Vienne, Conflans, Nice: comment stopper le djihadisme aux «mille entailles»?

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Couteau ensanglanté - Sputnik Afrique
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L’Autriche est à son tour frappé par le terrorisme islamiste. Pour le criminologue Xavier Raufer, l’urgence pour les Européens n’est pas tant de déterminer comment se sont embrigadés les djihadistes que de reconsidérer la politique migratoire, notamment «venant de pays en guerre ou ayant connu des guérillas».

L’Europe est endeuillée par un nouvel attentat islamiste. Dans la soirée du 2 novembre à Vienne, au moins quatre personnes ont été tuées lors d’une série d’attaques opérées par un «sympathisant» du groupe terroriste État islamique*.

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Rapidement, les forces de l’ordre confirment avoir abattu l’un des assaillants et dans la nuit, le ministère de l’Intérieur appellera les Viennois à la plus grande prudence, «au moins» un autre suspect étant en fuite. Un «cafouillage officiel» sur lequel revient pour Sputnik le criminologue Xavier Raufer.

Prudent quant au nombre de terroristes et donc à la nature de l’organisation de cette série d’attaques conduites en six lieux distincts de la capitale autrichienne, le criminologue estime «difficile à envisager» que l’auteur ait pu agir seul. Le terroriste abattu étant d’origine albanaise, le criminologue attire particulièrement l’attention sur la forme «clanique» et «tribale» de cette société musulmane issue des Balkans. Âgé de 20 ans, le djihadiste abattu par la police avait été condamné l’an passé à la prison pour avoir tenté de rejoindre les rangs de Daech* en Syrie.

Individu isolé ou entité organisée?

Passage à l’acte d’un individu isolé ou attaques orchestrées par un groupe djihadiste? Si Xavier Raufer s’attarde sur le nombre d’individus impliqués dans l’attentat, c’est parce que s’il est «très difficile» d’identifier un individu isolé avant son passage à l’acte «dans la mesure où ils ne communiquent pas et surtout pas par voie électronique», plusieurs individus organisés sont quant à eux supposés être détectables par des services de renseignement… aguerris.

«Il semble que les Autrichiens n’aient pas appris à se préparer aussi bien que dans d’autres endroits en Europe au passage à l’acte d’une entité organisée» estime le criminologue au micro de Sputnik.

Il souligne à l’inverse les progrès accomplis par la police et le renseignement français pour «identifier les formes collectives du passage à l’acte» de terroristes depuis les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan en 2015.

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Pourtant, ce n’est plus cette forme relativement sophistiquée de terrorisme qui frappe le plus souvent la France et l’Europe, mais plutôt un djihadisme «low-cost», commis par des individus frappant avec les moyens du bord, couteau, voiture-bélier, etc. Parmi eux, une part non négligeable est issue de l’immigration légale ou illégale. Au rang de ces supposés «loups solitaires» ayant frappé la France, le Tunisien de 21 ans illégalement entré en France qui, quelques heures à peine après son arrivée le 29 octobre, a tué trois personnes au couteau dans la basilique Notre-Dame de l’Assomption à Nice.

Autre exemple: le migrant pakistanais de 25 ans qui avait attaqué fin septembre au hachoir les anciens locaux de Charlie Hebdo à Paris, tuant une personne. Arme blanche et individu isolé également dans le cas des deux jeunes femmes tuées aux abords de la gare Saint-Charles à Marseille début octobre 2017. Là il s’agissait aussi d’un jeune étranger clandestin. Pour répondre à la menace terroriste, Xavier Raufer appelle à maîtriser le contrôle des frontières, au moins là où elles sont contrôlables:

«Je pense que vous avez naturellement plus de façons efficaces de procéder en ayant une activité préventive, c’est-à-dire en interdisant l’entrée sur le territoire à des individus juvéniles venant de pays en guerre ou ayant connu des guérillas ou des guerres civiles et qui donc on de fortes chances d’avoir été aguerries. Si vous mettez ce tamis-là, vous éliminez en France une grande partie de ceux qui sont ultérieurement susceptibles de passer à l’acte terroriste.»

Quelle que soit l’origine de cette série d’attaques ayant endeuillé Vienne, les Européens doivent-ils s’attendre à être durablement confrontés à cette forme «ubérisée» du terrorisme islamiste?

Basculement dans le djihadisme: «fragilités» ou opportunisme?

Au début des années 2000, le groupe Al-Qaïda* échafaudait la théorie des «mille entailles». Dans un pavé de 1.600 pages publié sur Internet, un membre de la célèbre organisation terroriste prônait le djihad de proximité afin de saper la capacité de résilience des sociétés occidentales, voire de provoquer une guerre civile, faute d’être en mesure de les défaire sur le terrain militaire.

