Une crise économique et sociale sans précédent frappe la République du Congo (RC), un État membre de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) qui a connu un véritable boom pétrolier dans les années 2000. Ce qui en faisait alors du Congo-Brazzaville, son nom informel, l'un des pays les plus stables économiquement de la sous-région parce que disposant des plus importantes réserves à la banque des États de l'Afrique centrale (BEAC). Mais depuis 2015, avec la chute des prix du pétrole, c'est la dégringolade. Le pays est au bord du gouffre.
«Il y a une perte massive d'emplois, ce qui augmente le chômage de masse des concitoyens les plus démunis», commente pour Sputnik Mpaco Emery, agent contractuel à la direction du Trésor au ministère des Finances du Congo-Brazzaville. Il a notamment assisté aux négociations entre la Chine et Brazzaville dans le cadre du Fonds Monétaire International (FMI).
Brazzaville, quant à lui, dépend encore aujourd'hui à 90% des recettes pétrolières, sans aucune diversification. Les investisseurs internationaux font de plus en plus défection. C'est dans ce contexte qu'Akinwumi Adesina, Président de la BAD, effectuera une visite dans le pays le 10 mai prochain. Une visite qui le conduira dans toute l'Afrique centrale.
Le ministre gabonais de l'Économie, Jean Marie Ogandaga, a assisté avec ses homologues de la CEMAC à une rencontre avec le FMI, à Washington D.C. en avril dernier. Il avait déclaré, dans un entretien accordé au site Gabon actu: «C'est une grande première, nous nous sommes concertés et nous avons décidé de faire bloc face au FMI». L'objectif pour les ministres de la sous-région est d'inciter le FMI à conclure des accords avec Brazzaville.
«Nous serons jugés par les six États membres, comme c'est le cas actuellement. Le FMI reconnaît les efforts importants réalisés par les pays de la CEMAC. La sous-région mérite l'assistance soutenue du FMI et aussi de la Banque mondiale», avait conclu Jean Marie Ogandaga.
«C'est certainement la première fois que la Chine se retrouve confrontée à ce genre de situation. Le Congo [-Brazzaville, ndlr] cherche à se mettre sous la protection du FMI pour éviter un éventuel défaut de paiement. La Chine, qui détient plus d'un tiers de sa dette externe, n'est pas vraiment à l'aise avec cette procédure. La Chine a prêté à tout-va ces dernières années, souvent à des pays qui produisent et exportent des matières premières, en particulier du pétrole. Or, Pékin commence à se rendre compte que les problèmes peuvent s'accumuler», a assuré à Sputnik un spécialiste des relations entre Pékin et l'Afrique, sous couvert d'anonymat.
«Le PIB du pays est divisé par deux. Ce qui a entraîné une explosion de son endettement à 110% en 2017, soit environ deux milliards de dollars», a affirmé un expert de la BEAC (Banque des États de l'Afrique centrale) joint à Yaoundé par Sputnik.
Pour faire face à cette crise sans précédent, le gouvernement congolais a appelé au secours le FMI. Un accord était en vue au début 2018, mais n'a toujours pas été approuvé. Le FMI impose notamment comme condition que la dette soit soutenable «à l'issue du programme et des réformes mises en place», explique au site Gabon actu, Joël Toujas Bernate, sous-directeur Afrique au FMI.
Aux États-Unis, premier contributeur du FMI, une quinzaine d'élus ont demandé en août dernier au secrétaire d'État américain au Trésor, Steven Mnuchin, qu'il exerce son influence pour «empêcher l'exécution des programmes» des pays trop endettés vis-à-vis de Pékin. Le Congo-Brazzaville fait partie de la «liste noire» dressée à cet effet.
«Pour les États-Unis, il est hors de question que le FMI vienne à la rescousse des pays endettés vis-à-vis de Pékin. Le Fonds a établi un rapport de forces dans une logique de créancier. Il veut être remboursé à la fin du programme et s'assurer que la dette soit soutenable. Mais la position de la Chine reste ambiguë pour l'instant. Nous espérons que le programme du Congo-Brazzaville sera approuvé d'ici la prochaine réunion du conseil d'administration du FMI en juin 2019. C'est en bonne voie, mais ce n'est pas encore signé», avait expliqué à Sputnik André Bouilaga, un économiste congolais contacté à Brazzaville.
Avant même la date butoir fixé par le FMI, l'organisation de Bretton woods a annoncé, le 9 mai, la conclusion d’un accord avec le gouvernement de Brazzaville. Ce qui ouvre dès lors la voie à un programme d'aide à destination du Congo. En attendant, le nombre de Congolais sans emploi augmente de jour en jour et le chômage alimente les discussions dans tout le pays. Officiellement, on parle d'un taux de 15%, même si ce chiffre ne reflète pas la réalité vécue au quotidien. «Seules les entreprises chinoises parviennent encore à exécuter certains travaux grâce au cofinancement de la Chine», selon une source gouvernementale congolaise.
L'environnement des affaires constitue également l'une des faiblesses du pays, qui occupe la 180e place sur 190 au classement Doing Business 2019, établi par la Banque mondiale pour évaluer la qualité de l'environnement des affaires des pays dans le monde. Il est donc loin derrière des pays comme le Rwanda, à la 26e place dans le monde, mais deuxième en Afrique.
«En l'absence de découvertes majeures à moyen terme, il ne reste au Congo-Brazzaville qu'une dizaine d'années de production pétrolière», affirme à Sputnik Achile Ngwanza, expert congolais en exploitation pétrolière.
Depuis la mise en production de ses champs pétroliers à la fin des années 90, l'économie congolaise est devenue fortement dépendante des revenus pétroliers. Ainsi l'or noir représente-t-il 90% des exportations et 80% de la richesse nationale. Avec une production de brut s'élevant à 354.000 barils/jour, le Congo-Brazzaville se classe au 6e rang des producteurs de pétrole en Afrique.