La Coupe du Monde 2018 n’est pas les JO de Berlin 1936… et son boycott fait un bide

Beaucoup de bruit pour pas grand-chose: le boycott diplomatique de la Coupe du Monde par le Royaume-Uni va-t-il affecter l’image de la Russie? Rien n’est moins sûr. Les effets seraient limités et les pays enclins à soutenir Londres sont très loin d’être aussi nombreux que la presse occidentale veut bien le faire croire. Tour d’horizon.
Sputnik

Les dernières déclarations de Boris Johnson appelant au boycott de la Coupe du Monde de football qui aura lieu en Russie ont fait grand bruit. Le ministre des Affaires étrangères britannique est au cœur d'une polémique après avoir rapproché Poutine et la Coupe du Monde de cet été d'Hitler et des Jeux olympiques de Berlin en 1936 pour justifier le boycott britannique. Un point Godwin au plus haut sommet de l'État, en somme.

​Le 14 mars dernier, Theresa May annonçait en effet devant le parlement britannique un boycott diplomatique de la Coupe du Monde. Les médias se sont tout de suite emparés de l'affaire et, à coup de grands titres, le boycott diplomatique est devenu un boycott ou serait en passe de devenir un boycott massif. Le coup de communication a fonctionné, mais le gouvernement britannique n'est pas à l'abri de faire un bide… comme à l'époque l'appel au boycott des JO de 1936.

Car un boycott pur et simple —c'est-à-dire le retrait de la sélection d'Angleterre de la compétition- n'est ni envisagé, ni envisageable pour la Première ministre. Un peu plus de 26.000 supporters anglais feront le déplacement en Russie et ont engagé, pour la plupart, d'importantes sommes d'argent pour encourager leur équipe. De plus, les sanctions qu'imposerait la FIFA à la sélection aux trois lions pourraient l'écarter de toute compétition internationale pendant plusieurs années.

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C'est par conséquent un boycott diplomatique. Et dans ce groupe nominal, le terme important est «diplomatique». Tout est dans le symbole. Certes, ni la reine ni aucun de ses héritiers ne sera présent dans la tribune royale de Luzhniki lors de la Cérémonie d'inauguration. Mais ils n'étaient pas non plus présents lors des célébrations du 70e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale. Et ce n'est pas parce que l'Occident boude que la Russie est isolée sur la scène internationale. Rien de bien nouveau sous le soleil de Moscou donc.

«La non-venue des dignitaires anglais n'aura pas d'impact sur la qualité du tournoi», estimait Alexeï Sokorine, président du comité organisateur de la Coupe du Monde.

​Y a-t-il une chance que ce boycott diplomatique se généralise? Rien n'est moins sûr. À en croire de nombreux médias, l'Ukraine, la Pologne, l'Australie, le Japon, la France, l'Allemagne, l'Islande, la Suède, le Danemark et les États-Unis seraient prêts à emboîter le pas à Londres et à ne pas envoyer de représentants politiques à Moscou.

Les États-Unis: les absents pro-boycott

Commençons donc par le plus simple. Les États-Unis ne se sont pas qualifiés à l'issue des matchs éliminatoires de leur confédération et ne sont, de ce fait, pas conviés aux célébrations de la Coupe du Monde 2018. Qu'ils se prononcent pour un boycott diplomatique ne change donc absolument rien.

La Pologne: l'antirusse traditionnel

Si le Président polonais, M. Duda, a indiqué par l'intermédiaire de son chef de cabinet qu'il avait «pris la décision de ne pas participer comme représentant de la Pologne à la Coupe du Monde», il n'a en revanche à aucun moment annoncé de boycott diplomatique, ni n'a enjoint ses ministres à bouder la compétition.

La France: le silence est d'or

En France, aucune personnalité politique de premier plan, de la majorité ou de l'opposition, n'a réclamé de boycott diplomatique et bien que le gouvernement ait annoncé sa solidarité avec les Britanniques, il n'a en revanche pas communiqué sur le sujet. On peut donc en déduire qu'il s'agit tout au plus d'une hypothèse à l'heure actuelle.

L'Allemagne: l'abstention en son nom et celui de l'UE

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Alors que Berlin s'est joint à Paris et Washington pour affirmer qu'il soit «hautement probable» que la Russie soit derrière l'empoisonnement de Sergueï Skripal, Mme Merkel a rapidement écarté la possibilité d'un boycott diplomatique, tant national qu'européen, avant d'avoir fait toute la lumière sur l'affaire. Elle déclarait d'ailleurs:

«Nous aborderons le sujet durant le Conseil européen, mais n'est pour l'instant pas question d'un boycott de la Coupe du Monde de football.»

L'Ukraine: le soutien au boycott plus qu'à Londres

Les autres cas sont plus complexes, car plus nuancés. L'Ukraine, par exemple, s'est prononcée en faveur d'un boycott à travers son Président, Petro Porochenko. Mais ce dernier évoquait la possibilité d'un boycott et ne déclarait à aucun moment que son pays allait boycotter, d'une manière ou d'une autre, la Coupe du Monde 2018.

La Suède et le Danemark: l'indécision scandinave

Ensuite, la Suède et le Danemark n'ont pas écarté l'hypothèse d'un boycott diplomatique. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères suédois, Per Enerud, évoquait «beaucoup d'idées que nous étudions», parmi lesquelles un éventuel boycott diplomatique. Copenhague, sur la même ligne, informait l'AFP qu'il s'agissait d'une des mesures à l'étude et qu'aucune décision n'avait été prise. Tout est possible, mais rien n'est fait en somme.

Le Japon: la grande inconnue

Concernant le Japon, de nombreux articles reprennent le Sun du 10 mars faisant état d'un potentiel soutien japonais au boycott diplomatique britannique, mais cette information n'a pu être ni confirmée ni infirmée et le mystère sur la position japonaise reste entier actuellement.

L'Australie: le flou de l'allié du Commonwealth

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Très proche diplomatiquement du Royaume-Uni, dont elle partage la Reine, l'Australie prendra de facto part au boycott diplomatique. Mais la question se pose quant à la représentation nationale à proprement parler. La communauté ukrainienne, importante en Australie, a publiquement appelé le gouvernement australien à «s'abstenir d'assister à la Coupe du Monde» et le Sun citait Sydney comme un potentiel allié de Londres dans ce combat. Mais pour l'instant, aucune déclaration officielle en ce sens.

L'Islande: le «pion d'une guerre politique»

L'Islande, quant à elle, a reconnu se concerter avec ses alliés scandinaves et britanniques sur la possibilité de ne pas envoyer de représentation diplomatique en Russie, mais le ministre des Affaires étrangères, Gudlaugur Tor Torgeson expliquait à la chaîne de télévision RUV qu'aucune «décision n'a été prise sur le fait que des membres du parlement islandais assistent à la Coupe du Monde».

Et, en effet, la question de la participation se pose. Après un Euro réussi, il estime que la Coupe du Monde est «une opportunité unique» et qu'

«il est important que nous profitions de cette opportunité maintenant que nous avons éveillé tant d'intérêt pour notre pays et pour ce que nous avons à offrir.»

Mikhail Degtyarev, le Président du comité parlementaire pour le sport, regrettait à l'avance un éventuel boycott islandais. Il se disait «désolé» que les officiels risquent de ne pas pouvoir encourager leur sélection nationale et observait:

«Il est triste de voir l'Islande devenir le pion d'une guerre politique et informationnelle contre la Russie.»

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