Maroc-Mauritanie: après le dégel, le réchauffement

© AFP 2024 FADEL SENNAUn véhicule des forces armées marocaines au passage d'El-Guerguerat, entre le Maroc et la Mauritanie
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Depuis plusieurs années, le ciel des relations entre Rabat et Nouakchott, après avoir vu passer quelques nuages, ne cesse de s’éclaircir. Et des temps encore meilleurs sont annoncés après les événements d’El-Guerguerat. Signes avant-coureurs: affables gestes diplomatiques, visites officielles d’État et projets d’investissements. Décryptage.

Vendredi 20 novembre dernier, le roi Mohammed VI du Maroc et le Président de la République islamique de Mauritanie, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, se sont entretenus par téléphone. Leur conversation a eu lieu quelques jours après l’intervention, le 13 novembre, des Forces armées royales marocaines au passage frontalier d’El-Guerguerat. Cette opération militaire a mis fin au blocage qui freinait la circulation civile et commerciale entre le royaume chérifien et la Mauritanie.

Lors de cet échange, les deux chefs d’État ont exprimé leur grande satisfaction du développement rapide que connaît la coopération bilatérale et leur volonté de la «hisser à un niveau supérieur».

Signal fort, un de plus, confirmant le réchauffement progressif des relations entre les deux voisins: le roi du Maroc a fait part au Président mauritanien de sa disposition à effectuer une visite officielle en Mauritanie. Si sa venue se concrétisait, elle serait la quatrième du genre du souverain marocain dans le pays.

Nouvelle ère

En même temps, Mohammed VI a invité son homologue à «visiter son deuxième pays, le royaume du Maroc». Difficile d’imaginer un tel rapprochement il y a peu, les rapports entre Rabat et Nouakchott ayant été pour le moins compliqués ces dix dernières années. Des épisodes de forte tension ont émaillé leurs relations, notamment sous l’ère de l’ancien Président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz (2009-2019), surtout durant son premier mandat.

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Systématiquement, le point de discorde était le soutien –tacite ou affiché– de l’ex-chef d’État de Nouakchott aux séparatistes du Front Polisario. Au lendemain du décès du chef du mouvement sahraoui Mohamed Abdelaziz, fin mai 2016, l’ancien Président mauritanien avait même décrété trois jours de deuil national. Du côté marocain, l’ex-secrétaire général du parti nationaliste de l’Istiqlal marocain, Hamid Chabat, avait déclaré en décembre 2016 que «la Mauritanie était une terre marocaine et que les enclaves du Maroc s’étendaient de Sebta [Ceuta, ndlr] au fleuve Sénégal». Un dérapage qui avait envenimé leurs relations et poussé Mohammed VI à joindre directement le Président Mohamed Ould Abdelaziz au téléphone pour réparer l’impair commis par le leader du parti historique.

Cette page est aujourd’hui tournée, le Maroc se montre désormais déterminé à ouvrir un nouveau chapitre avec son voisin du sud en mettant le cap sur l’avenir.

«Liés par des relations historiques et géographiques indéfectibles, les deux pays voisins semblent résolus plus que jamais à aller de l’avant. Preuve en est le geste royal. Les rapports entre le Maroc et la Mauritanie ne peuvent désormais que s’améliorer, vu qu’ils partagent des intérêts vitaux et stratégiques sur les scènes maghrébines et africaines communes. Ce, malgré les difficultés liées au fait que la Mauritanie soit tiraillée entre l’Algérie et le Maroc dans son choix d’alliance», explique Abdelfattah El Fatihi, président du Centre marocain Sahara et Afrique pour les études stratégiques, au micro de Sputnik.

L’expert rappelle que Rabat et Nouakchott célèbrent cette année le 50e anniversaire du Traité de fraternité et de bon voisinage. Ce document a été signé par le défunt roi Hassan II et l’ancien Président mauritanien Mokhtar Ould Daddah en 1970, soit un an après la reconnaissance marocaine de la Mauritanie, qui était auparavant occupée par l’Espagne. Cet accord bilatéral a permis aux deux États d’établir des relations diplomatiques en 1971.

