Maroc 2026: au-delà du foot, une candidature politique par excellence

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Énième volet d’un leadership régional qu’il entend asseoir ou détermination à se positionner comme nation sportive? La candidature du Maroc pour accueillir la coupe du Monde de Football 2026 est-elle sportive, politique, ou un peu des deux?

Pour les Marocains, «Russie 2018» c'est un projet et une projection. La part du projet consiste, pour les poulains d'Hervé Renard, à se qualifier au second tour de la coupe du Monde de Football. On le sait difficile, puisque les Lions de l'Atlas sont enserrés, dans leur groupe comme sur la carte, par l'Espagne et le Portugal. La part de la projection réside, elle, dans la case vide 2026 que l'on entend bien occuper, après la Russie en 2018 et le Qatar en 2022. Maroc 2026, et pourquoi pas?

Ce sera le 16 mars que le Maroc officialisera sa candidature, en présentant son dossier à la FIFA. Sur les réseaux sociaux, une campagne #imagine2026 est même lancée en appui à cette candidature. Il s'agit d'un appel à projets citoyens pour développer toutes sortes d'outils communicationnels digitaux afin de promouvoir le projet.

​Et dans cette perspective de candidature, le Maroc sait qu'il peut compter sur le soutien de l'Afrique. Un continent avec lequel il a renoué politiquement, il y a plus d'un an, en réintégrant l'Union africaine, après qu'une conquête économique ait déblayé le terrain. Contrairement à son dossier de réintégration de l'Union africaine, la candidature marocaine à la Coupe du Monde ne risque pas de rencontrer beaucoup de résistance, à commencer par l'Algérie, dont les relations avec son voisin de l'Ouest sont pourtant compliquées en raison du différend sur le Sahara occidental: elle a d'ores et déjà fait part de sa disposition à soutenir le Maroc dans sa démarche.

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Kheireddine Zatchi, président de la Fédération algérienne de Football: «Nous savons que le Maroc va présenter sa candidature pour accueillir la Coupe du Monde 2026. C'est quelque chose qui honore l'Afrique. Nous serons du côté du Maroc, s'il a besoin du soutien de l'Algérie, un pays frère.»

Pour Jean-Baptiste Guégan, auteur de «Géopolitique du Sport, une autre explication du Monde», la candidature du Maroc ne peinera pas à recueillir le soutien d'autres pays africains.

«La Confédération africaine de football (CAF) appellera vraisemblablement à soutenir et faire valoir la candidature marocaine, en tant que candidature africaine, puisque c'est la seule au niveau du continent. Il y aura vraisemblablement un effet de suivisme chez d'autres pays africains, même s'il est peu probable, d'un autre côté, que tous les Africains voteront pour le Maroc», souligne Jean-Baptiste Guégan, dans un entretien avec Sputnik.

Et pour cause, le nouveau système de vote qui tranchera la question, en juin prochain, impliquera toutes les fédérations nationales inscrites à la FIFA, en les dotant, chacune d'une voix. Une rupture par rapport à l'ancien système dans lequel le vote se déroulait au niveau du comité exécutif de la FIFA et excluait de fait, la participation directe de tous les pays. «Il y aura donc une bonne majorité (africaine) qui se reportera sur le Maroc, alors que d'autres voteront pour la candidature américaine», déduit cet écrivain et journaliste français.

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Mais le résultat des votes serait presque secondaire, selon ce spécialiste français de la géopolitique du sport, puisque le Maroc, «rationnel et raisonnable» quant à ses véritables chances de remporter cette victoire, «cherche autre chose». Tout en s'affichant comme une nation sportive, le Maroc voudrait ainsi, à travers cette candidature, marquer des points politiques et de communication.

«C'est une manière d'exister et de représenter le continent africain. Une volonté d'exister par le sport, sur la scène internationale, de se placer comme un acteur incontournable et d'asseoir, davantage, un leadership et un rayonnement continental. L'enjeu est également le marketing international, puisque tout le monde va en parler pendant des mois, ce qui permettra de promouvoir "la marque Maroc"», estime ce géopoliticien du sport.

«Un choix intelligent», somme toute, «à rapprocher du Saudi vision 2030, mais tout en dépensant beaucoup moins d'argent». La dimension sportive n'est pas pour autant totalement exclue, puisqu'en montrant qu'il est capable de remplir le cahier des charges de la Coupe du Monde, le Maroc pourra obtenir plus facilement l'organisation d'autres évènements sportifs, de moindre ampleur. Ainsi, même si l'idée d'une organisation marocaine de la Coupe du Monde peut s'avérer «séduisante», il convient de

«relativiser les ambitions du Maroc, puisqu'il est pratiquement assuré de perdre. Il serait difficile de l'emporter face à une candidature nord-américaine (Canada, États-Unis et Mexique)», rajoute Guégan.

Et pour cause, la Coupe Monde est la première source de revenus de la FIFA. Dès lors, «tout le monde a intérêt à ce qu'elle se tienne dans les États les plus porteurs en termes de développement économique du football». Là encore, la comparaison est sans appel, entre un PIB de 20.000 milliards USD, du côté des trois pays américains, contre 100 milliards USD, «Un rapport de 1 à 200», rappelait récemment, à ce sujet, le directeur de l'Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), Pascal Boniface.

«Même si le Maroc est disposé à faire des efforts, il sera incapable de prévoir un budget conséquent pour la Coupe du Monde, à l'image de la Russie qui a débloqué 10 milliards d'euros. Surtout que la nouvelle édition de la Coupe du Monde prévoit 48 sélections nationales (au lieu de 32)», conclut Jean-Baptiste Guégan.

Mais qu'importent les pronostics enclins au pessimisme, puisque les Marocains, eux, y croient fermement! Dans les médias et réseaux sociaux, on cite à volonté l'américaine CNN qui aurait avoué que le Maroc partait favori dans cette course qui l'oppose à l'alliance Canada, États-Unis, Mexique. Dans un article «d'opinion» publié sur le site arabophone de la chaîne américaine, un journaliste avance les raisons «qui pourraient faire prévaloir» la candidature marocaine. On cite, entre autres atouts, une situation géographique qui fait de ce pays un trait d'union entre l'Europe et l'Afrique, un fuseau horaire proche de la majorité des pays européens et africains, et dans certains cas asiatiques, sans oublier l'expérience de l'organisation, en 2013 et en 2014, de deux éditions de la Coupe du Monde des clubs.

Dans une vidéo en «soutien» à la candidature marocaine, le spécialiste de la géopolitique du sport, Pascal Boniface, abonde dans le même sens.

«Le Maroc a des qualités à faire valoir qui pourraient, peut-être, créer la surprise et changer la donne. [Contrairement aux États-Unis et au Mexique, ndlr], le Maroc, plusieurs fois candidat, n'a pas encore remporté cette victoire. On pourrait donc dire que le système de rotation pourrait favoriser la candidature marocaine», a souligné Boniface en citant, par ailleurs «le gigantisme géographique» caractérisant la co-organisation américaine qui viendrait «diluer l'intérêt de la coupe du Monde et son effet de proximité.»

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Et il y a aussi l'effet répulsif Trump! Une donnée qui pourrait jouer au moment du vote, selon Boniface, et cela «même si (le président américain) ne sera plus au pouvoir en 2026, certes». Le Roi du Maroc, lui, devrait encore l'être, en revanche. Prêt sans doute à «récidiver» avec une nouvelle candidature, au cas où le choix «malheureux» de la FIFA venait à briser le rêve de millions de Marocains.

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