Rentrée scolaire: "le ministère doit protéger ses employés, nous ne sommes pas sacrifiables"

© AFP 2024 MARTIN BUREAUUne cour de récréation
Une cour de récréation - Sputnik Afrique, 1920, 02.01.2022
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Alors que les contaminations explosent et que le taux d’incidence a bondi chez les enfants avant les vacances, l’exécutif a décidé de maintenir la rentrée scolaire. Un choix qui provoque l’ire du collectif d’enseignants "Les stylos rouges".

"C’est inconscient, inadmissible, irresponsable, voire criminel", accuse d’emblée Nicolas Glière, enseignant et porte-parole des "Stylos rouges".

Si les mots sont forts, c’est que la colère et l’incompréhension chez une partie des enseignants ont atteint leur paroxysme. "On se sent complètement abandonnés", confesse le membre des "Stylos rouges".
Malgré une situation sanitaire qui semble se dégrader - la France a enregistré plus de 200.000 contaminations le 30 décembre - le gouvernement a décidé que la rentrée des classes se tiendra comme prévu le 3 janvier prochain. "Nous ne reporterons pas la rentrée scolaire ni ne basculerons pas les collèges et les lycées en distanciel mais nous amplifierons à la rentrée notre politique de surveillance et de dépistage dans les établissements scolaires", a ainsi annoncé Jean Castex lors de la conférence de presse du 28 décembre.
Une décision somme toute prévisible tant Jean-Michel Blanquer a répété à l’envi son mantra durant cette épidémie, à savoir fermer le moins possible les classes.

"Depuis le début, il y a toujours eu de la pression pour fermer l’école dès qu’il y a une alerte et j’ai toujours résisté au maximum à cette pression car l’école n’est pas une variable d’ajustement", indiquait d’ailleurs le ministre de l’Éducation nationale sur BFM TV.

Il faut dire que la crise sanitaire a eu des conséquences néfastes sur la santé mentale des plus jeunes, entre les confinements, les arrêts des activités physiques ou de loisir, mais également les fermetures d’écoles. Cette stratégie de Jean-Michel Blanquer vise-t-elle donc à protéger l’école? "Il s’en moque complètement", rétorque Nicolas Glière.
Un enfant (image d'illustration) - Sputnik Afrique, 1920, 29.06.2021
Capacités intellectuelles en baisse: l’effet désastreux des confinements sur les enfants
Il en veut pour preuve le fait que les conditions des enseignants se détériorent au fil des années. Selon un rapport sénatorial, "les enseignants français ont perdu entre 15 et 25 % de rémunération" en 20 ans. "On est mal payé, on arrive plus à recruter de profs tellement le métier est déconsidéré", déplore notre interlocuteur.

Un protocole sanitaire jugé "indigne"

Outre les conditions de travail des enseignants, le membre des "Stylos rouges" pointe les mesures sanitaires en vigueur dans les classes. Et pour cause, la rentrée scolaire se fera sous le stade 2 du protocole dans les collèges et les lycées, "qui était déjà indigne en septembre dernier", glisse Nicolas Glière. Par ailleurs, les écoles maternelles et élémentaires resteront sous un protocole de niveau 3 (sur 4) mais dorénavant, lorsqu'un enfant est testé positif, tous les autres élèves de la classe doivent réaliser un test PCR ou antigénique et ne pourront revenir à l'école que sur présentation d'un résultat négatif. De plus, "quand la famille fera le premier test, elle recevra en pharmacie deux autotests gratuits, pour que les élèves se testent à nouveau à la maison à J +2 et à J +4", explique Jean-Michel Blanquer ce dimanche 2 janvier. Auparavant, la classe devait fermer dès qu’un cas positif était détecté. En outre, changement majeur, les élèves à partir de 6 ans devront porter le masque dans les départements où le préfet a pris un tel arrêté. Cette mesure concerne une cinquantaine de départements, dont l'Ile-de-France.
Il souligne donc l’incohérence de l’exécutif en matière de mesures anti-Covid:

"On nous explique qu’il faut mettre le masque dehors à Paris, y compris dans des rues vides, mais en même temps, on nous dit qu’à 30 dans des salles, on est très bien, à trois cents dans des couloirs bondés et dans les cantines, on est bien. C’est incompréhensible."

Dans une lettre ouverte, publiée dans le JDD, des soignants ont d’ailleurs interpellé le ministre de la Santé Olivier Véran sur le niveau de circulation du Covid-19 chez les enfants.

"Depuis début novembre, plus de 300.000 enfants et adolescents ont été confirmés positifs au Covid-19. Les hospitalisations d'enfants en services conventionnels et en soins intensifs ont dépassé les pics de toutes les vagues précédentes, avec plus de 800 enfants de moins de 10 ans et 300 adolescents de 10 à 19 ans hospitalisés en six semaines, et ces chiffres ne cessent d'augmenter", écrivent-ils.

Des arguments qui ne devraient pas convaincre Jean-Michel Blanquer. Début décembre, le ministre de l’Éducation nationale a en effet refusé de parler d’"explosion" des contaminations chez les enfants. Or le taux d’incidence a atteint 634 chez les moins de 10 ans sur la période du 1er au 7 décembre, alors qu’un mois auparavant, il culminait à 125 nouveaux cas positifs entre le 10 et le 16 novembre.

Des ministères pas sur la même longueur d’onde

Si Blanquer a concédé que le "taux d’incidence est en train d’augmenter", selon lui c’était surtout à cause de la hausse du nombre de tests réalisés dans les établissements scolaires. Une grille de lecture que ne semble pas partager Olivier Véran. Le ministre de la Santé a expliqué quant à lui que cette augmentation a lieu "parce que les enfants sont brassés à l’école, qu’ils se sont croisés, qu’ils ont joué, parce que le respect des gestes barrières est plus difficile, parce qu’ils ne sont pas vaccinés et qu’ils ne pouvaient pas l’être jusqu’à présent".

"Il aurait donc fallu envisager ce que beaucoup de pays de l’UE ont fait. C’est-à-dire repousser la rentrée", tranche Nicolas Glière.

L’enseignant estime qu’à défaut de la différer, "il fallait mettre les cours en demi-groupe dans toutes les écoles, tous les collèges, les lycées et dans toutes les facs". Il concède cependant que les "cours en ligne sont un pis-aller" mais, "c’est toujours mieux que rien plutôt que de laisser cette maladie se répandre", avance le membre des "Stylos rouges".

Une grève pour faire bouger l’exécutif

Par ailleurs, Nicolas Glière plaide pour une meilleure sécurisation des établissements scolaires et n’oublie pas de rappeler que l’exécutif est loin d’avoir donné satisfaction: "on a parlé d’aérateur très longtemps, il n’y en a quasiment aucun. Quand il y en a, personne ne sait s’en servir, il n’y a même pas de formation".

"On est dans une incurie totale, un ministère mal géré, qui ne protège pas, alors que c’est son devoir légal, officiel, constitutionnel: il doit protéger ses employés […] nous ne sommes pas sacrifiables", fait valoir notre interlocuteur.

Autant de griefs qui poussent le collectif des "Stylos rouges" à appeler à la grève afin de "contester cette reprise qui nous met en danger", affirme son porte-parole:

"On appelle aussi les parents à nous entendre, à nous rejoindre, à demander à ce que l’on protège les enfants, à se protéger eux-mêmes, à protéger les familles et à ne pas nous oublier."

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