La CPI est "le bras séculier du dispositif de recolonisation", selon une responsable ivoirienne
CC BY-SA 3.0 / Vincent van Zeijst / Netherlands, The Hague, International Criminal CourtCour pénale internationale (CPI) de La Haye
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Le mandat d’arrêt lancé par la Cour pénale internationale contre Vladimir Poutine choque aussi du côté de l’Afrique, continent qui a une relation tourmentée avec l’institution, explique à Sputnik Nome Essoh, du Parti des Peuples Africains-Côte d'Ivoire.
La Cour pénale internationale (CPI) a encore frappé. En émettant un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine, l’institution a suscité un tollé bien au-delà des frontières russes. L’affaire vient notamment remuer de mauvais souvenirs en Afrique, où la CPI s’est attaqué à plusieurs dirigeants, sans résultats juridiques probants.
Le Président Laurent Gbagbo avait en particulier été dans le viseur de l’institution pendant plus de 10 ans, avant qu’elle ne l’acquitte. Un événement qui a terni l’image de la Cour en Afrique, analyse pour Sputnik Nome Essoh, représentante en Russie du Parti des Peuples Africains-Côte d'Ivoire
"La déportation du Président Gbagbo à la CPI, son jugement et son acquittement après dix ans de procès inique ont confirmé le sentiment que les Africains, en particulier les Ivoiriens, ont de cette institution qui n'est rien d'autre que le bras séculier du dispositif de recolonisation de l'Afrique par l'Occident […] Le mandat d'arrêt contre le Président Vladimir Poutine vient confirmer ce sentiment", explique-t-elle.
La responsable fait un autre parallèle entre Vladimir Poutine et Laurent Gbagbo, affirmant que les deux mandats d’arrêt sont entachés d’irrégularités et relèvent d’"arrangements entre amis pour humilier quelqu’un de trop gênant", le Président ivoirien étant notamment devenu un caillou dans la chaussure de la France.
La CPI avait par ailleurs traversé une période de crise dans les années 2010, plusieurs pays africains comme le Burundi ou l’Afrique du Sud menaçant de se retirer de l’institution.
La CPI ne respecte pas ses propres règles
Le mandat d’arrêt émis contre Vladimir Poutine choque également car la CPI ne respecte pas ses propres règles. Celles-ci stipulent notamment que l’accusé doit être ressortissant d’un État membre et que les crimes commis doivent également l’être sur le territoire d'un État partie, rappelle Nome Essoh.
"Pour nous, Ivoiriens et Africains, c'est un non-événement qui choque par sa vulgarité. Cette décision, dans le fond, déshonore l'institution […] La CPI n'est pas crédible, lorsqu'elle agit de cette façon. Elle se donne des normes pour agir, mais elle ne les respecte pas. Cela perturbe actuellement tout le système du droit international. La CPI est partiale", affirme-t-elle ainsi.
En agissant de la sorte, l’institution ne fait que "se décrédibiliser aux yeux du monde et des Africains en particulier", ajoute Nome Essoh. D’où l’idée qui émerge aujourd’hui en Afrique de créer une Cour continentale ayant des compétences similaires à la CPI. Une manière de se soustraire à l’influence occidentale, en somme. Même si une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples existe déjà sur le continent, rappelle la responsable politique.
"Les organisations continentales ou sous-régionales seront toujours aux ordres de l'Occident. Il est important que les peuples africains se battent pour leur véritable indépendance […] Il faut donner les moyens à ce projet de Cour continentale de pouvoir exister. Pas seulement des moyens financiers mais des moyens humains, des magistrats, des hauts fonctionnaires intègres", énumère-t-elle.
Ce 17 mars, la CPI avait émis un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine, le tenant pour responsable de déportation d’enfants de l’Ukraine vers la Russie. Moscou avait dénoncé la nullité juridique de l’acte, annonçant à son tour poursuivre en justice plusieurs membres de la CPI.