L'humanoïde d'Atacama: les Chiliens prennent sa défense

L'examen de l'humanoïde d'Atacama a indigné les chercheurs chiliens, qui pensent que l'étude était non éthique et offensante pour sa famille. De plus, la momie a probablement été exhumée illégalement et sortie du pays en contrebande. Une enquête est en cours.
Sputnik

En mars 2018, des chercheurs de l'université Stanford ont réussi à décrypter entièrement le génome de l'étrange momie surnommée «humanoïde d'Atacama», écrit Gazeta.ru. La nouvelle des résultats obtenus a fait le tour du monde.

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La momie, longue de seulement 15 cm, a été découverte en 2003 dans un village abandonné au Chili et elle fait aujourd'hui partie de la collection privée d'un homme d'affaires espagnol. La momie possède seulement dix paires de côtes et un crâne allongé, ce qui a réveillé un certain intérêt et a engendré la version sur son origine extraterrestre.

L'analyse ADN effectuée sous la direction du docteur Garry Nolan a révélé que les ossements appartenaient à un individu de sexe féminin, visiblement un fœtus n'étant pas arrivé à terme. La composition des os de la momie rappelle celle d'un enfant de six ans, ce qui témoigne d'une maladie génétique inhabituelle qui a fait vieillir le fœtus déjà dans l'utérus de sa mère.

L'étude a provoqué une vague d'indignation parmi les scientifiques chiliens.

Ces derniers l'ont jugée non éthique et remettent en question la légalité de l'examen, rapporte le quotidien The New York Times. Selon le Conseil chilien pour les monuments nationaux, la momie a probablement été exhumée illégalement et sortie du pays en contrebande. Une enquête est en cours.

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En 2012, le docteur Nolan a vu un documentaire sur la momie et a proposé à son propriétaire, Ramon Navia Osorio, d'analyser son ADN. Ce dernier a accepté et a envoyé au chercheur des radios et des échantillons de moelle épinière.

Quand le docteur Nolan a enfin obtenu les résultats, ils ont été largement couverts dans les médias. Mais certains chercheurs ont été indignés par l'âge de la momie — seulement quelques dizaines d'années. Par conséquent, les parents de la fillette momifiée pourraient être encore en vie.

«Pouvez-vous imaginer qu'un tel examen soit mené sur la dépouille d'un enfant n'étant pas arrivé à terme en Europe ou aux USA?», questionnent les membres de l'Association chilienne d'anthropologie biologique.

«C'est offensant pour la fillette, pour sa famille et pour le patrimoine du Chili», a déclaré l'anthropologue Francisca Santana-Sagredo de l'université d'Antofagasta.

Christina Dorado, biologiste de l'université d'Antofagasta, soulève des questions juridiques liées aux recherches. «On n'a pas fait attention à l'aspect éthique de la manière dont l'équipe de chercheurs a examiné les restes illégalement obtenus d'un nourrisson humain sans autorisation légale», dit-elle.

Elle souligne que les scientifiques ont fait l'impasse sur les lois chiliennes réglementant l'étude de tels artefacts. «Comme dans bien d'autres pays, au Chili les ossements humains et les sites historiques sont protégés par la loi. Cela concerne les restes de cette fillette. Autrement dit, les recherches nécessitent l'autorisation du Conseil des monuments nationaux», affirme la biologiste.

De plus, aucun chercheur chilien n'a participé à l'étude. Cette coopération aurait permis d'assurer le respect des lois nationales.

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Les docteurs Nolan et Atul Butte, chercheurs à l'université de Californie, ne sont pas d'accord avec les critiques. «Nous n'avons pas participé au transport du squelette et nous ne savions pas comment il avait été obtenu et transporté en Espagne. Nous n'avions pas de raisons de soupçonner que ce spécimen avait été obtenu illégalement», affirment-ils.

Garry Nolan remarque également qu'ils n'avaient pas demandé l'autorisation de l'université pour les recherches à cause des soupçons selon lesquels cette momie pourrait ne pas appartenir à la catégorie des primates humanoïdes.

Par ailleurs, les résultats de l'analyse n'ont pas fourni d'«informations identifiées d'un individu vivant», par conséquent la régulation de l'étude sort du cadre des compétences de la Direction pour la protection des droits de l'homme aux USA.

La rédactrice en chef du magazine Genome Research Hillary Sussman, dans lequel les chercheurs ont publié les résultats de l'étude, rapporte que le magazine n'avait pas formulé de consignes aux scientifiques concernant une exposition détaillée des aspects éthiques. Selon elle, ils seront plus attentifs à ce genre de situations à terme.

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Ce n'est pas la première fois que des questions éthiques concernant l'examen d'ossements humains sont soulevées.

«Je suis vraiment préoccupé en voyant que l'actuelle «fièvre osseuse» a provoqué une crise éthique», écrit l'anthropologue Chip Colwell du Colorado.

Il cite l'exemple d'une histoire remontant à la fin du XIXe siècle. Alors qu'ils étudiaient la culture des Inuits, des anthropologues américains avaient fait venir plusieurs habitants du Groenland à New York. Quatre d'entre eux sont morts rapidement d'une tuberculose. Les anthropologues ont alors mis en scène les obsèques de l'un d'entre eux pour tromper son fils de 8 ans, tout en exposant le squelette du défunt au musée.

A la fin du XXe siècle, les ossements de près de 200.000 Amérindiens étaient conservés dans les musées américains. Bien que ces restes aient permis d'étudier l'histoire du continent et aient contribué à la reconnaissance des cultures autochtones, de nombreux Amérindiens ne cachent pas leur indignation et exigent encore d'enterrer les ossements de leurs ancêtres. La loi fédérale américaine prévoit aujourd'hui le retour des squelettes volés, mais plusieurs décennies seront nécessaires pour savoir quoi faire avec tous ces ossements.

En 1979 a été publié le rapport Belmont. Pendant 40 ans, le gouvernement américain a refusé de soigner les hommes noirs de la syphilis pour observer l'évolution de la maladie dans le temps. Ce rapport établissait les principes éthiques fondamentaux reposant à la base de l'admissibilité de mener des recherches avec l'implication de l'homme. Selon le rapport, les chercheurs devaient respecter les hommes, s'efforcer de faire le bien et éviter de nuire aux sujets.

Bien que ces principes se rapportent aux êtres vivants, ils ont également servi de base aux études sur les corps.

L'une des mesures est l'obtention d'un accord des proches du défunt ou des autorités pour procéder aux recherches.

Bien que cela soit impossible dans certains cas (par exemple, quand on étudie les ossements d'un homme de 300.000 ans), dans le cas de cette momie vieille d'environ 40 ans il aurait fallu tenir compte de l'avis des proches ou des représentants du gouvernement, estime Chip Colwell.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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