Sur la liste provisoire des trois candidats retenus par la commission électorale pour le premier tour de la présidentielle au Bénin prévu pour le 11 avril, le Président Patrice Talon, qui brigue un deuxième mandat à la tête du pays, est le grand favori.
Une victoire sans crédibilité?
Il s’agit, d’un côté, d’Alassane Soumanou et de son colistier Paul Hounkpè. Tous deux sont membres de Force Cauris pour un Bénin émergent (FCBE), le parti sous les couleurs desquelles l’ex-Président Boni Yayi a gouverné le Bénin entre 2006 et 2016, avant de le quitter il y a quelques mois pour en créer un nouveau, «Les démocrates». L’autre binôme est celui de Corentin Kohoué avec sa colistière Iréné Agossa, qui concourent en tant que candidats indépendants.
«Le FCBE est un parti fragilisé depuis le départ du Président Boni Yayi, il n’est plus considéré par une partie de l’opposition comme un des leurs. Et les candidats indépendants sont aussi des anciens de la formation "Les démocrates", sans poids ni champ électoral précis. Ils sont donc seulement là pour servir de caution à des candidatures plurielles à ce scrutin», soutient Moussa Diop.
Le politologue sénégalais affirme que la victoire, attendue, du Président Patrice Talon dès le premier tour de la présidentielle est à ce titre «certaine». Il pointe cependant un «manque de crédibilité» regrettable vu l’histoire politique du Bénin, un pays toujours cité comme un exemple de démocratie en Afrique de l’Ouest francophone.
«Nul doute que la réélection de Talon lui sera aisée parce qu’il a toutes les cartes en main. Cependant, la crédibilité de sa victoire n’en sera que plus largement atteinte, au regard de plusieurs éléments», a déclaré Moussa Diop à Sputnik
Il cite en premier lieu le fait que plusieurs poids lourds de l’opposition, à l’instar de l’homme d’affaires Sébastien Ajavon –président du parti Union Sociale Libérale, arrivé troisième à la présidentielle de 2016– aient été «poussés à l’exil».
Tous les parrains, ou presque, pour Talon
Sur les 159 parrainages disponibles, le duo présidentiel en a récolté 118 alors qu’il n’en avait pas besoin de plus de 16. Le reste a été partagé entre les deux autres candidatures retenues. Ainsi, aucun autre prétendant à la magistrature suprême n’était en mesure d’obtenir le nombre de parrains nécessaire à la validation de son dossier.
Reckya Madougou, ancienne ministre de la Justice du Bénin, candidate du parti «Les démocrates» (opposition), recalée avec son colistier justement pour ce défaut de parrainages, accuse sans détour le pouvoir d’avoir réquisitionné les voix des élus. Sur sa page Facebook, elle détaille ses arguments.
Elle a même menacé de mettre les preuves étayant ses déclarations à la disposition de la justice. Il s’agit essentiellement d’échanges avec des députés du pouvoir.
Alain Orounla, ministre de la Communication et des Postes, porte-parole du gouvernement du Bénin, a rétorqué devant la presse ce mardi 16 février:
«Le grand nombre de parrainages obtenu par le duo du Président peut tout à fait se comprendre: il est difficile pour un élu d’accorder son parrainage à un candidat autre que celui désigné par son parti.»
Pour sa part, Moussa Diop a un avis tranché: «Le parrainage est un des moyens trouvés pour limiter l’inflation de dossiers aux élections nationales. Que ce système soit bon ou mauvais, des candidats peuvent se sentir lésés car en fin de compte, c’est une compétition, une course.»
Au-delà des parrainages
Le défaut de parrainages n’était pas le seul vice procédural reproché aux recalés. À l’annonce des candidatures retenues le 12 février dernier, la commission électorale avait fait part à la presse de plusieurs autres manquements relevés dans la composition des 17 dossiers rejetés.
La CENA avait ensuite donné un délai de trois jours (échu le 17 février) à tous les candidats recalés en vue de leur laisser le temps de compléter leurs dossiers avant transmission au Conseil constitutionnel, habilité à publier la liste définitive des prétendants retenus, qui sera divulguée le 22 février prochain.