Signaux positifs en rafale

Plus récemment, les deux pays ont multiplié les rencontres officielles, surtout après la nomination, en décembre 2017, par la République islamique de Mauritanie d’un ambassadeur à Rabat. Ce poste était resté vacant pendant cinq longues années. Et pour cause, en 2012, les tensions entre les deux pays étaient à leur apogée. Les autorités mauritaniennes avaient demandé au Maroc d’extrader Moustapha Chafi. Cet ex-conseiller spécial du Président burkinabé déchu Blaise Compaoré avait trouvé refuge dans le royaume alors que la Mauritanie avait lancé un mandat d’arrêt international contre lui. Il était accusé d’«intelligence avec des groupes terroristes». Rabat s’était opposé à son extradition. En réaction, Nouakchott avait rappelé son ambassadeur. Ce dossier a été définitivement clos avec la levée de cette décision judiciaire en 2018.

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L’actuel ministre mauritanien des Affaires étrangères Ismail Ould Cheikh Ahmed a même réservé à son voisin marocain sa première visite à l’étranger en septembre 2018. Au niveau continental, Nouakchott avait soutenu le retour du Maroc au sein de l’Union africaine en janvier 2017 à Addis-Abebas mais avait également appuyé sa candidature à l’organisation du Mondial 2026.

Sur le plan économique, le Maroc est actuellement le premier investisseur africain en Mauritanie où les entreprises du royaume opèrent dans des secteurs stratégiques aussi variés que les télécoms, les banques, la logistique ou encore la transformation des produits de la pêche ainsi que les services. Le rapprochement récent entre les deux pays a même permis la tenue, fin 2018 du premier forum d’affaires Maroc-Mauritanie dans la ville de Nouakchott, à l’initiative de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et de l’Union nationale du patronat mauritanien (UNPM). Douze contrats d’investissement ont été signés dans ce cadre, notamment dans les domaines de la pêche, de l’agroalimentaire et du commerce.

Pour faciliter leur concrétisation, la Mauritanie vient d’assouplir mardi 24 novembre son visa pour les entrepreneurs marocains. Les sociétés membres de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) peuvent désormais obtenir un visa d’affaires multi-entrées mauritanien d’une durée de validité de deux ans.

«Le Maroc tente activement de renforcer et de dynamiser avec Nouakchott cette coopération déjà très importante. Cette volonté se heurte à la réalité du terrain qui est la position politique ambiguë et ambivalente de la Mauritanie sur la question du Sahara. C’est là le principal frein au développement des relations entre les deux pays et la source des légères tensions épisodiques qui affectent les échanges», décrypte le politologue marocain.

Coopération sud-sud en ligne de mire

Selon Abdelfattah El Fatihi, la Mauritanie craint des violences de la part des éléments armés du Polisario. «C’est ce qui contraignait ce pays à maintenir une certaine distance avec le royaume alors que les intérêts sont de taille pour les deux parties», insiste-t-il. Et le spécialiste d’ajouter: «La signature d’un traité de libre-échange entre les deux capitales a été reportée à maintes reprises pour ces mêmes raisons.»

«Géopolitiquement, la Mauritanie reste un partenaire incontournable pour le Maroc puisqu’elle représente une porte d’entrée pour le royaume vers son environnement africain, notamment vers l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et le Sahara. Le voisin du sud-ouest du Maroc peut jouer un rôle important pour la région en matière de renforcement des relations sud-sud et nord-sud», analyse le politologue marocain.

«C’est pour cette raison et tant d’autres que le Maroc souhaite développer et consolider ses relations, notamment économiques, politiques et sécuritaires avec la Mauritanie», conclut-il.

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L’enjeu de la coopération maroco-mauritanienne n’est pas uniquement économique, mais également sécuritaire. Au début de cette année, une commission militaire mixte a été tenue entre les Forces armées royales marocaines et les Forces armées mauritaniennes. À la même période, des représentants de la sûreté mauritanienne se sont eux aussi rendus à Rabat où ils ont été reçus par le patron de la Direction générale de la sûreté nationale. Il en ressort que l’objectif des deux pays est de mieux coordonner pour contrer le danger terroriste grandissant en provenance notamment du Sahel.

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