Le général Tristan Tsitelashvili, ex-commandant de l'unité d'élite de l'armée géorgienne Avaza, a été le premier à déclarer que des snipers géorgiens faisaient partie des tireurs. Tsitelashvili a combattu en Abkhazie, participé aux opérations armées en août 2008 pendant la «guerre des cinq jours». Par la suite, il est devenu l'ennemi personnel de Mikhaïl Saakachvili qui a tenté de rendre les militaires coupables de sa défaite.
Les policiers ont arrêté grossièrement Tsitelashvili chez lui. Le fils mineur du général a été sérieusement blessé pendant l'opération. On a exigé de lui d'avouer un «complot fictif des généraux» à cause duquel la Géorgie a perdu, comme on le prétend, la campagne de 2008. Le général a refusé de faire ces dépositions et est depuis ce moment un adversaire implacable de Saakachvili.
«Je savais dès 2014 qu'il y avait sur le Maïdan des ressortissants géorgiens à qui on a spécialement demandé de tirer, a raconté Tsitelashvili au correspondant de Sputnik. Plusieurs d'entre eux étaient mes subalternes dans l'armée géorgienne, certains sont toujours sur le territoire de l'Ukraine et participent aux opérations armées. D'autres sont rentrés. Ils ont pendant longtemps eu peur de témoigner et aujourd'hui ils ont encore peur! Il est possible qu'ils soient éliminés comme témoins gênants».
«Le peuple nous appelait Sonderkommandos»
Koba Nergadzé est une des personnes dont parle le général Tsitelashvili.
En 2006, le lieutenant Nergadzé a donné sa démission des unités de combat et a commencé quelque temps après avec le soutien de Mamouka Mamoukashvili à travailler dans le Service de sécurité du ministère géorgien de la Défense. Actuellement, Mamoukashvili est commandant de la légion géorgienne qui participe aux opérations armés dans l'est de l'Ukraine du côté de Kiev. «J'ai fait sa connaissance dans l'armée lors de l'anniversaire de mon ami Bejo.», ajoute Koba.
«Officiellement nous avons assuré, entre autres, la sécurité lors des meetings à Tbilissi pour éviter les affrontements entre les partisans et les adversaires de Saakachvili. En fait, on nous a ordonné de réprimer les meetings de l'opposition, de surveiller les militants de l'opposition», avoue Nergadzé.
Koba a précisé certains «tarifs». Pour avoir assassiné un député de l'opposition, ils ont touché 1000 dollars.
En décembre 2013, Mamoulashvili a réuni les chefs des groupes de dix en leur fixant comme objectif de «partir d'urgence en Ukraine pour aider les manifestant ». 10.000 dollars ont été accordés au groupe de Nergadzé et encore 50.000 ont été promis après le retour de mission. Ils y sont allés avec de faux passeports. Nergadzé avait le passeport de Gueorgui Karoussanidzé (né en 1977).
A Kiev, le groupe a été hébergé rue Ouchinski. Chaque jour, ils se rendaient, comme au bureau, sur le Maïdan. «On nous a ordonné de faire le service d'ordre pour éviter l'ivrognerie, maintenir la discipline, détecter les provocateurs côté administration», raconte l'officier.
Nergadzé a réveillonné à l'hôtel Ukraine déjà contrôlé par les manifestants.
Revazishvili, Khabazi et encore quatre émissaires de «Zone libre» sont arrivés à Kiev à bord d'un avion de la compagnie Ukraine International Airlines et ont été hébergés rue Vozdoukhoflotskaïa avant d'être relogés dans le Conservatoire occupé par l'opposition.