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Une doctrine appliquée par des djihadistes étrangers, donc, mais qui correspond aussi aux actions de terroristes s’étant radicalisés en France. Le jeune Tchétchène qui, mi-octobre, a décapité en pleine rue Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine pour avoir montré des caricatures de Mahomet lors d’un cours sur la liberté d’expression en est un exemple. Le débat fait rage en France sur la nature de cet endoctrinement. S’agit-il d’un embrigadement par des organisations terroristes internationales, d’individus ayant grandi au sein d’un terreau favorable à l’islamisme ou du basculement dans une forme de paranoïa d’individus présentant des «fragilités» auxquelles répond le message de Daech*?

Une notion de «fragilités» à distinguer de celles des «déséquilibrés», terme souvent mis en avant par les grands médias et provoquant l’ire d’une partie de la classe politique française, qui y voit une manière de ne pas «nommer l’ennemi». Selon certains psychiatres et psychologues, des troubles mentaux seraient inséparables de l’idéologie de Daech*. Contrairement à ce qui est observable chez des combattants incarcérés de groupes tels qu’Al-Qaïda* ou le Groupe islamique armé (GIA) algérien, leurs pairs fascinés par Daech* deviendraient «délirants» au contact de l’idéologie véhiculée par le groupe terroriste et sa perception du monde.

Dans une note scientifique parue en 2019, deux chercheurs ayant documenté près de 88 attentats en France (avortés ou ayant abouti) depuis 2015 dressent un constat sans appel: les loups solitaires ne tiendraient, au mieux, que de l’exception. Les auteurs de l’étude soulignent les «réseaux affinitaires, religieux ou familiaux» dans lesquels sont «insérés» ces individus radicalisés et qui «interdisent de les qualifier de “loups solitaires”».

Le mythe du «loup solitaire»

«L’idée générale est de frapper des ennemis de l’Islam» balaie Xavier Raufer ou de «venger le Prophète» ajoute-t-il, citant l’un des frères Kouachi lors de son procès. Ce dernier se présentait alors comme un envoyé d’Al-Qaïda*. Le criminologue souligne également les «influences directes» jouées chez Mohammed Merah «par certains membres de sa famille.»

«Le fait d’avoir subi des influences n’implique pas l’existence d’une organisation», insiste le criminologue, aux yeux duquel l’entité terroriste derrière certains attentats islamistes commis «semble peu importer» pour leurs auteurs.

«Dans la plupart des cas, le fait de se revendiquer d’une entité à l’étranger, comme Al-Qaïda* ou l’État islamique* tient plus à l’opportunisme de dernière minute qu’à un engagement sincère», estime ainsi Xavier Raufer, avant d’ajouter «Al-Qaïda* ou l’État islamique*, tout cela est une marque qui symbolise le fait de frapper les ennemis de l’Islam. C’est cela qui pour eux, pour l’essentiel, compte.»

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Le criminologue renvoie ainsi au «premier cas de radicalisation violente», en l’occurrence celui de Sayyid Qutb. «Issu d’une société très puritaine du fin fond de l’Égypte, il arrive aux États-Unis et il tombe sur des magazines Playboy avec des femmes nues. Une fois de retour en Égypte, il a formé la partie la plus radicale des Frères musulmans* qui, elle, était axée sur le terrorisme», résume Xavier Raufer. Il a été pendu en 1966 sous Nasser, pour avoir créé un groupe armé, «mais le mal était fait», relate le criminologue, qui rappelle que l’organisation qu’avait créée Sayyid Qutb assassinerait quelques années plus tard le Président égyptien Anouar el Sadate.

Xavier Raufer met ainsi en garde contre le fait que «la réaction de rejet peut être parfois suffisamment forte pour pousser au terrorisme» et souligne la nécessaire réflexion que les sociétés occidentales, en particulier la France, doivent avoir en matière d’immigration. «Refaire sa vie est une chose, les décapiter en est une autre» tacle-t-il.

«Je remarque qu’à l’heure actuelle beaucoup de demandes d’asile en France sont acceptées s’agissant d’individus provenant d’Afghanistan. Je veux bien que tous les Afghans ne soient pas des islamistes ou des terroristes, mais on court quand même un grand risque d’accepter des jeunes gens originaires de sociétés africaines ou d’Asie centrale ou d’Asie du sud ou du Moyen-Orient qui ont connu la guerre et qui ont été –au sens strict du terme– aguerris. Il ne faut pas accepter des gens dangereux pour la population française aussi facilement qu’on le fait maintenant.»

*Organisation terroriste interdite en Russie

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