Le 26 décembre dernier, Petro Porochenko a annoncé la fin de la loi martiale en Ukraine, un mois après l'interception de navires militaires ukrainiens dans les eaux territoriales russes du détroit de Kertch. Au même moment, Vladimir Poutine assistait à un tir d'essai du nouveau missile hypersonique russe. Ces deux évènements nous ramènent à des problématiques plus complexes, que le Président russe a abordé le 20 décembre dernier, lors du traditionnel exercice de questions-réponses avec les journalistes.
Une fois de plus, les relations internationales ont représenté près de la moitié des sujets abordés à l'occasion de la conférence de presse annuelle du Président de la Fédération de Russie, montrant l'intérêt de l'opinion publique russe pour la politique extérieure de leur pays.
Cette année, le prix de la meilleure question posée au Président russe est décerné au Wall Street Journal, dont la journaliste a demandé si Vladimir Poutine avait réellement «l'intention de dominer le monde».
«Un État-major le fait déjà, mais il n'est pas à Moscou. Les États-Unis dépensent 700 milliards de dollars par an dans leur défense, la Russie 46», a alors répondu Vladimir Poutine, suggérant que le coupable n'était pas forcément celui qu'elle croyait.
La question était-elle une attaque personnelle ou le reflet de l'incompréhension totale du point de vue russe dans les sphères de pouvoir de Washington? Claude Blanchemaison estime que
«C'est une question provocante. Les journalistes sont aussi là pour poser des questions de ce type. Bien sûr, dans sa conférence de presse, qui est très équilibrée, Vladimir Poutine a remis les choses au point et les a resitué dans leur contexte.»
«Ce traité est toujours utile, comme les autres traités de contrôle des armes parce que plus on diminue ce genre de limitations, plus on accroît les risques, ne serait-ce que les risques d'accident, par un mauvais calcul de l'un ou l'autre des partenaires.»
S'il considère que la menace américaine de se retirer du traité FNI n'est «pas une bonne chose», Claude Blanchemaison ne croit pas pour autant que le risque d'un conflit nucléaire soit plus élevé fin 2018 que par le passé.
«Personnellement, je ne pense pas qu'on soit à la veille d'une guerre nucléaire pour la raison très simple que la dissuasion, ça existe et que les pays qui ont le stock le plus important d'armes nucléaires ont chacun la capacité de détruire l'autre, ce qui exerce une forte dissuasion en matière nucléaire», déclare l'auteur de Vivre avec Poutine.
Écartant ainsi le risque d'une confrontation nucléaire, l'ancien diplomate n'écarte pas pour autant d'autres types d'affrontement entre Washington et Moscou et observe:
«Il y a des possibilités de conflits indirects sur des théâtres d'opération tiers. C'est d'ailleurs déjà le cas.»
Un de ces lieux d'affrontement entre Russes et Américains pour gagner la bataille de l'influence est justement l'Ukraine, qui a fait l'objet de nombreuses questions, notamment au vu du regain de tension suite à l'interception par la marine russe de navires militaires ukrainiens dans le détroit de Kertch. Selon Claude Blanchemaison, ce conflit, qui dure depuis près de cinq ans, pourrait être apaisé.
«On a négocié, on a essayé de trouver une solution. Et cette solution, nous l'avons trouvé. Monsieur Poutine a souvent dit qu'il soutenait sa réalisation. Ce sont les accords Minsk II, patronnés par Vladimir Poutine, Angela Merkel et François Hollande.»
«Certains disent que l'Ukraine aurait des velléités d'attaquer pour modifier ce statu quo. Personnellement je n'en suis pas sûr, compte tenu notamment du rapport de force.»
Un rapport de force favorable à Moscou, malgré les sanctions économiques que le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie a engendrées puisque, de l'avis de l'ancien diplomate,
«Les sanctions ont gêné, et elles gênent, notamment en empêchant les banques d'accéder à des crédits pour le développement, mais […] ce qui a surtout atteint l'économie russe ces dernières années, c'est la chute des prix du pétrole et du gaz.»