L'accord céréalier "n’a aucune importance pour l’Afrique", affirme un économiste camerounais

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Épis de blé, image d'illustration - Sputnik Afrique, 1920, 17.07.2023
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L’Initiative de la mer Noire, que Moscou a refusé de prolonger ce 17 juillet, n'a "aucune importance stratégique pour l'Afrique" mais sert les intérêts de l’Occident, estime auprès de Sputnik Afrique l’économiste camerounais Yamb Ntimba.
L'importance de l'accord céréalier, qui prend fin le 18 juillet après le refus de Moscou de le prolonger, a été exagérée par l'ONU et d'autres institutions, a déclaré à Sputnik Afrique, Yamb Ntimba, économiste, écrivain et philosophe camerounais.

"Je ne comprends pas très bien pourquoi les gens en font tout un plat pour dire qu'il faut bousculer la Russie pour qu'elle renouvelle cet accord. Du point de vue de l'Afrique, cet accord n'a aucune importance stratégique", a indiqué l’économiste.

En réalité, les céréales produites en Ukraine, particulièrement le maïs ou le blé, ne sont que très peu consommées en Afrique, à savoir par moins de 10% de la population africaine, précise-t-il. Pour lui, la rhétorique de l’Onu, de son Programme alimentaire mondial et de l’Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) donnent l’impression qu'en Afrique les gens "ne font rien", et que c'est parce qu'on produit les choses ailleurs que les gens en Afrique vivent.
Et de rappeler que 90% de la population africaine mangent des ignames, du mil, du sorgho, du macabo, des taros, des patates, du plantain.

"Une grosse manipulation"

Pour Yamb Ntimba, le fait que l’Onu, en la personne de son secrétaire général, discute toujours de sa position d’abord avec les Occidentaux, prouve qu’il s’agit "d’une grosse manipulation autour de cet accord sur les céréales".
L’accord qu’on demande de renouveler aux Russes, profite à 47% aux Occidentaux, selon lui. Sur les 33 millions de tonnes de céréales exportées en un an dans le cadre de l’Initiative de la mer Noire, 47%, soit près de la moitié, "pratiquement 15 millions de tonnes sont allées dans les pays occidentaux, 26% à des pays à revenu moyen supérieur, c'est à dire à des pays comme la Turquie, comme la Chine, et cetera, qui n'en n'ont vraiment pas besoin", a-t-il indiqué, rappelant les chiffres cités par Vladimir Poutine.
Sur les 27% restants qui sont allés dans les pays dits pauvres, les pays les plus pauvres ont reçu 3%, soit 990.000 tonnes, a souligné l’expert.
Depuis la mise en application de l’Initiative de la mer Noire, Moscou a déclaré qu’en dépit de la mission de cet accord de limiter la crise alimentaire, il n’a fait qu’alimenter les pays occidentaux au détriment des pays pauvres, dont ceux d’Afrique.

Les vrais besoins des pays d’Afrique

Les vrais problèmes stratégiques de l’Afrique par rapport à la question de l’alimentation portent sur la production et la distribution des aliments, a pointé Yamb Ntimba.
Le potentiel des pays africains en termes de développement de l’industrie agro-alimentaire est énorme, affirme l’économiste camerounais. Il y a des bassins de production en Afrique ou "la nourriture pourrit" car ces pays, à savoir le Cameroun, le Nigeria, la RDC, le Zimbabwe, la Centrafrique, manquent d'investissements.
Pour vraiment aider l’Afrique, il faut investir dans la production au sens le plus large, affirme l’expert. Il appelle la Russie à aider les pays africains à produire des engrais, des intrants phytosanitaires et à construire les infrastructures.

La Russie refuse de prolonger l'accord

Moscou a annoncé le 17 juillet la fin "de facto" de l'accord céréalier. Signé en juillet 2022, il permettait les exportations de céréales ukrainiennes et était censé faciliter le transport des produits agricoles et des engrais russes. Mais le volet de l’accord qui concernait la Russie n'avait jamais été mis en œuvre.
Parmi les conditions obligatoires pour le maintien de sa première partie, la Russie avançait la reconnexion de sa banque agricole Rosselkhozbank au système des services bancaires SWIFT, ainsi que la relance des exportations de machines agricoles.
Moscou demandait également de lever les restrictions à l’assurance des navires et l'interdiction d'accès aux ports et de débloquer les activités financières des producteurs et transporteurs russes d’engrais et de produits agricoles.
Enfin, pour prolonger l’accord, il fallait relancer le pipeline d’ammoniac reliant la ville russe de Togliatti au port ukrainien d’Odessa. Mais début juin, la Russie a constaté la destruction d’un tronçon de ce tuyau par les forces ukrainiennes.
Avant même d’annoncer sa décision de ne pas reconduire l’accord, Moscou avait promis à plusieurs reprises de livrer gratuitement des céréales aux pays les plus démunis.
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