Le dollar est un outil pour "punir des pays"

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Jafar Geletu, directeur exécutif adjoint de l'Institut des Affaires étrangères (IFA) éthiopien - Sputnik Afrique, 1920, 04.10.2023
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La dédollarisation guidée par les BRICS+ et soutenue par beaucoup de pays émergents, résoudrait le problème d’utilisation du dollar en qualité d’arme qui sert à punir ou à interférer dans la politique intérieure de pays souverains, a affirmé auprès de Sputnik Afrique Jafar Geletu, expert éthiopien, en marge du Club de discussion Valdaï.
Le monde occidental utilise depuis longtemps les besoins des pays en développement pour imposer ses propres conditions, en instrumentalisant son aide financière pour s'ingérer dans les affaires intérieures d'autres pays, a déclaré Jafar Bedru Geletu, directeur exécutif adjoint de l'Institut des Affaires étrangères (IFA) éthiopien dans un entretien avec Sputnik Afrique.
Les pays en développement ont besoin d'un soutien financier et technique important, c'est pourquoi ils recherchent l'aide de la communauté internationale et de l'Occident en particulier. Cependant, les pays occidentaux cherchent souvent à tirer profit de la situation, sans tenir compte des conséquences potentielles pour les nations concernées et en négligeant leurs aspirations et leurs intérêts, a estimé M.Geletu en marge de la 20ème réunion annuelle du Club de discussion Valdaï.
"Cette aide a été utilisée comme une arme pour interférer dans la politique intérieure, dans les affaires intérieures de pays. Nous avons donc besoin d'une source d'aide diversifiée. Cette assistance devrait être accordée à ceux qui en ont besoin, sans aucun intérêt géopolitique", a noté M.Geletu.

La dédollarisation "résoudrait le problème d’une monnaie unique"

L'aide financière ne devrait pas être utilisée comme un moyen de faire avancer l’ordre du jour d’un pays. Pourtant cette pratique est devenue monnaie courante depuis la fin de la guerre froide, a déploré le chercheur. À cet égard, il a souligné l'effet néfaste de l'utilisation du dollar dans les transactions internationales.
Selon Jafar Geletu, le monopole d’une monnaie liée à une nation spécifique n'est "pas bien" car il peut conduire à un usage irresponsable du pouvoir dans l’intérêt d’un seul pays. Ainsi, plusieurs États ont suggéré et se sont mis d’accord sur la nécessité de diversification.
"Cette question de la dédollarisation a donc été suggérée comme une solution pour diversifier la monnaie de réserve monétaire et s’éloigner du dollar, parce que le dollar avait été utilisé comme un outil pour punir des pays comme la Russie [qui] ont été victimes de cette domination du dollar", a-t-il expliqué.
L’utilisation du dollar comme principale monnaie de change a permis aux pays occidentaux de promouvoir leur idéologie libérale et de faire pression sur les autres pour qu’ils adoptent des systèmes politiques, économiques et sociaux similaires, a continué Jafar Geletu. Le concept a été utilisé comme un instrument de politique étrangère "pour punir les pays afin de faire adopter les idées des cultures occidentales".
Cependant, les pays en développement ont leurs propres structures et systèmes, et ils ne sont plus disposés à céder aux pressions extérieures et à adopter les valeurs étrangères, a-t-il avancé.
"La dédollarisation et d'autres formes diversifiées du commerce mondial résoudraient ce problème d’une monnaie unique […] qui a été utilisée pour abuser de la souveraineté d'autres pays. C'est donc une bonne idée, la diversification de ces monnaies", a poursuivi Jafar Geletu.

Les BRICS+ défient le statu quo dans les relations internationales

Alors que la Chine, la Russie et d’autres pays des BRICS gagnent en influence à l’échelle mondiale, ils commencent à mettre en question les pratiques biaisées et sélectives des institutions multilatérales utilisées par les puissances occidentales pour promouvoir leurs propres intérêts, note l’expert éthiopien.
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Ces pays contestent les "abus occidentaux" du système financier actuel et tentent de promouvoir les intérêts de la majorité mondiale dans ce cadre. Selon M.Geletu, ils soulèvent des questions vitales quant à l’équité de l’architecture financière mondiale.
Dans ce contexte, les appels à transformer le système actuel ont pris de l'ampleur, a-t-il déclaré. À son avis, cette évolution est un signe positif montrant que le monde est désormais dans une phase de transition.
"Nous devons équilibrer la nécessité de réformer et équilibrer ces institutions pour qu’elles servent les intérêts de tous les pays de manière équitable et en respectant les intérêts souverains de ces autres pays", a-t-il appuyé.
Parlant de la place et du rôle de l'Éthiopie dans les changements actuels, il a noté que son pays s'efforce de maintenir un équilibre délicat entre les grandes puissances et suggère que ces nations pèsent leurs intérêts et autorégulent leurs actions. Cette approche vise à éviter une guerre nucléaire catastrophique qui mettrait en danger l’humanité toute entière.
M.Geletu a réitéré que la transition vers un monde multipolaire est en cours et qu'un règlement négocié est nécessaire pour que les nations puissent régler leurs différends. Alors que l’influence des BRICS et d’autres économies émergentes augmente, les nations occidentales possèdent toujours "le pouvoir hérité de contrôler le système mondial".
Le groupe BRICS a présenté des moyens alternatifs pour lutter contre l'utilisation abusive des institutions internationales, notamment du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM), complétant ainsi le système actuel, a-t-il expliqué.
"Mais nous considérons que les BRICS complètent les institutions existantes, sans les remplacer, ou comme un défi en tant que source alternative d'organisation concurrente, mais qu'ils complètent les lacunes des organisations existantes".

Avantages de l’expansion des BRICS pour l’Éthiopie

À partir de 2024, six nouveaux membres rejoindront les BRICS: l'Arabie saoudite, l'Argentine, l'Égypte, les Émirats arabes unis, l'Éthiopie et l'Iran. Commentant cet élargissement du groupe, Jafar Geletu a déclaré que l'Éthiopie pourrait tirer des avantages économiques et politiques de son adhésion aux BRICS en termes de sauvegarde de la souveraineté et d'acquisition de sources alternatives de financement pour son développement.
"Dans le cadre du groupe BRICS, cela va être très important, car cela augmentera la capacité de l'Éthiopie à améliorer son économie et à sortir de la pauvreté. Sur le plan économique, l'adhésion de l'Éthiopie aux BRICS augmente notre potentiel de développement économique", a expliqué Jafar Geletu.
L'expert a précisé que l'Éthiopie, un pays en développement, avait besoin d'une aide monétaire, d'un soutien technologique et d'une assistance technique substantiels de la part de "pays avancés comme la Russie".
Sur le plan politique, cela permettra à l’Éthiopie d’empêcher à qui que ce soit d’exploiter ses faiblesses financières pour s’immiscer dans ses affaires intérieures.
Les BRICS veillent à la mise en œuvre pleine et fidèle des principes de la Charte des Nations unies, en préservant l'indépendance et en respectant les frontières souveraines. Les États membres de cette organisation visent à favoriser un système politique mondial dans lequel les pays coexistent pacifiquement et se respectent, en effectuant des "échanges économiques mutuellement bénéfiques", a conclu M.Geletu.
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