La contestation de Donald Trump et de son cercle rapproché fait rage aux États-Unis pour dénier la légitimité de la victoire de Joe Biden, annoncée samedi 7 novembre par la quasi-totalité des médias américains.
Dans cette offensive judiciaire, le Président américain peut compter sur une armada d’avocats acquis à sa cause. En tête, l’ancien maire de New York, Rudy Giuliani, chargé de prouver l’illégalité du vote, notamment en Pennsylvanie, État clé dans lequel Joe Biden possède 45.000 voix d’avance sur 98% des votes dépouillés.
Seul espoir pour Donald Trump: un arbitrage de la Cour suprême fédérale de Washington, à majorité conservatrice, susceptible de statuer sur l’illégalité de ces votes par correspondance en Pennsylvanie. Les juges de la Cour suprême s’étaient déjà prononcés sur cette question le 19 octobre dernier: avec quatre voix de chaque côté, le recours des Républicains avait été rejeté.
Feu vert du ministre de la Justice pour enquêter sur les irrégularités du vote
Mais, depuis, la juge conservatrice Amy Coney Barrett, nommée par Donald Trump suite au décès de la juge progressiste Ruth Bader Ginsburg, a été investie par le Sénat, le 26 octobre dernier. Si la Cour suprême est de nouveau saisie sur cette question cruciale, Amy Coney Barrett pourrait potentiellement faire pencher la balance en faveur de Trump. Mais tout cela reste encore très hypothétique.
Par ailleurs, le ministre américain de la Justice, Bill Barr, a donné son feu vert lundi 9 novembre à l’ouverture d’enquêtes sur d’éventuelles irrégularités lors du scrutin présidentiel.
Interrogé par Sputnik, Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l’université de Paris II Assas et spécialiste du droit américain, relativise une «déclaration purement politique» qui, d’après lui, n’aura aucune incidence sur l’ouverture éventuelle d’enquêtes pour fraude électorale.
«C’est un coup d’épée dans l’eau. Le ministre de la Justice essaie en réalité de ménager Donald Trump. Cela n’a strictement aucune importance, car cette décision n’a aucun fondement juridique. Le juge de l’élection aux États-Unis, ce sont les États. Le gouvernement fédéral ne peut pas interférer avec ces derniers.»
Par ailleurs, les accusations de fraude électorale portées par Donald Trump ne sont pas, en l’état actuel des choses, étayées par des faits précis. Si le vote par correspondance est potentiellement falsifiable, rien ne dit aujourd’hui que Joe Biden doive sa victoire à une fraude massive, de l’ordre de plusieurs centaines de milliers de voix. «Si Donald Trump a des preuves, elles sont bien gardées dans un coffre: pour l’instant personne ne les a vues! Les juges ont tous rejeté les recours de Donald Trump en l’absence de preuve solide et convaincante», estime Jean-Éric Branaa.
Côté Trump, on continue la lutte
— jean-eric branaa (@BranaaJean) November 10, 2020
▶️ Le ministre de la justice autorise l'ouverture d'enquêtes sur le déroulé des élections
▶️ un baroud d'honneur 😉
Blocage de la transition présidentielle
Enfin, dernière preuve que Donald Trump joue le tout pour le tout. La directrice des services généraux de l’administration américaine (General Services Administration, GSA), Emily Murphy –nommée par Trump en 2017–, refuse pour le moment de signer la lettre autorisant les équipes du Démocrate à entamer la transition présidentielle.
Concrètement, cela signifie que l’équipe du Président-élu ne peut pas obtenir les financements fédéraux indispensables à la mise en place d’une nouvelle administration gouvernementale avant le 14 décembre et le vote des grands électeurs.
Là encore, Jean-Éric Branaa tempère les conséquences politiques de ce «blocage». Pour le maître de conférences, «cela risque de retarder la transition présidentielle, mais sans l’empêcher» pour autant. En revanche, ces tentatives sont bien le signe du jusqu’au-boutisme de Donald Trump dans sa volonté de contester les résultats de l’élection.
«Jusqu’au 8 décembre, date prévue pour épuiser tous les contentieux, Donald Trump porte un acte politique en affirmant que l’élection n’est pas terminée. Il s’arc-boute là-dessus […], mais la loi de 2017 sur la transition présidentielle finira par s’appliquer», analyse Jean-Éric Branaa.
Ironiquement, cette loi sur les conditions de passage de relai entre le Président sortant et le Président-élu, qui remplace une loi de 1963, a été rédigée par… le président de l’équipe de transition de Joe Biden, Ted Kaufman, ancien sénateur du Delaware.
La présidence sortante #Trump aux #EtatsUnis met donc en place 1 effort résolu et déterminé de contestation de tous les résultats électoraux qui lui sont défavorables et de refus de reconnaissance d'1 présidence élue #Biden. Rien n'est terminé. https://t.co/HrI3WpZElu
— Corentin Sellin (@CorentinSellin) November 10, 2020