N’en déplaise à l’Occident, Bachar el-Assad est sur le point de remporter un quatrième mandat.
Pourtant, à l’unisson, la presse occidentale tente de discréditer les élections présidentielles syriennes tenues le 26 mai. «Farce électorale», titre France Culture, «un simulacre de Présidentielle», commente Le Monde. Même son de cloche chez nos voisins anglais avec le Guardian: «la dynastie du “chef de la mafia” Assad resserre son emprise».
Du côté des gouvernants, le diagnostic est identique. Les ministres des Affaires étrangères américain, allemand, britannique, français et italien ont déclaré dans un communiqué commun: «nous exhortons la communauté internationale à rejeter sans ambiguïtés cette tentative du régime Assad pour retrouver une légitimité sans qu’il ne cesse ses graves violations des droits humains ni ne participe de manière significative au processus politique facilité par l’Onu dans le but de mettre un terme au conflit.»
L’Occident, entre sanctions et condamnations
Après dix années de conflits, l’Occident ne semble donc pas vouloir admettre son échec en Syrie. Pire, il continue de jouer la carte de l’opposition syrienne pour délégitimer Damas. «Nous soutenons les voix de tous les Syriens, notamment les organisations de la société civile et l’opposition syrienne», ont déclaré les chefs des diplomaties occidentales. Mais indépendamment du résultat attendu du scrutin, les positions européennes et américaines font fi de l’opinion des Syriens eux-mêmes.
Pour Firas, jeune ingénieur d’Alep, les élections sont importantes, non pas pour le résultat, mais pour tout ce qu’elles représentent:
«Ce qui nous importe, c’est l’évènement en tant que tel. Nous sommes réunis pour célébrer un jour nouveau pour la Syrie, celui de la fin de la guerre, celui d’un retour à la normale. On veut en finir avec le temps de la division, place à l’unité, maintenant», espère-t-il au micro de Sputnik.
Malgré la reprise de plus de 70% du territoire par les forces syriennes, aidées par les Russes et les Iraniens, le pays reste morcelé. À l’Est de l’Euphrate, le pays est contrôlé par les forces kurdes, soutenues par les forces spéciales américaines, qui y maintiennent 900 soldats. Le Nord du pays est devenu la chasse gardée des Turcs et au Nord-ouest demeure la dernière poche djihadiste d’Idlib. Mais dans les territoires contrôlés par Damas, les rues sont bel et bien à effigie de Bachar el-Assad, «les gens chantent, dansent, les drapeaux syriens sont sur toutes les voitures, les portraits du Président sont partout, il y a un engouement populaire», nous confie Athar, habitante de Homs. Ces scènes de liesse ne doivent pas pour autant minorer la situation économique catastrophique du pays.
Coût exorbitant de la reconstruction de la Syrie
«Aujourd’hui est un jour de fête, on essaye d’oublier nos difficultés quotidiennes: l’attente pour avoir seulement 20 litres d’essence, la flambée des prix sur les biens de première nécessité. La Syrie doit se relever, mais pour ça, il faudrait qu’on nous foute la paix, que l’Europe et les États-Unis s’occupent de leurs affaires», dénonce une source locale.
Mais les Occidentaux ne l’entendent pas de cette oreille. En plus de ne pas reconnaître le résultat des élections, les sanctions sont là pour asphyxier encore un peu plus l’économie du pays. Mises en place dès le début du conflit pour évincer Bachar el-Assad, elles se sont étendues à tous les secteurs économiques. «Le pays est littéralement en autarcie», nous explique un commerçant d’Alep. Depuis l’entrée en vigueur de la loi César en juin 2020, la Syrie peine à échanger avec l’extérieur. Toute entreprise voulant commercer avec la Syrie est aussitôt sanctionnée. Mais dans le malheur syrien, il y aurait une lueur d’espoir avec le repositionnement progressif des voisins arabes.
«La Syrie a vocation à redevenir ce qu’elle était»
Plus récemment, une délégation saoudienne dirigée par le chef du service de renseignement, le lieutenant général Khaled Al-Humaïdan, s’est rendue à Damas le 3 mai pour rencontrer le Président Bachar el-Assad. Riyad serait sur le point de normaliser ses relations avec le pouvoir syrien. Pour Wael, gérant d’une tapisserie dans les faubourgs de Tartous, cette ouverture progressive sera bénéfique pour l’économie.
«Auparavant, nos produits étaient vendus dans toute la région. Je vendais des tapis dans tous les pays arabes et même en Europe. La Syrie est un pays arabe et nous avons besoin du soutien des pays frères. Si les pays du Golfe pouvaient investir dans notre économie, ça nous permettrait de respirer un peu», espère-t-il.
À ce titre, une délégation syrienne était à Riyad les 26 et 27 mai, une première depuis 2011. L’agence de presse officielle syrienne Sana a déclaré que Damas, par l’intermédiaire de son ministre du Tourisme, Muhammad Martini, participait durant ces deux jours à la 47e réunion du Comité de l’Organisation mondiale du tourisme pour le Moyen-Orient, à l’inauguration du Bureau régional du Moyen-Orient et à la Conférence de promotion du tourisme. Pour Moussa, guide touristique syrien, «la Syrie a vocation à redevenir ce qu’elle était.»
«Je ne peux qu’espérer une ouverture. La Syrie est un joyau du Moyen-Orient. Il y a des vestiges du temps des Omeyyades, des anciens monastères chrétiens, du soleil, de la bonne nourriture et une générosité débordante. Il faut que la Syrie redevienne un pays touristique», appelle-t-il de ses vœux, entre espoir et nostalgie.