À peine entamé le 11 novembre, le dialogue politique entre l’opposition et le pouvoir, censé désamorcer les vives tensions qui ont occasionné ces derniers mois la mort de plusieurs dizaines d’Ivoiriens, s’est retrouvé dans l’impasse.
L’ancien Président Henri Konan Bédié, autour duquel sont regroupés les leaders de l’opposition, a clairement fait savoir que la poursuite des discussions ne serait pas envisageable tant que des «préalables non négociables» –comme la libération des opposants emprisonnés ou le retour sécurisé des exilés– ne seraient satisfaits.
Nous avons engagé le combat, à la demande de toutes les forces vives de l'opposition et de la société civile. Nous déplorons les morts, les blessés qui ont subi la répression brutale du régime au pouvoir. #CIV #CIV225
— Henri Konan Bédié (@HKBofficiel) November 20, 2020
De son côté, le gouvernement maintient «qu’aucune condition ne devrait être posée».
Un combat de longue haleine
Depuis août dernier, l’opposition s’est engagée dans un bras de fer avec Alassane Ouattara. En cause, sa volonté de briguer un troisième mandat qu’elle juge inconstitutionnel, la loi fondamentale limitant à deux le nombre de quinquennats présidentiels. De son côté, le chef de l’État ivoirien a estimé que la nouvelle Constitution de 2016 avait remis les compteurs à zéro. Il s’agirait donc, selon lui, de son «premier mandat de la troisième République».
Depuis l’élection, l’opposition, qui avait entre-temps, créé un Conseil national de transition (CNT, une sorte gouvernement parallèle), apparaît éreintée. Certains de ses leaders de premier plan, comme Pascal Affi N’Guessan, porte-parole de l’opposition mais aussi candidat à la présidentielle du 31 octobre, ont été arrêtés pour «attentat et complot contre l’autorité de l’État». D’autres sont traqués, tel l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur Abdallah Toikeusse Mabri, dont la candidature a été rejetée par le Conseil constitutionnel et qui demeure activement recherché. D’autres encore sont soit sous le coup d’un mandat d’arrêt –c’est le cas de l’ancien Premier ministre Guillaume Soro–, soit assignés à résidence par les autorités ivoiriennes –comme l’a été durant plusieurs jours Henri Konan Bédié, également candidat au scrutin présidentiel.
Et désormais, la guerre qu’est appelée à mener l’opposition semble être une bataille contre le temps, qui joue clairement en faveur d’Alassane Ouattara.
«L’opposition ivoirienne est en quête d’un nouveau souffle, dans son attitude comme dans ses arguments. Le phénomène d’usure la guette. Et le maître du temps, c’est celui qui détient le pouvoir», explique à Sputnik Hichem Ben Yaïche, expert en géopolitique et qui dirige trois revues spécialisées dans les thématiques africaines.
À ce titre, Alassane Ouattara a actuellement l’ascendant et le pouvoir d’initiative. Et cela d’autant plus qu’il bénéficie d’un appui extérieur, à commencer la communauté des États d’Afrique de l’Ouest, la Cedeao.
Un dialogue politique dans l’impasse
Pour Hichem Ben Yaïche, l’opposition ivoirienne «ne dispose que de la stratégie de la tension et du harcèlement pour rechercher des points d’appui afin de peser sur le pouvoir». «Par conséquent, elle souffle le chaud et le froid, tente de faire en sorte que le rapport de forces lui soit favorable. En réalité, elle est prisonnière de ce dilemme. Depuis le 31 octobre, c’est ce scénario qu’elle joue: faire pression, lancer des ballons d’essai pour faire mine d’aller vers le pouvoir, tenter de négocier puis faire machine arrière», explique-t-il.
Reste à savoir si, en l’absence d’un mot d’ordre de l’opposition, qui ne semble pas s’y résoudre pour le moment, la rue sera à même de peser dans cette équation. Hichem Ben Yaïche n’exclut pas cette hypothèse.
«Les impatiences et frustrations constituent un combustible redoutable, un élément déclencheur à même d’impulser un élan de protestation ou de soulèvement. Et l’opposition joue sur ces ressentis. Les laissés-pour-compte sont aux aguets pour exprimer, à la moindre occasion favorable, leur sentiment de rejet.»