«C'était Sergueï Pachinski qui apportait les armes»
«Le 14 ou le 15 février, on nous a réunis: Kikabidzé, Makiashvili, Saralidzé, je ne me souviens pas des noms des autres dans une chambre au deuxième étage de l'hôtel Ukraine. Il y avait Paroubiy (Andreï Paroubiy, politique ukrainien d'extrême-droite, «commandant du Maïdan» pendant les troubles à Kiev, depuis 2016 président de la Rada suprême. NDLR) et Pachinski (Sergueï Pachinski, politique et homme d'affaires ukrainien à scandales, député du peuple d'Ukraine NDLR). Paroubiy a pris la parole, il nous a dit: «Il est nécessaire d'aider le peuple frère et bientôt on nous chargera d'une mission». Il n'a rien précisé. J'ai déjà vu des armes chez des manifestants: des fusils de chasse et des pistolets», dit Nergadzé.
Un certain Christopher Brian a assisté à la réunion, on nous l'a présenté comme un ancien militaire américain.
«Le soir du 19 février Sergueï Pachinski et plusieurs gars inconnus sont venus de nouveau à l'hôtel avec de grands sacs. Ils ont sorti des SKS, des Kalachnikov de 7,62 mm et aussi un fusil SVD et une carabine étrangère. Pachinski nous a expliqué que nous aurons besoin d'armes pour «nous défendre» et à ma question: contre qui? Il n'a pas répondu et est sorti», poursuit Nergadzé.
Nergadzé et Mamoulashvili ont eu alors un entretien. Mamoulashvili a évoqué une «mission spéciale» disant qu'il était nécessaire de semer le chaos sur le Maïdan en employant les armes sur toutes les cibles, les manifestants et la police, sans distinction». Il a promis de nous rémunérer après la «mission accomplie».
Il y avait parmi eux Vladimir Parrassiouk, chef du «groupe des cent» du Maïdan, par la suite commandant de la 4e compagnie du bataillon Dniepr et député du peuple de l'Ukraine.
«Pachinski m'a demandé de l'aider à choisir les cibles. Il était possible, a-t-il dit, que le Conservatoire soit pilonné la nuit par le Berkout et que les manifestants soient dispersés», ajoute Revazishvili.
«La nuit, vers quatre ou à cinq heures du matin, j'ai entendu des tirs du côté du Palais d'Octobre. Pachinski s'est levé d'un saut, a saisi la radio portative et s'est mis à crier qu'on cesse le feu et que le moment n'est pas venu. Les tirs ont cessé. Vers 7h30, peut-être un peu plus tard, Pachinski a ordonné à tout le monde de se préparer à ouvrir le feu, tirer deux ou trois fois et changer tout de suite de position. Le tir a continué pendant près de 10 à 15 minutes. Après cela, on nous a ordonné de poser les armes et de quitter le bâtiment», dit Revazishvili.
«Tôt dans la matinée du 20 février à peu près à 8 heures du matin, j'ai entendu des tirs du côté du Conservatoire. Le groupe de Mamoulashvili a ouvert le feu durant trois ou quatre minutes depuis les fenêtres du deuxième étage de l'hôtel Ukraine. On tirait deux coups à la fois. Après chaque tir, on passait dans une autre chambre et on continuait à tirer. Quand tout était terminé, on nous a dit de partir. Nous avons pris l'avion le même jour avec Bejo pour Tbilissi», dit Nergadzé.
L'ex-officier de l'armée géorgienne n'a pas reçu la rémunération promise. Aujourd'hui, il craint la vengeance de ses anciens «collègues».
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Koba Nergadzé et Alexandre Revazishvili sont prêts à confirmer leurs aveux devant un tribunal ukrainien. La rédaction de Sputnik dispose de copies des dépositions officielles qu'ils ont remises aux avocats Alexandre Gorochinski et Stephan Rechko. Ils représentent devant le tribunal régional Sviatochinski de Kiev les intérêts des anciens militaires de l'unité spéciale Berkout. Sputnik a également les copies des billets d'avion qui confirment l'arrivée de Nergadzé et de Revazishvili à Kiev pendant les événements sur le Maïdan.