Convention citoyenne pour le climat: le gouvernement a suivi «l’avis des industriels, des patrons, des lobbies»

© REUTERS / BENOIT TESSIEREmmanuel Macron
Emmanuel Macron - Sputnik Afrique, 1920, 02.03.2021
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L’heure du bilan a sonné et pour le gouvernement, le jugement est très sévère. Les mesures présentées dans le projet de loi Climat et résilience n’ont pas trouvé grâce aux yeux des membres de la Convention citoyenne pour le climat. Un des participants revient pour Sputnik sur ce camouflet.
«C’est manifestement une occasion manquée.»

Pour Guy, un des participants à la Convention collective pour le climat (CCC) et membre de l'association «Les 150», le bilan de cet exercice de démocratie participative reste mitigé. Pour lui, il n’y a aucun doute: «Le projet de loi n’a pas l’ambition qu’il aurait dû avoir.» Un jugement partagé par la grande majorité de cette assemblée citoyenne souhaitée par Emmanuel Macron.

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Après dix-sept mois de travail, les membres se sont réunis le week-end dernier en visioconférence pour une ultime séance marquant la fin du dispositif. Une occasion pour eux d’évaluer si les «décisions du gouvernement relatives aux propositions de la CCC» permettraient «de s’approcher de l’objectif fixé» par l’exécutif. À savoir: une réduction «de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 dans un esprit de justice sociale». Et le résultat est sans appel: une moyenne de 2,5 sur 10 a été attribuée.

​Pis, aucune des six familles de propositions ayant un impact sur la vie quotidienne ne dépasse la moyenne. Par exemple, concernant la thématique «Se loger», la moyenne atteint 3,4 sur 10. Pour les volets «Produire et travailler», «Se nourrir» et «Se déplacer», le gouvernent obtient la moyenne de 3,7. Un camouflet donc.

«Une gifle pour le Président»

Comment pourrait-on interpréter ces résultats? Pour Guy, le gouvernement a trahi l’esprit de certaines propositions. «Ils ont repris les titres de nos mesures, mais ils les ont vidées de la totalité de leur substance», accuse-t-il. Il déplore que, malgré les potentielles «crises climatiques à venir», l’exécutif «préfère continuer la fuite en avant plutôt que de se remettre en question».

«Alors que nous étions prêts pour réellement amorcer la transition écologique, ils ont pris plutôt l’avis des industriels, des patrons, des grands groupes de pression, des lobbies qui n’ont surtout pas envie que les choses changent parce que les profits sont trop importants aujourd’hui», avance le membre de l’association «Les 150».

Des critiques qu’a balayées d’un revers de main Barbara Pompili. Ce lundi 1er mars, devant la commission spéciale de l'Assemblée nationale sur le projet de loi Dérèglement climatique et résilience, la ministre de la Transition écologique a assuré qu’il n’y avait «aucune baisse d’ambition».

«S'il y a eu des modifications par rapport à ce que voulait la convention citoyenne, ce n'est certainement pas pour en changer l'esprit, mais pour faire en sorte qu'on puisse le mettre en œuvre de la manière la plus efficace possible», a-t-elle plaidé.

Des explications qui ne devraient pas convaincre l’opposition de gauche et les militants écologistes. Sur Twitter, Clément Sénéchal, porte-parole climat de Greenpeace, a souligné que «c’est une gifle pour le Président, doublée d’un immense gâchis démocratique» en raison de la note de 3,3 sur 10 obtenue sur le point concernant la reprise «sans filtre» des propositions de la convention citoyenne.

​Toujours sur le réseau social à l’oiseau bleu, Mathilde Panot, députée La France insoumise, n’a pas hésité à tacler l’exécutif: «Les cancres du climat doivent revoir leur copie», tout en fustigeant une «opération de com’ qui tourne au vinaigre». Le député PS des Landes Boris Vallaud a quant à lui fait part de sa «double déception». Ainsi, le porte-parole du Parti socialiste a-t-il regretté que le projet de loi Climat «ne soit clairement pas à la hauteur ni de l'exercice démocratique de la Convention citoyenne ni de l’urgence climatique».

La nécessité du débat démocratique

Pourtant, tout n’est pas à jeter. Et pour cause, les membres de la CCC ont majoritairement estimé que cette assemblée citoyenne a été «utile à la lutte contre le changement climatique» et que le «recours aux conventions citoyennes [était] de nature à améliorer la vie démocratique de notre pays».

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Guy rejette d’ailleurs l’idée que les membres de la CCC aient été «manipulés» pour servir la communication gouvernementale. Néanmoins, il avance que «le rapport a dépassé complètement ce qu’en attendait le gouvernement». Or, «en réalité, nous avons été ambitieux en proposant des mesures pour permettre véritablement une transition écologique, y compris un système de société différente», se félicite le membre de l’association «Les 150». En outre, il pointe un logiciel de pensée très «ancien monde». «L’essentiel des mesures qui sont prises aujourd’hui laisse la part belle aux entreprises pour faire de l’autorégulation. On a vu à quel point cette politique était un échec», tonne-t-il.

Malgré une traduction en demi-teinte des propositions en projet de loi, si c’était à refaire, Guy confie qu’il n’hésiterait pas participer de nouveau à ce type de débat démocratique.

«Je suis persuadé aujourd’hui que l’on a une possibilité de faire passer les messages de la population vers le politique. À condition que les rapports aient une destination institutionnelle. C’est-à-dire que cela devienne un projet que l’on soumet tel quel aux parlementaires ou à référendum. Mais qu’il ne soit en aucun cas soumis au bon vouloir d’un politique», conclut Guy.
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