclu que les deux saboteurs avaient été éliminés et qu'ils n'étaient pas les auteurs de ce message.

Pendant cinq ans, affirme Will Irwin, les États-Unis ont envoyé en Ukraine des dizaines d'autres agents de la même manière. Selon l'auteur, pratiquement tous ont été appréhendés.

Plus tard, la CIA a reconnu que ses tentatives de s'introduire derrière le Rideau de fer en utilisant des agents ukrainiens avaient été «ratées et tragiques». L'auteur cite des exemples similaires d'infiltration de saboteurs dans les républiques baltes, en Moldavie soviétique et en Pologne — qui n'ont pas toutes été couronnées de succès.

Par ailleurs, l'auteur évoque l'échec des opérations des autorités américaines à Cuba dans les années 1960-1965, quand Washington avait l'intention de renverser Fidel Castro.

Comme l'indique l'auteur du rapport, la campagne américaine à Cuba était divisée en trois étapes, dont la première était l'invasion ratée dans la baie des Cochons. Will Irwin note que les dépenses pour la mission étaient passées de 4 à 46 millions de dollars.

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A l'époque, presque 1.500 agents formés par les USA, essentiellement des émigrés cubains, avaient débarqué dans la baie. Cependant, la résistance des troupes fidèles à Castro avait écrasé les forces proaméricaines, et rapidement presque 1.200 hommes se sont rendus.

Mais les USA ne se sont pas arrêtés là. L'auteur raconte la campagne suivante, baptisée MONGOOSE. Will Irwin la décrit comme un «mélange agressif d'activité militarisée, de sabotage industriel et d'opérations psychologiques visant à contribuer à la mutinerie».

Entre 1961 et 1963, le Pentagone a envoyé à Cuba des dizaines d'équipes qui devaient mener des opérations sur l'île. L'auteur du rapport pense que durant cette mission les forces de résistance cubaines ont été approvisionnées en armes et en munitions, tout en «prolongeant la vie des rêves de liberté». Sachant que cette activité n'a apporté aucun résultat factuel.

«Saper l'influence de l'URSS»

Parmi les opérations les plus réussies, l'auteur évoque le soutien à l'union polonaise des syndicats, Solidarité, entre 1981 et 1989.

«Le programme de soutien visait un double objectif: promouvoir la démocratie en Pologne et saper l'influence de l'URSS dans un État-satellite crucial. Il était mené parallèlement à l'opération de soutien des moudjahidines en Afghanistan et était un élément de conflit sur deux fronts dont les conséquences ont changé le cours de l'histoire», écrit Will Irwin.

L'auteur souligne que ces deux campagnes «ont joué un rôle central dans l'effondrement du Pacte de Varsovie et la destruction de l'Union soviétique qui a suivi».

Après l'envoi de troupes soviétiques en Afghanistan, Washington a commencé à fournir des armes aux rebelles-moudjahidines, ainsi qu'à leur apporter un soutien financier et consultatif.

La Maison-Blanche avait l'intention de transformer l'Afghanistan en «marécage politique et économique» pour les forces soviétiques et «faire payer l'URSS pour le Vietnam». Officiellement, ce programme sous-entendait une politique d'opposition à l'expansion soviétique.

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«Les USA ont eux-mêmes terni leur image»

Dans une interview à RT, le président de l'Association pour les études stratégiques internationales Gregory Copley note qu'au final les USA ont contribué au développement de mouvements radicaux en Afghanistan et se sont eux-mêmes enlisés dans ce pays.

«En lançant la guerre contre les talibans, les États-Unis ont perdu en Asie centrale leurs relations de partenariat étroites et tous leurs avantages stratégiques. Ils ont perdu toute la confiance dont ils bénéficiaient en Afghanistan. L'Amérique a dégradé elle-même l'image et l'autorité de ses forces stratégiques», estime Gregory Copley.

Ce rapport est une sorte de manuel scolaire pour la préparation des futurs officiers des Forces spéciales de l'armée américaine, a déclaré à RT l'expert militaire Alexeï Leonkov, rédacteur du magazine Arsenal Otetchestva.

«Puisqu'ils analysent d'aussi près les opérations, ce n'est rien d'autre qu'un échange d'expérience pour la préparation de représentants des Forces des opérations spéciales. Puis ils appliqueront leurs connaissances en pratique», suppose l'expert.

D'après Vladimir Batiouk, chercheur en chef à l'Institut des États-Unis et du Canada, l'orientation du rapport correspond à l'idéologie américaine selon laquelle l'Amérique est un pays exclusif.

«Quand l'Amérique répand ses valeurs et ses idéaux, notamment par la force des armes, à leurs yeux ce n'est pas une violation du droit international ou une ingérence dans les affaires intérieures d'autres États. Ils pensent que c'est merveilleux et que l'Amérique doit en être fière, et non en avoir honte», ironise l'expert.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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