Au Bénin, la campagne électorale est officiellement ouverte depuis ce 26 mars 2021. En vue du premier tour de la présidentielle, quelque 5,5 millions de Béninois sont appelés aux urnes pour élire, le 11 avril prochain, dans le cadre d'un «ticket», un Président et un vice-Président.
Il s'agit de l'une des réformes institutionnelles opérées durant le mandat du Président Patrice Talon (2016-2021) et décriées par l'opposition. À ce titre, si le Président Talon et sa coéquipière Mariam Chabi Talata dans cette course affrontent deux autres duos, plusieurs autres candidats de l'opposition ont été éliminés pour n'avoir pas pu satisfaire aux nouvelles conditions, notamment le parrainage. Ces réformes controversées, ajoutées à des poursuites pénales engagées contre des opposants, qui ont été embarqués dans des affaires de corruption et même de terrorisme, ont créé un climat politique très tendu, au point que des appels au calme et au dialogue fusent depuis plusieurs jours, de l'intérieur du pays comme de la part de partenaires du Bénin.
Sputnik: La campagne électorale a démarré dans un climat politique tendu. L’Union européenne a appelé le gouvernement à privilégier le dialogue. Ce même dialogue auquel l’ex-Président Yayi Boni a appelé il n’y a pas longtemps. Y aura-t-il un dialogue pour désamorcer cette tension?
Alain Orounla: «Au Bénin, le dialogue est permanent. Je dirais d’ailleurs que c’est le crédo de notre régime. Le dialogue est constamment entretenu avec ceux qui veulent dialoguer. Ceci étant, je pense qu'il y a des exagérations ici et là. Les quelques confrontations verbales qui se sont produites ne menacent pas vraiment la paix au Bénin! Quant aux mises en garde et les sensibilisations qui sont faites [mises en garde émises par des procureurs contre tout trouble à l'ordre public à l'occasion des élections, ndlr], considérez-les comme des exercices de routine toutes les fois que nous abordons une période sensible comme celle des élections. Pour la reine des élections, la présidentielle, le protocole a été activé juste pour apaiser les sources de tensions, inviter les uns et les autres à la retenue et éviter justement de tomber dans des dérapages lorsque l’on harangue les foules, ou lorsqu’on fait la promotion de son candidat. Donc rien de plus. Ne pensons pas qu’il y a péril en la demeure même si nous sommes prudents et vigilants en encourageant ces opérations de sensibilisation».
Sputnik: Vous dites que le dialogue est permanent. Mais peut-être pas avec les principaux adversaires du Président?
Alain Orounla: «Mais, qui sont-ils? Moi, je ne sais pas. Nous avons des lois que tout le monde reconnaît. Il y a eu dans le cadre de la présidentielle des dépôts de candidatures et certaines n’ont pas été admises parce que ne remplissant pas les critères fixés par la loi. Trois duos ont été retenus, un de la mouvance [présidentielle] et deux de l’opposition. Je pense que les standards internationaux de démocratie ont été observés dans tout le processus. Le reste est une polémique inutilement entretenue par ceux qui n’ont pas bien préparé leurs dossiers, qui sont recalés, et qui pensent qu’ils sont indispensables pour la marche du monde. C’est d’ailleurs une présomption et une prétention qui ne saurait entacher l’état de notre démocratie, dont les efforts du gouvernement contribuent à crédibiliser la nature, la consolider et l’enrichir. Donc ne nous arrêtons pas sur les sautes d’humeur des gens qui n’ont pas été à la hauteur de leurs ambitions.»
Sputnik: L’opposition dans sa grande majorité critique le processus électoral en cours dans le pays. Vos principaux opposants n’ont pas pu être candidats, sont exilés ou en prison, et donc ne participeront pas à ce scrutin. Cette situation n’est-elle quand même pas de nature à entacher la crédibilité du processus?
