L’effet d’annonce n’aura duré qu’un bref moment. La décision d’Emmanuel Macron de soumettre la révision de l’article 1 de la Constitution au referendum pour y inscrire la défense du climat et la préservation de l’environnement n’a visiblement pas eu l’effet escompté.
Le Président a lancé l’idée le 14 décembre, lors des trois heures et demie d’échanges avec les membres de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), au siège parisien du Conseil économique et social. Le chef de l’État répondait à l’une des 149 exigences pour faire face à l’urgence climatique formulée par les 150 membres de la Convention.
«Ce sera une réforme constitutionnelle en un article. Constitutionnellement, elle doit d’abord passer par l’Assemblée nationale, puis le Sénat, et être votée en des termes identiques. Ce jour-là, elle sera soumise à referendum», a déclaré Emmanuel Macron.
« La République garantit la préservation de la #biodiversité, de l'#environnement et lutte contre le dérèglement climatique » 📕🌱
— Convention Citoyenne pour le Climat (@Conv_Citoyenne) December 15, 2020
Cet ajout à l'article 1er de la #Consitution était une des 149 propositions de la #ConventionCitoyenne pour le #climat 👥🌍 https://t.co/HZyJHHQL49
À l’issue de la rencontre, plusieurs acteurs impliqués dans l’évènement ont fait part de leur déception. C’est notamment le cas de Véronique Andrieux, directrice générale du World Wide Fund for Nature (WWF), qui a déclaré sur France Info que le Président avait «excellé à expliquer ses renoncements».
Éric Berr, membre des Économistes Atterrés, explique au micro de Sputnik que s’il est évident que «personne ne va s’opposer» à cet ajout constitutionnel, Emmanuel Macron révèle surtout ici que cette mesure est «l’une des seules à laquelle il peut accéder sans aucun problème». De leur côté, les membres de la Convention citoyenne seraient-ils définitivement vaccinés contre les grandes annonces, comme celles de l’Accord de Paris de 2015?
Le spectre persistant de l’échec de la COP 21
Président de la COP 21 à l’époque, Laurent Fabius concluait le sommet –sous les applaudissements et par un coup de marteau solennel– cet accord diplomatique «historique» visant à lutter activement contre le réchauffement climatique. Depuis, les différents rapports sont venus refroidir cet élan écologiste planétaire.
Dernier en date, le rapport annuel 2020 du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) pointe l’écart entre les objectifs de l’Accord de Paris et l’augmentation poursuivie des émissions de gaz à effet de serre (+1,3% par an en moyenne). Et l’objectif de maintien d’une hausse des températures mondiales en dessous des 2°C s’éloigne à grands pas. À l’inverse, un scénario se rapproche rapidement, selon l’organisme: celui d’«une augmentation catastrophique de la température de plus de 3°C au cours de ce siècle.»
Les ambitions écologiques de Macron, «sans lendemain»?
C’est dans cette ambiance d’échec des politiques écologiques qu’arrive le nouveau texte du projet loi climat d’Emmanuel Macron. Deux jours avant sa rencontre avec la CCC à Paris, l’hôte de l’Élysée participait de surcroît au «sommet ambition climat» organisé par l’Onu à l’occasion de la date anniversaire de l’Accord de Paris. Mais ses ambitions écologistes semblent d’avance condamnées, selon Éric Berr, auteur de L’intégrisme économique (Éd. Les liens qui libèrent):
«En 2017, Emmanuel Macron promettait l’interdiction du glyphosate à l’horizon 2020. Ce n’est pas fait. Quant aux accords de libre-échange qu’il a signés, ils ne vont faire qu’intensifier les déplacements, multiplier les transports et donc polluer davantage», affirme-t-il avant d’ajouter: «la multiplication des annonces de grands projets écologiques sans lendemain» révèle «l’emprisonnement du Président dans un logiciel de pensée ultralibéral.»
De même que l’entretien donné à Brut par Emmanuel Macron, dix jours avant leur rencontre de lundi dernier, dans lequel le Président déclarait: «Je ne veux pas dire que parce que les 150 citoyens ont écrit un truc, c’est la Bible ou le Coran.»
Le capitalisme peut-il s’habiller de vert?
En juin 2017, moins d’un mois après sa prise de fonctions, Emmanuel Macron s’inscrivait pourtant dans cette démarche mondiale de volontarisme écologique, née dans le sillage de l’Accord de Paris de 2015. Il lançait la formule «Make our planet great again», reprise du slogan de campagne de Donald Trump, au moment même où le Président américain annonçait le retrait de son pays de l’accord de Paris.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) June 1, 2017
La politique écologique présidentielle essuiera par la suite quelques revers, dont le plus médiatique fut le départ de Nicolas Hulot du ministère de la Transition écologique et solidaire en 2018. Pour Éric Berr, les «renoncements» du Président témoignent du contrecoup d’une illusion, celle de repeindre en vert écologique un système économique demeurant identique dans ses structures. Le «capitalisme vert» aurait, selon lui, révélé une bonne fois pour toutes ses limites.
«Rendre les processus de production écologiquement plus vertueux, notamment en misant tout sur l’innovation, cela ne nous fait pas pour autant sortir de cette équation insoluble: sur une planète finie, on ne peut pas croître indéfiniment», conclut Éric Berr.
Ainsi, incite-t-il à réfléchir aux moyens de moins polluer, et à s’éloigner du dogme de «la croissance comme seule finalité.»