« Faites pression sur vos dirigeants pour qu'ils cessent de donner l'argent à Porochenko, l'argent qui sert à nous bombarder ». Le ton est las et n'a rien d'une supplique. Invitée à Paris par l'Association Ouest-Est, Anna Gorlovka est venue du Donbass avec son fils Andreï, en fauteuil roulant depuis un bombardement des troupes de Kiev sur la cour dans laquelle il jouait.
L'action de Washington en Europe
Nikola Mirkovic, fondateur de l'association, n'y va pas par quatre chemins : « je vais leur montrer la conséquence de la crise qu'ils ont créé. Je vais leur montrer la conséquence directe du Maïdan ». Rejetant l'accusation de misérabilisme, il affirme : « les médias dominants ne veulent pas voir les conséquences des actions de Bruxelles et de Washington ». Car pour lui, pas de doute : « nous avons assez d'informations qui nous permettent de pointer du doigt Washington qui a intérêt à ce qu'il y ait des guerres en Europe. » Entre autres, l'affirmation de Victoria Nuland, ex-Secrétaire d'État adjointe américaine pour l'Europe et l'Eurasie, qui évoque les 5 milliards de dollars d'aide à l'Ukraine pour y « apporter la démocratie ».
10 000 victimes et un silence médiatique assourdissant
Dans la République Populaire de Donetsk, la situation est aussi dramatique : « il y a un blocus total sur la guerre dans le Donbass au niveau médiatique, pour une guerre où 10 000 personnes ont été tuées, soit trois Bataclan par mois depuis trois ans! ». Aussi faut-il y ajouter les « 20 000 blessées et plus d'un million de réfugiés dont personne ne parle. »
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L'Association Ouest-Est mène ainsi une action humanitaire et d'information : « notre premier objectif est de rappeler qu'il y a une guerre en Europe, qu'on veut tout faire pour y mettre fin en sensibilisant des personnes influentes et l'opinion » dit-il, avant de préciser : « et puis nous récupérons des fonds pour aider des personnes qui sont sur la ligne de front, pour leur apporter des besoins de première nécessité, des médicaments. »
Aussi veut-il tordre le cou à certaines idées reçues : « j'ai été trois fois dans le Donbass. Je n'ai jamais vu l'armée russe sur place. [Washington et Bruxelles] sont gênés, car cette situation du Donbass est la conséquence directe de cette opération de manipulation qui était celle du Maïdan, œuvre ourdie à Washington et Bruxelles. »
L'anarchie ukrainienne
Un jugement confirmé par Xavier Moreau, fondateur du think tank Stratpol : « l'Ukraine est un pays récent qui échoue à devenir une Nation à cause de ses dirigeants ». À cette « incompétence oligarchique » faut-il ajouter « les milices féodales » qui détiennent aujourd'hui le pouvoir ukrainien, exception faite de la ville de Kharkov, dirigée par Hennadiy Kernès, « plutôt stable ».
L'issue est en effet incertaine : « les accords de Minsk ont été vécus comme une défaite par la Rada. Kiev a signé à contrecœur et n'a aucune intention de tenir les accords [de paix] ». Plus profondément, « certains ont intérêt à maintenir le conflit pour maintenir les sanctions. Le conflit est donc gelé jusqu'à ce que [l'Occident] trouve une solution qui ne favoriserait pas la Russie ». Pourtant, « on aurait pu les forcer, par exemple en conditionnant l'aide du FMI à l'Ukraine à l'application des accords » conclut-il avec regret.
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