Alain Orounla: «Je suis navré. Mais de quelle opposition parle-t-on? Nous avons deux duos de candidats issus de formations politiques qui se classent plutôt dans l’opposition. Que des acteurs politiques, par prétention, disent que ces candidats ne sont pas de vrais candidats, cela n’engage qu’eux. Nous avons un processus où les grandes forces politiques ont accepté de se conformer aux nouvelles règles électorales et ont présenté des candidatures. Quelle est l’opposition en prison, et laquelle est en exil? Notre pays est ouvert, est hospitalier et qui veut, va et revient sans qu’il ne se passe quoi que ce soit. Donc il faut éviter de masquer les insuffisances politiques par des problèmes qui n’existent que dans l'imagination de ceux qui les dénoncent.»
Alain Orounla: «Il est parti d’ici librement et rentré tout aussi librement. C’est la preuve que nous ne sommes pas ce que l’on tente de nous imputer. Ceux qui sont partis parce qu’ils ne veulent pas comparaître devant la justice ont également le loisir de revenir. D'ailleurs, est-ce que le fait de demander à quelqu’un de répondre d’une accusation devant la justice est un motif suffisant pour qu’il prenne la clé des champs et crie à l’exil politique? Je voudrais à ce niveau inviter les commentateurs et les observateurs à un peu plus de réalisme et de modération dans leurs propos et à ne pas créer des problèmes là où il n’y en a pas. Le Bénin est une terre hospitalière pour tous les citoyens du monde.»
Sputnik: Effectivement, les commentaires qui citaient naguère le Bénin comme un exemple de démocratie en Afrique de l'Ouest, l'assimilent aujourd'hui à un régime autoritaire…
Alain Orounla: «Le Président Talon fait tout pour faire prospérer la démocratie au Bénin. Nous avons opéré des réformes qui n’ont pas plu à tout le monde, c’est concevable. Mais entre se plaindre des réformes qui n’arrangent pas vos intérêts particuliers, mais qui permettent au pays de consolider sa gouvernance et sa démocratie, et crier au recul des libertés, il y a un fossé important. Ce sentiment n'est d'ailleurs pas partagé par les Béninois. Nous avons le sentiment qu'ils sont satisfaits des réformes effectuées et vont le démontrer le 11 avril prochain par un vote massif en faveur du Président. Parce que c’est grâce à ces réformes que nous apportons un mieux-être aux populations. C’est grâce à ces réformes que nous arrivons à donner de l’eau à sept Béninois sur dix, à parvenir à une autonomie énergétique, à construire des routes, des autoroutes, à assainir nos villes et à créer de meilleures conditions dans les écoles. C’est grâce à ces réformes que nous arrivons à développer de nouvelles filières agricoles, hissant l’agriculture béninoise parmi les plus florissantes d’Afrique. Tous ces résultats sont contraires à cette image de dictature qu’on tente de coller au Bénin.»
Sputnik: C’est tout de même la première fois que les anciens Présidents sont tous opposés ouvertement au Président en fonction…
Alain Orounla: «Il suffit de prendre les propos de notre ancien Président, le prédécesseur du Président Patrice Talon [Yayi Boni], pour constater qu’il est en train de faire aujourd’hui ce qu’il dénonçait hier. Le Président actuel du Bénin, c’est Patrice Talon, il a été élu par les Béninois pour un mandat qu’il a accompli presqu’à la perfection. Les réformes opérées, sont une révolution au Bénin. Cela ne fait pas plaisir à tout le monde. Encore une fois, on le comprend. Mais n’allons pas jusqu’à dénaturer les faits. Il y avait des clubs électoraux qui prenaient le pays en otage. La réforme du système électoral a corrigé cela. Des gens avaient pour habitude d’abuser des richesses de notre pays en toute impunité. C’est normal que lorsqu’on assainit les finances publiques en disant tolérance zéro à l’impunité, cela ne soit pas de leur goût et qu’ils grincent des dents. Ceux qui n’ont pas volé et n’ont pas pillé n’ont rien à redouter de la justice. Donc encore une fois, il s’agit de problèmes de justice et non politiques.»
