Crise séparatiste au Cameroun: que peut encore le Vatican pour un retour de la paix?

© AFP 2024 GEORGES GOBETLe cardinal Pietro Parolin, envoyé spécial du pape François.
Le cardinal Pietro Parolin, envoyé spécial du pape François. - Sputnik Afrique, 1920, 09.02.2021
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Alors que la crise séparatiste se poursuit au Cameroun, l’Église catholique intensifie son action pour faire taire les armes. Un envoyé du pape a effectué une visite dans le pays pour appeler à la paix. Toutes les initiatives du genre s’étant soldées jusqu’ici par des échecs, le plaidoyer du Vatican sera-t-il entendu?

Que peut le Vatican dans la crise séparatiste? Le secrétaire d’État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, a séjourné au Cameroun du 28 janvier au 3 février dernier. Lors de sa venue, l’émissaire du pape a rencontré les autorités locales et a effectué un déplacement à Bamenda dans le Nord-Ouest, l’une des deux régions déchirées par le conflit depuis 2016. Mais auparavant, le cardinal Pietro Parolin avait débuté sa visite par une entrevue avec le Président Paul Biya vendredi 29 janvier.

Dans un message sur Twitter, le chef de l’État camerounais a souligné qu’il avait eu une audience avec l’émissaire du Vatican, «porteur d’un message de paix du pape François».

L’offre de paix du Vatican

Au sortir de sa rencontre avec Paul Biya,  Pietro Parolin a évoqué sa préoccupation de voir la paix revenir dans les régions anglophones du pays.

«Nous avons abordé les différents points concernant les conflits, en particulier la situation dans le Nord et le Sud-Ouest du pays […] Le message, c’est un message de paix. Je suis ici pour manifester l’attention et la solidarité du Saint-Père François envers les Camerounais, surtout dans ces moments difficiles», a-t-il indiqué à la presse avant de se rendre le lendemain à Bamenda, capitale régionale du Nord-Ouest séparatiste.

Pendant son séjour à Bamenda, le cardinal Pietro Parolin a eu plusieurs entretiens autour des problèmes internes avec les autorités administratives, religieuses et traditionnelles, mais sans rencontrer les séparatistes dont la plupart des leaders vivent en dehors du Cameroun. Des entrevues à huis clos dans une zone en guerre qui montre, selon des observateurs comme Wanah Immanuel Bumakor, spécialiste de la gestion des conflits, que «l’Église catholique est toujours préoccupée par la crise humanitaire dans les régions anglophones du pays».

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«Le pape François a, à plusieurs reprises, exhorté les parties belligérantes à un cessez-le-feu afin d’engager un dialogue inclusif [...] En outre, cette implication du Vatican montre aussi clairement que les solutions internes à la crise ont échoué et qu’elle nécessite désormais l’intervention d’un tiers de confiance comme l’église», explique le spécialiste des conflits.

Cela fait plusieurs années que le Vatican suit de près et avec inquiétude la crise dans les provinces anglophones camerounaises. Cependant, souligne, Aristide Mono, politologue et enseignant des sciences politiques à l’université de Yaoundé 2, «le Vatican a tenu cette fois-ci à s’investir à un niveau un peu plus élevé en commettant pour la cause un officiel de ce rang qui n’est autre que le patron administratif de l’État».

«Sur un plan protocolaire, cela constitue un pas déterminant aussi bien symbolique que pratique dans l’implication du Vatican dans cette crise. Cependant, il ne s’agit pas d’une solution nouvelle ou d’une solution prête à l’emploi que le Vatican met à la disposition du Cameroun. C’est une offre de paix connue: le dialogue. Mais cette fois-ci elle est défendue à un très haut niveau», soutient le politologue au micro de Sputnik.

En octobre dernier, le pape François avait exprimé sa compassion après le massacre des élèves dans une école à Kumba, dans le Sud-Ouest séparatiste, appelant par ailleurs à faire taire les armes.

