Hubert Védrine compare la situation en Algérie à la chute de l’URSS

Ce qui se déroule en Algérie ressemble à «ce qui s'est passé en Europe de l'Est à la fin de l'URSS», a affirmé Hubert Védrine, ex-ministre des Affaires étrangères, dans un entretien avec le JDD. Tout en qualifiant le processus de «prometteur» pour la réforme du système politique, il a mis en garde contre toutes ingérences étrangères dans ce pays.
Sputnik

Dans un entretien avec le Journal du dimanche (JDD), Hubert Védrine s'est exprimé sur la crise politique en Algérie. Pour l'ancien secrétaire général de l'Élysée et chef de la diplomatie française, ce qui se déroule dans ce pays d'Afrique du Nord est une «dynamique en marche» qui rappelle «ce qui s'est passé en Europe de l'Est à la fin de l'URSS». C'est un processus de changement pacifique du système politique qui «s'est installé depuis 1965». Tout en qualifiant ce qui se passe «de prometteur», l'ancien diplomate a mis en garde contre toutes formes d'ingérence étrangère dans ce processus. Saluant la position prudente et équilibrée de la France, il a appelé à laisser le peuple algérien mener, à lui seul, son mouvement à bon port.

«Ce qui se passe en Algérie est très important. C'est le début d'un dégel du système qui était figé depuis l'arrivée au pouvoir de Houari Boumediene en 1965 [2e Président de l'Algérie indépendante, ndlr]. C'est donc considérable», a-t-il déclaré, ajoutant que malgré les décisions annoncées par le Président Bouteflika «une dynamique est en marche».

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Dans le même temps, évoquant le caractère pacifique des manifestations en Algérien et la joie exprimée, même temporairement, par les Algériens suite au renoncement du Président Bouteflika à un cinquième mandat, M.Védrine a affirmé que «l'opinion publique a donc raison de se réjouir car ce qui se passe depuis des semaines est très prometteur». «Ces foules sont très impressionnantes par leur taille et leur calme. Leur self-control est remarquable», a-t-il lancé.

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N'écartant pas les risques de débordement de ce mouvement en cas d'absence de consensus entre les deux parties qui s'opposent en Algérie, l'ex-chef de la diplomatie française a mis en garde contre toutes tentatives d'ingérence étrangère dans ce pays, en rappelant le précédent de ce qui s'est passé dans d'autres États du monde arabe.

«On n'a que trop vu, ailleurs, les dégâts causés par l'esprit missionnaire, philosophique ou diplomatique! Quoi qu'on en pense, sur le fond, ça ne marche pas, ou plus. C'est même souvent contre-productif», a-t-il affirmé. «C'est encore plus vrai pour l'Algérie, d'autant que les Algériens ne nous ont rien demandé», a-t-il souligné.

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Évoquant la réaction des Algériens aux dernières déclarations d'Emmanuel Macron, M.Védrine a affirmé qu'«il y a souvent, compte tenu de notre psychologie, un contraste entre la résonance affective des événements et les leviers réels dont on dispose pour agir», précisant qu'«en fait, aucune décision en Algérie depuis des années n'a été prise sous influence française». «Mais en France, nous ne devons pas prendre position en fonction de l'émotion médiatique du jour. Il faut sortir de la névrose franco-française et franco-algérienne, être réaliste, plus modeste et donc plus efficace, raisonner à long terme et avec sang-froid», a-t-il suggéré.

Le vendredi 15 mars, des centaines de milliers de manifestants se sont rassemblés dans le centre d'Alger et dans d'autres villes du pays pour exiger le départ du Président Abdelaziz Bouteflika et maintenir la pression sur les autorités qui ont proposé lundi une feuille de route pour la transition rejetée par l'opposition. Il s'agit des manifestations les plus imposantes dans le pays depuis le début de la contestation le mois dernier.

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