La devise «Gloire à l’Ukraine! Gloire aux héros!» figure sur le maillot de l’équipe d’Ukraine. Il s’agit d’une référence à un slogan des fascistes ukrainiens qui ont activement coopéré avec l’Allemagne nazie lors de la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, certains manifestants de Maïdan l’ont repris. Notamment les néo-nazis du Secteur droit*. Sur la tunique ukrainienne figure également une carte du pays incluant la Crimée. Un sujet clivant, vu que la péninsule a été rattachée à la Russie à l’issue d’un référendum en 2014. Les joueurs sont ainsi entraînés dans une controverse d’ordre géopolitique. Peut-être sans le vouloir.
Un autre passionné du ballon rond, Nikola Mirković, spécialiste du monde slave, voit dans cette position «l'inertie des règles de l’UEFA» et leurs paradoxes. Il rappelle qu’on voit, «lors de tous les matchs de l’UEFA, des messages contre le racisme et l'extrémisme affichés dans les stades et inscrits sur les maillots des joueurs». En outre, «les statuts de l’UEFA disent qu’il ne faut pas promouvoir des idéologies extrémistes».
«Et là, tout d’un coup, l’Ukraine arrive avec un maillot provocateur et un slogan ouvertement utilisé par des mouvements extrémistes. Et l’UEFA ne dit rien! C’est une espèce de deux poids, deux mesures qui montre les contradictions et le manque de courage de l’UEFA».
«Cette comparaison vaut pour ce que fait aujourd’hui l'Ukraine en arborant la devise de mouvements extrémistes de la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi on ne les sanctionne pas? On ne comprend pas», se désole Nikola Mirković.
Connaissant bien les conflits modernes des Balkans, Nikola Mirković, auteur du Martyre du Kosovo (éd. France-Empire), reste persuadé que mettre sur le maillot un slogan utilisé lors de la Seconde Guerre mondiale par des mouvements comme OUN* (Organisation des nationalistes ukrainiens) ou l’UPA* (Armée insurrectionnelle ukrainienne) «qui ont massacré des innocents, qui ont attaqué des Polonais, des juifs, des Ukrainiens ou des russophones», est une provocation. Et ça risque de se sentir sur le terrain.
Adieu, l’esprit «purement sportif»!
«Bien sûr, ça va politiser le jeu aussi. On voit bien l’hypocrisie de l’UEFA. Officiellement, ils veulent que l’esprit des compétitions tourne autour du sport et des valeurs du sport. Mais, en laissant une équipe politiser l’événement, ils inciteraient d’autres formations à vouloir faire de même», met-il en garde.
Entraînés malgré eux dans un grand jeu géopolitique, les joueurs ukrainiens risquent de payer donc pour le «désarroi politique» de leur gouvernement.
Un dangereux jeu de cartes
Plus de sept ans après la révolution du Maïdan et le référendum en Crimée, sur fond du non-respect par Kiev des accords de Minsk 2, l’Ukraine serait devenue un oublié de l’Occident.
«L’Ukraine cherche la provocation parce qu’elle veut faire parler d’elle. Ce coup un peu cheap, comme on pourrait dire aujourd’hui, montre le désespoir [des dirigeants ukrainiens, ndlr] qui sont obligés d’avoir recours à ce genre d’artifice pour rappeler leur existence sur la scène internationale. Ça montre le désarroi qu’ils ressentent d’être abandonnés, parce qu’ils ne sont pas crédibles», analyse Nikola Mirković.
«Il y a une part de nationalisme dans le sport, du patriotisme sain, qui est logique. Mais ça reste quand même une compétition européenne, une compétition qui doit célébrer le sport, qui doit célébrer le jeu. Je pense que cette provocation se retournera contre l’Ukraine.»
Le fait de marquer la Crimée en tant que territoire ukrainien serait une provocation de plus. Une démarche loin d’être anodine:
«Jouer avec les cartes de l’Europe, nous savons très bien que cela nous a déjà menés à des guerres qui ont tout détruit, tous les pays européens. Deux guerres mondiales nous ont mis très mal, une Troisième Guerre mondiale pourrait nous être fatale à tous », prévient Nicola Mirković.
Plus tard, face à cette polémique sur le maillot de l’équipe ukrainienne de football, l’UEFA a demandé à Kiev d'y retirer la phrase «Gloire aux héros!» considérée comme «politique». L’autre inscription «Gloire à l’Ukraine!» restera sur le maillot.
* Organisation extrémiste interdite en Russie