L’impact de la visite

Alors que toutes les solutions explorées jusqu’ici pour ramener la paix dans les zones en crise se sont révélées inefficaces, que peut bien faire le Vatican? Pas grand-chose, soutient Wanah Immanuel Bumakor, «cependant cela montre que la communauté internationale fait toujours pression sur Yaoundé qui a la responsabilité de protéger son peuple. Et si le conflit perdure, l’Église catholique continuera d’user de son influence pour ramener la paix».

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Pour Aristide Mono, qui craint que cette offre de paix ne connaisse la même issue que les autres initiatives, «le destin de cette mission du Vatican est exposé à plusieurs embûches, surtout du côté du gouvernement qui a toujours opté pour une démarche autoritaire, monopolistique et solitaire dans la gestion de cette crise».

«Yaoundé veut gérer ce conflit souverainement, très loin des immixtions de tiers. Il souhaite rester maître du contrôle de sa gestion alors que les séparatistes doutent de sa bonne foi et ont toujours rejeté la posture de juge et partie», souligne-t-il.

Cependant, considère Wanah Immanuel Bumakor, «compte tenu de la situation actuelle dans le conflit en cours, la tenue d’un véritable dialogue inclusif sans l’implication d’un tiers ou de la communauté internationale est difficile. D’ailleurs, je pense que seules des sanctions concrètes sur le pouvoir de Paul Biya peuvent faire la différence», estime le spécialiste de la gestion des conflits.

La difficile médiation de l’église

Si le Vatican compte bien peser de tout son poids pour qu’un véritable dialogue puisse s’amorcer entre Yaoundé et les séparatistes, les positions de l’église catholique au Cameroun dans la crise ont parfois fait l’objet de controverses. Quelques jours avant la venue du cardinal Pietro Parolin, les séparatistes ont lancé aux citoyens un appel au boycott de cette visite, peu suivi au demeurant puisque de nombreux fidèles ont accueilli l’émissaire du pape et pris part à son office.

Ils estiment que l’Église est partisane dans la crise anglophone et qu’elle s’est rangée du côté de Yaoundé. D’ailleurs, en novembre 2020, le cardinal Christian Tumi, leader religieux anglophone, avait été enlevé pendant plusieurs heures sur la route de Kumbo à Bamenda avant d’être libéré.

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Paradoxalement, Yaoundé a souvent fustigé les positions de l’Église catholique dans le conflit, l’accusant d’être proche des séparatistes. Dès le début de la crise, le cardinal Christian Tumi avait annoncé sa volonté d’organiser la conférence générale des anglophones. Une initiative des religieux anglophones qui visait à débattre des solutions à apporter pour faire cesser le conflit. La démarche a pourtant été mainte fois reportée pour défaut d’autorisation officielle de l’administration.

Des situations qui démontrent la complexité des rapports entre les religieux et les protagonistes. «C’est également l’une des faiblesses de cette offre de paix ou de dialogue», estime Aristide Mono.

«L’Église catholique au Cameroun reste elle-même traversée par des divisions sur la crise et les solutions. On a vu certains hommes de Dieu partager l’idée de la sécession en même temps qu’on en a vu d’autres diaboliser de façon lapidaire les séparatistes armés», poursuit le politologue.

Cependant, souligne Wanah Immanuel Bumakor, au-delà des prises de position parfois ambiguës des leaders religieux locaux, «la posture officielle de l’Église catholique sur cette question vient du Vatican qui essaie d’être équilibré et le plus neutre possible».

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En attendant les retombées de cette offre de paix, sur le terrain, les violences se poursuivent. Le week-end dernier, des affrontements sanglants ont été enregistrés entre les forces militaires et les séparatistes dans plusieurs localités des régions en crise. L’armée camerounaise affirme avoir libéré quatre otages, dont deux lycéennes, à Bamenda pendant ces opérations.

Jouissant d’une certaine légitimité en Afrique, l’Église catholique s’est très souvent impliquée dans la résolution des litiges politiques. Au plus fort de la dernière crise en République démocratique du Congo (RDC), elle s’est révélée être un acteur déterminant dans l’arbitrage des hostilités. Forte d’une importante communauté chrétienne, elle s’est très souvent positionnée comme un acteur majeur dans la vie sociopolitique du pays.

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