Trois jours après le premier tour de la présidentielle qui s’est tenue le 11 avril au Bénin, la Commission électorale nationale autonome (CENA) a donné son verdict pour départager chacun des trois candidats en lice.
Les résultats provisoires, proclamés en direct à la télévision publique le 13 avril au soir, ont donné Patrice Talon vainqueur dès le premier tour avec 86,37% des voix.
Il est suivi par Alassane Soumanou et Corentin Kohoué, qui ont recueilli respectivement 11,29% et 2,35% des suffrages exprimés.
L’annonce a provoqué des scènes de liesse chez les militants du Président Talon, qui rempile ainsi pour un deuxième mandat.
Du simple au double
Alors qu'un total de 4.802.303 Béninois étaient appelés aux urnes, le taux de participation donné par la CENA a été de l'ordre de 50,17%. Mais il ne serait que de 26,47%, selon la plateforme des organisations de la société civile béninoise qui a déployé le jour du scrutin 1.470 observateurs pour couvrir les 546 arrondissements du pays.
Des observateurs «ont signalé que le scrutin a connu des interruptions à certains endroits dans le Littoral, le Borgou, le Mono et l’Ouémé. Dans le Littoral, les interruptions signalées concernent, entre autres, les septième et sixième arrondissements», indique une déclaration de la plateforme rendue publique quelques heures après la fermeture des bureaux de vote.
Par ailleurs, le vote n’a pas eu lieu dans au moins 16 arrondissements dans l’ensemble du pays, selon la commission électorale elle-même qui a justifié cela, entre autres, par la non accessibilité de certaines localités.
Des bourrages d’urnes
Parmi les incidents relevés par la plateforme des organisations de la société civile béninoise, figurent en bonne place «les bourrages des urnes et des votes multiples» dans plusieurs communes du pays. Certaines fraudes semblent même avoir été documentées, à en croire des vidéos qui ont fait le tour des réseaux sociaux le jour du vote et qui n'ont pas été authentifiées. Elles semblent montrer des agents de bureau de vote estampiller des bulletins et apposer des empreintes ou enfonçant des lots de bulletins dans une urne.
Les auteurs seront punis
Ces vidéos ont fait réagir très rapidement le gouvernement le 13 avril en conférence de presse animée par le ministre de la Justice, le porte-parole du gouvernement et le directeur de la communication de la présidence de la République.
«Ce qui s’est passé est suffisamment grave pour rester impuni», a assuré Sévérin Quenum, le ministre béninois de la Justice, affirmant que les procureurs territorialement compétents avaient déjà été instruits pour «l’ouverture des enquêtes aux fins de trouver et de déférer devant les juridictions compétentes les auteurs de ces actes». Autrement dit, le gouvernement se dédouane de toute responsabilité dans cette affaire.
Alain Orounla, le ministre porte-parole du gouvernement, va plus loin. Il croit qu'il s'agit purement et simplement de «montages faits à dessein pour discréditer le processus électoral» au Bénin. Ce qu’il dénonce, espérant une clarification par les enquêtes.
De toutes les façons, assure-t-il, «l’honneur du Bénin est sauf et ces petits jeux n’entachent pas la crédibilité du scrutin».
«Non, ce ne sont pas des montages», a réagi au micro de Sputnik Ralmeg Kandaho, le président de l'ONG Changement social Bénin, une des organisations de la société civile qui a dépêché des observateurs dans les différents bureaux de vote du pays.
«Nous sommes des organisations crédibles et nous avons la preuve des irrégularités que nous invoquons. Il ne s'agit pas uniquement de ce qui a tourné sur les réseaux sociaux. À présent, nous attendons d’avoir des sessions d’échanges avec l’ensemble des acteurs [politiques et de la société civile, ndlr] pour évoquer ou démontrer la gravité de ces irrégularités», a-t-il indiqué.
Les résultats annoncés par la Commission électorale sont susceptibles de recours devant la Cour constitutionnelle. Selon la constitution béninoise, cet organe statue sur les contestations relatives à la régularité des opérations électorales dans les 10 jours qui suivent la proclamation provisoire.