Alain Orounla: «Le Président de la République, candidat, se soumet au suffrage des Béninois. Je pense que toute personne qui se porte candidate à une élection présidentielle, surtout s’il est sortant, préfère avoir un vote massif en sa faveur. Oui, nous espérons que les Béninois vont sortir massivement le 11 avril prochain exprimer leur suffrage majoritairement en faveur du duo Talon-Talata pour passer dès le premier tour. Cela nous permettra d’ailleurs d’économiser des sous pour le deuxième tour, qu'on pourra consacrer aux projets de développement que nous proposons aux Béninois. Nous n’avons aucun complexe à espérer que le KO soit fait. Tout dépendra de la mobilisation des Béninois. Nous espérons de notre côté un plébiscite pour notre duo Talon-Talata. Nous croyons qu’ils ont été convaincus par l’action menée sous la présidence de Patrice Talon et que le programme très ambitieux que nous leur proposons, dans le prolongement du précédent, va emporter leur conviction et leur adhésion.»
Sputnik: Cette campagne électorale s’ouvre alors que les contaminations au Covid-19 grimpent en flèche. Quelles sont les dispositions prises par le gouvernement pour éviter le pire durant la campagne électorale?
Alain Orounla: «Je voudrais rappeler d’abord que notre gouvernement a su anticiper avec bonheur, en prenant des mesures susceptibles de freiner la propagation du virus, au Bénin. Le Président de la République a pris en toute responsabilité et en compatibilité avec le mode de vie de nos compatriotes, des restrictions qui nous ont permis de contenir la pandémie. Mais force est de constater que le virus s’éternise, et mute. Pour la présidentielle, nous insistons sur le respect des gestes barrières et de toutes les autres mesures qui ont été prises pour freiner la propagation du virus dans le pays, à l’exception des regroupements que nous venons d’autoriser exceptionnellement dans le cadre de la campagne électorale, comme cela s’est fait dans d’autres pays, en raison du caractère majeur de l’élection présidentielle. La plupart des gestes barrières prescrits à savoir port obligatoire des maques, lavage systématique des mains à l’eau, au savon ou à l’aide du gel hydroalcoolique, respect des distanciations sociales sont maintenus. Et nous pensons que le respect de ces mesures sera de nature à contenir la propagation du virus. Il faut dire que le contexte est aussi particulier en ce sens que le Bénin a commencé par recevoir ses premières doses de vaccins contre le Covid-19 et avec cela, nous allons pouvoir démarrer officiellement notre campagne de vaccination dès le lundi 29 mars 2021. Nous avons donc bon espoir que nous allons pouvoir tenir les élections tout en préservant la santé de nos compatriotes.»
Alain Orounla: «C’est une coïncidence de calendrier. Peut-être que les vaccins ont attendu que notre élection programmée de longue date arrive! Je considère que c’est un hasard dont nous voulons tirer avantage. Mais pour vous dire la vérité, notre pays a toujours été prudent. Il n’empêche qu’il a toujours avancé. Et la tendance aujourd’hui est à la vaccination, nous n’allons pas nous mettre en marge de ce qui est préconisé par l’Organisation mondiale de la santé. Et d’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à le faire. Nous restons prudents, mais pas inactifs.»
Sputnik: La campagne de vaccination démarre avec quels vaccins et suivant quel plan?
Alain Orounla: « Il s'agit de vaccins AstraZeneca et Sinovac. Plus de 200.000 vaccins de Sinovac, sous la forme d'aide de la Chine, et plus de 100.000 doses d’AstraZeneca grâce au dispositif Covax. Selon un protocole vaccinal établi par nos experts, avec à leur tête le ministre de la Santé, nous allons pouvoir lancer notre campagne de vaccination. Seront d’abord privilégiées les personnes les plus exposées à savoir le personnel de santé qui est en première ligne et qui gère avec beaucoup de courage et d’efficacité la situation de la pandémie dans notre pays. Ensuite, ce sera le tour des Béninois qui sont porteurs de maladies qui les fragilisent et des personnes âgées de plus de 60 ans».