Copie à revoir pour le gouvernement. Dans un avis publié ce mardi 23 février, le Haut Conseil pour le climat (HCC) a pointé les limites du projet de loi «Climat et résilience». Ce texte devrait être débattu à l’Assemblée nationale à partir de mars prochain. Il fait suite aux 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Les dispositions prévoient notamment l’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles, la fin de la location de logements considérés comme des passoires thermiques dès 2028, ou encore l’interdiction des vols intérieurs s’il existe une alternative moins carbonée pour les trajets de moins de deux heures et demie.
Des mesures jugées insuffisantes
En tout, ce sont soixante-neuf articles qui visent à «introduire des ruptures majeures pour la société française».
La loi climat et résilience est une opportunité importante de reprendre le dessus sur les objectifs climats. Le parlement devra donc veiller à renforcer les mesures, insérer les échéanciers dans la trajectoire #SNBC, et prévoir le suivi. @hc_climat https://t.co/D2OX2imNa6
— Corinne Le Quéré (@clequere) February 23, 2021
Pourtant, selon l’instance chargée d’évaluer la stratégie climatique de la France, si certaines mesures «vont dans le bon sens», le projet de loi manque d’ambition.
«Une proportion élevée (des mesures) voit sa portée réduite par un périmètre d'application limité, voire ponctuel, des délais de mise en œuvre allongés ou encore de nombreuses conditions associées à leur application», affirme le Haut Conseil pour le climat.
Des conclusions qui ne surprennent guère le député écologiste François-Michel Lambert, coprésident du mouvement Liberté Écologie Fraternité (LEF). L’élu de la dixième circonscription des Bouches-du-Rhône s’étonne «qu’il y ait encore des gens qui croient que ce gouvernement, cette majorité, a vraiment envie d’agir sur les urgences écologiques». Un constat délivré avec un brin d’amertume.
Créer l’illusion d’une action gouvernementale forte
Et pour cause, selon le HCC, les mesures proposées ne permettraient pas à la France de respecter ses objectifs. Ainsi, Paris vise au moins 40% de réduction des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES) en 2030 par rapport au niveau de 1990, en accord avec la loi de transition énergétique de 2015. Or la révision de l’objectif climatique européen qui fixe à 55% la réduction des GES en 2030, «pourrait impliquer un relèvement de l’effort français», prévient l’instance consultative indépendante.
«Le projet de loi n'offre pas suffisamment de vision stratégique de la décarbonation des différents secteurs émetteurs en France» et le texte souffrirait d'un «manque de consolidation stratégique», analyse l’organisme.
Une opération séduction qui semble pourtant porter ses fruits. Un sondage Ifop, réalisé pour Depanneo.com du 7 au 8 janvier 2021, auprès d'un échantillon de 1.028 personnes âgées de 18 ans et plus, révèle que 63% des Français jugent le projet de loi «ambitieux». Un crève-cœur pour l’élu des Bouches-du-Rhône.
«Il y a une instrumentalisation de la politique en ne créant plus qu’une com’ superficielle, un affichage et en se disant que cela passera. Mais il n’y a pas de volonté, pas d’envie. Il n’y a pas non plus d’investissement de la part de Bercy, ni d’engagement, ni d’innovation», dénonce François-Michel Lambert.
Le député va même plus loin: «Depuis quatre ans, Emmanuel Macron s’avère comme le plus grand prestidigateur, illusionniste, que l’on ait jamais eu.»
«Il déclame, proclame, affiche ses engagements. Mais, à la fin, on va encore dire que l’on est passé à côté. Même quand on regarde avec des regards neutres comme celui du Conseil d’État, qui est très sévère, ou maintenant celui du HCC. Ce sera le même constat demain quand d’autres avis extérieurs vont se pencher sur cette loi.»
Pour le député écologiste, le plus triste est qu’une «partie des Français croiront que l’on a effectivement le gouvernement le plus écolo de France». Une crédulité bienvenue dans l’optique de la prochaine présidentielle. Et ce malgré «l’alerte de tous les scientifiques», bien «qu’une grande partie du projet de loi ne se sera pas réalisée» et que le gouvernement soit dans «l’incapacité de vraiment faire bouger les lignes».
«Le sujet du moment, c’est l’écologie. De façon large, le climat. Si, demain, c’est les plumes d’autruche, eh bien, vous aurez cela dans une proposition de loi du gouvernement. Malheureusement, au final, nous n’avons pas les engagements à la hauteur des enjeux et en plus on va se la jouer donneur de leçons au reste de la planète quand on ne progresse pas réellement», conclut François-Michel Lambert.