Le Togo veut en finir avec l'impunité des pirates et tient à le faire savoir en les condamnant à des peines exemplaires. Le tout premier procès de ces criminels vient de se tenir dans le pays. Les chefs d'inculpations retenus ont été puisés dans les nouvelles dispositions du code pénal, datant de 2015, lesquelles répriment la piraterie.
À la barre, lundi 5 juillet 2021, à la cour d’appel de Lomé, neuf accusés: six Nigérians et trois Togolais. Ils ont été jugés et condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement pour «piraterie maritime, violence volontaire, tentatives de vol et groupement de malfaiteurs».
Le cerveau du groupe, un certain Peter Paul, de nationalité nigériane, a ainsi été condamné à quinze ans de réclusion criminelle et au versement de 50 millions de francs CFA (environ 76.336 euros) au titre de dommages et intérêts à l’État togolais. Les huit autres accusés présents à la barre, ont écopés de douze ans de prison ainsi qu’au versement de 25 millions FCFA (environ 38.168 euros) à l'État.
Un dixième accusé, de nationalité ghanéenne a été condamné par contumace à 20 ans de réclusion criminelle et à payer 50 millions FCFA (environ 76.336 euros) de dommages et intérêts au Togo. Un mandat d’arrêt international a également été émis contre lui.
De plus, le juge a prononcé contre les accusés de nationalité togolaise, cinq ans d’interdiction de leurs droits civiques alors que les Nigérians seront interdits d’entrée sur le territoire togolais pour une période de cinq ans, à compter de l'expiration de leur peine.
D’après le récit des faits présenté par le procureur près de la cour d’appel le lundi 5 juillet devant la cour, les accusés avaient été arrêtés par la marine togolaise dans la nuit du 11 au 12 mai 2019 lorsqu’ils avaient pris le contrôle du navire tanker G-Dona 1, battant pavillon togolais, et menacé d’exécuter les otages en cas de non versement d’une rançon dont le montant n'a pas été précisé.
Un arsenal juridique adéquat
A travers ce jugement exemplaire, affirme à Sputnik Edem Tengue, ministre de l’Économie maritime, de la Pêche et de la Protection côtière du Togo, le gouvernement voudrait montrer que ces crimes ne resteront plus impunis au Togo.
«Ce premier procès est pour nous l’occasion d’envoyer un signal fort à l’endroit des pirates en mer et de leur complices sur le fait que pareils crimes ne resteront plus impunis au Togo. Et pour cause, ces crimes nuisent aux efforts de tous les États côtiers dans la lutte pour la liberté et la sûreté de la navigation maritime dans le Golfe de Guinée (long de 5.700 km, ndlr)» a-t-il déclaré.
La mer, un bien à protéger
Le verdict rendu par les juges de la cour d’appel de Lomé satisfait Garba Gnambi Kodjo, le procureur général près cette cour.
À la presse, au terme de l’audience, il a déclaré que ce procès était «l’occasion de dire à la population togolaise et africaine que la mer est un bien qu’il faut protéger».
«Nous avons là une belle occasion pour dire à ceux qui tenteraient de s’introduire dans les eaux territoriales togolaises, que la piraterie, les vols à mains armées en mer et autres, ne seront plus laissés impunis au Togo. Nous serons intransigeants face à ces infractions en mer», a martelé le procureur togolais.
Une déception par contre pour la défense qui compte saisir la cour suprême du Togo pour casser «un jugement injustifié au regard des faits et du droit appliqué».
«Je suis très déçu du délibéré rendu. Nous avons la possibilité de nous pourvoir en cassation devant la cour suprême pour nous assurer que cette décision soit conforme au (…) droit.» a indiqué à la presse à la fin de l’audience Me Dovi Avouyi, l’un des avocats de la défense.
En 2020, 130 des 135 enlèvements de marins recensés dans le monde ont eu lieu dans le golfe de Guinée, selon le Bureau maritime international. Au large du Togo, la dernière en date remonte au 30 janvier 2021. Les pirates avaient pris possession du vraquier Rowayton Eagle qui voguait des îles Canaries vers le port de Lagos. D’après Maritime Bulletin, un média spécialisé sur les questions maritimes, le navire patientait dans les eaux togolaises en attendant son autorisation d’accès au port de Lagos, quand il a été attaqué.