Accusations de racisme dans le foot: le ballon rond menacé par le politiquement correct?

© AFP 2024 FRANCK FIFENeymar
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Après avoir été boycotté par les deux équipes en raison de propos jugés racistes tenus par un arbitre de touche, le match entre le PSG et l’Istanbul Basaksehir a été disputé le lendemain. Avant la rencontre, les joueurs ont posé sur le terrain, genou à terre et poing levé. Un geste symbolique ambivalent, explique Y. Gastaut, historien du sport.

La scène ressemble à un pastiche du roman La Tâche, de l’écrivain américain Philip Roth, paru il y a 20 ans. Le livre met en scène un professeur qui se voit destitué et frappé d’infamie pour un quiproquo sur le sens d’un mot, interprété à tort comme «raciste» par ses élèves. Dénégations et protestations n’y font rien, le présumé coupable est jeté aux oubliettes et ne s’en relève pas.

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Mardi 8 décembre, lors de la rencontre PSG-Basaksehir, les images du 4e arbitre, Sebastian Coltescu, tentant d’expliquer à tout un stade que «Negru» veut simplement dire «Noir» en roumain et qu’il n’est pas raciste, montrent la même impuissance. Les joueurs décident de quitter le terrain et le match reprend le lendemain. Sans lui.

Émotion planétaire pour un quiproquo?

Rapidement, l’incident fait le tour du monde et cristallise les débats sur l’accusation, fondée ou non, qui vise l’arbitre et plus généralement sur de tels incidents. Le Président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est même emparé du sujet pour dénoncer le racisme dans le football. L’UEFA (Union des associations européennes de football) a quant à elle annoncé ouvrir une enquête. Une émotion planétaire que légitime au micro de Sputnik Yvan Gastaud, spécialisé dans l’histoire du football et son rapport à l’immigration:

«Depuis un certain temps, le sport, en particulier le football, a changé de dimension sur les questions du racisme, qui étaient absentes des débats il y a 30 ans. Aujourd’hui, il y a une sensibilité très forte qui s’est développée. L’arène sportive réunit des conditionnements interculturels qui amènent des questionnements sur le racisme et l’antiracisme, surtout qu’il y a un passif dans ce sport.»

Pour l’auteur de Le Métissage par le foot. L’Intégration, mais jusqu’où? (Éd. Autrement), nul doute que ces propos méritent d’être condamnés et qu’il est «déplacé» de désigner un joueur par sa couleur. «Personne ne conteste le caractère racisant du propos» et cette décision commune de quitter le terrain reflèterait une «prise de conscience saine». Cela dit, ce «moment historique» qui concerne toute la planète football serait à observer avec du recul, prévient-il.

«Il y avait déjà eu des tentatives de boycott de la part de certains joueurs insultés par des supporters, cette fois le soulèvement est général. Les joueurs ont fraternisé autour de la question du racisme et ont également pris le pouvoir sur le contrôle des matchs. Cette “racialisation” peut aussi parfois servir de stratégie. Des accusations trompeuses ont déjà été proférées. C’est le mauvais côté du bon côté.»

Le geste des joueurs le 9 décembre, avant le nouveau match –remporté par le PSG –, alimente davantage la controverse. Tandis que cette génuflexion en soutien aux victimes de racisme est saluée un peu partout comme «historique», d’autres y voient là une grave dérive idéologique du sport.

Vers une politisation du sport

C’est le cas de la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, qui y voit l’importation de la «guerre raciale» américaine. Certains joueurs n’ont d’ailleurs pas hésité à rapprocher leur action de celle du mouvement «Black Lives Matter» à l’instar de Neymar sur les réseaux sociaux.

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La question sémantique est même débattue et l’ancien attaquant John Barnes, d’origine jamaïcaine, a pris la défense de l’arbitre en ces termes: «s’il y avait eu cinq entraîneurs noirs et un entraîneur blanc, il aurait indiqué “le blanc”. Que peut-il dire d’autre?». Une question de «cadre», ajoute Yves Gastaud, pour qui certaines maladresses sont à distinguer d’un racisme «violent» qui sévit dans les stades. Pour l’historien, les gestes observés cette semaine sont pourtant moins politiques qu’on ne le croit:

«Ils tiennent plutôt du mimétisme. Chez cette jeune génération, il y a une sensibilité au modèle américain et aux actes frondeurs d’il y a quelques années. On a pourtant du mal à penser qu’il y a un réel acte de résistance et, en s’agenouillant, ils sont davantage dans un consensus dont le danger est le politiquement correct et le manichéisme.»

Dans cette affaire, tout le monde y va donc de son commentaire, signe d’une «omniprésence» des questions liées au racisme, dans la société comme dans le sport. Où commence-t-il, où s’arrête-t-il, semble être la grande question. En témoigne l’exhumation d’un tweet posté récemment par Demba Ba, le joueur même qui a dénoncé les mots inappropriés de l’arbitre roumain.

L’attaquant y stigmatisme «le blanc qui se croit supérieur». Une dénomination racialisante, comme celle qu’il a pourtant condamnée lors du match. Une leçon de manichéisme?

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