La tournée ouest-africaine de Gerd Müller, le ministre fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement, a pris fin ce 18 juin. Depuis le 13 juin, elle l'avait conduit à travers le Togo, la Sierra Leone, la Gambie et le Sénégal.
Ce déplacement s’inscrit officiellement, a indiqué le service de presse du ministre à Sputnik, dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19 et l’appui aux réformes conformément aux engagements pris dans le cadre de Compact With Africa (CWA). Ce programme du G20 avait été initié en 2017 pour le développement de l’Afrique, au moment où l’Allemagne assurait la présidence tournante.
Selon lui, cette tournée est une occasion pour Berlin de chercher à confirmer sa «position de premier partenaire économique européen sur le continent africain» pour qu’elle ne lui soit pas ravie par la France «à l’aune de sa future présidence de UE (1er semestre 2022) et du retour déterminé de la Grande-Bretagne sur le continent africain, une conséquence du Brexit».
Plan Marshall pour l'Afrique
Cette tournée permet à l’Allemagne, affirme par ailleurs Emmanuel Dupuy, de «chercher à conforter sa position militaire et sécuritaire sur le continent africain. D’où le choix du Togo et du Sénégal, deux pays qui sont des partenaires importants dans le cadre de la MINUSMA», la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali.
Depuis sa présidence du G20 en 2017 en effet, l’Allemagne essaie de percer en Afrique. Elle a, d'ailleurs, initié le Plan Marshal pour l’Afrique, comme étant sa contribution à la mise en œuvre de Compact With Africa, lui-même initié sous sa présidence du G20.
Ce Plan Marshall, selon les explications données par Gerd Müller lui-même, dans un document officiel de son ministère définit une «nouvelle qualité de coopération» permettant à l’Allemagne de «se détourner du traditionnel rapport donateur-bénéficiaire pour aller vers des partenaires en encourageant des réformes qui reposent sur le principe de conditionnalité donnant-donnant».
Pour inciter tous les pays d’Afrique à opérer des réformes, la chancelière allemande avait d’ailleurs annoncé le 12 juin 2017 une offre d’une enveloppe de 300 millions d’euros d’aide pour la Côte d’Ivoire, le Ghana et la Tunisie, trois pays alors considérés comme des «champions des réformes».
Parmi eux, l'Allemagne a déjà conclu avec six, un partenariat pour encourager les réformes en termes de transparence et de bonne gouvernance: Tunisie, Ghana, Côte d'Ivoire, Éthiopie, Maroc et Sénégal.
L’exécutif allemand cherche maintenant, à travers la tournée de Gerd Müller, à inciter de nouvelles adhésions, d'autant plus que, soutient Emmanuel Dupuy, Merkel sait que «son agenda international sera détricoté par sa ou son successeur, qu’il soit issu de la CDU (l'Union chrétienne-démocrate d'Allemagne) ou des Verts».
«Le choix de la Gambie et de la Sierra Leone se justifient par les transitions politiques et les nouveaux leaderships, plus vertueux, que leurs prédécesseurs», détaille-t-il.
De plus, poursuit Dupuy, «Gerd Müller cherche à s’assurer (au cours de cette tournée) que l’agenda allemand autour du programme COVAX et l’extension des DTS (droits de tirages spéciaux) dans le contexte post-Covid-19 profitent à ces nouveaux entrants».
C’est à dire, explique-t-il, que l’Allemagne voudrait que les nouveaux pays africains réformateurs bénéficient aussi des avantages de ses engagements dans le monde, notamment dans la lutte contre le Covid-19.
L'Allemagne est en effet un des partenaires financiers de l’Organisation mondiale de la santé dans cette initiative COVAX, qui consiste à faciliter l’accès des pays pauvres aux vaccins contre le coronavirus.
Togo, première étape de la tournée de Müller
Au Togo, première étape de sa tournée (du 13 au 15 juin 2021), Gerd Müller a signé avec les autorités un nouvel accord de coopération portant à plus de 140 millions d’euros la contribution de l’Allemagne à l’aide publique au développement de ce pays. Cette enveloppe n’était que de 66,5 millions d'euros pour l’ensemble des deux années 2019 et 2020.
Pour lui, «le Togo a fait preuve d’un grand dynamisme sur le plan politique et économique» depuis son adhésion en 2017 au programme Compact With Africa.
«Sur le plan économique, le Togo a déjà engagé des réformes importantes et l’Allemagne est prête à le soutenir sur cette voie. Au-delà, l’Allemagne va continuer à soutenir le Togo dans le domaine politique, la formation des jeunes et dans l’amélioration de son système de santé», a déclaré Gerd Müller.
Le ministre a également fait don au nom de son gouvernement de 30 respirateurs et 5.000 oxymètres, dont la valeur est estimée à environ 268.000 euros (175 millions de francs CFA) au Togo en soutien à la lutte contre la pandémie de Covid-19.
Ce don a été réceptionné par Moustafa Mijiyawa, le ministre togolais de la Santé, de l’hygiène publique et de l’accès universel aux soins.
«Les relations entre le Togo et l’Allemagne datent de plusieurs années. Nous sommes heureux que ces relations se renforcent davantage. Je me réjouis du volet santé qui se renforce de plus en plus dans cette relation», s’est-il félicité au micro de Sputnik.
À noter que depuis le début de la pandémie de Covid-19, les appuis directs de l’Allemagne au Togo pour la riposte s’élèvent officiellement à plus de six milliards de francs CFA, soit environ neuf millions d’euros.