«C'est un miracle!», s'exclame joyeusement Sarah Boulard, la présidente de l'association Marlis Casablanca contactée par Sputnik. C’est elle qui a trouvé, début août, Tigrette, bougeant à peine sur un trottoir d’une ruelle peu fréquentée du quartier chic de Val-Fleuri à Casablanca.
La militante pour la cause animale était loin de soupçonner que cette chatte aux yeux verts, désormais célèbre, était recherchée à 2.000 km de là depuis neuf ans. «Les animaux égarés sont généralement retrouvés au bout de quelques semaines, voire quelques mois, mais rarement après autant d’années», s’étonne-t-elle, ébahie.
«Tigrette est une rescapée, une vraie... Quand je l’ai approchée pour la première fois, son petit corps frêle était presque immobile. Elle traînait une blessure profonde à la patte arrière. Visiblement, elle devait avoir été percutée violemment par un véhicule. Son état déplorable m’a brisé le cœur», se souvient Sarah Boulard.
Pour soigner Tigrette, la présidente de Marlis l’a tout de suite amenée à la clinique vétérinaire Val Fleuri.
En attendant le rétablissement de l’animal, Sarah Boulard s’est lancée à la recherche laborieuse de son propriétaire. «Au début, je posais des questions en montrant des photos de la pauvre chatte seulement aux habitants du quartier où je l’ai trouvée mais personne ne la reconnaissait. Je commençais à perdre espoir quand Kenza Chakri, la vétérinaire qui s’occupait de Tigrette, m’a appelée un jour pour me signaler un numéro de tatouage sur l’oreille gauche de l’animal», raconte la jeune femme.
La militante concentre alors son attention sur cet indice. «Comme au Maroc, le tatouage des animaux de compagnie n’existe pas et qu’il n’y a aucun fichier d’identification, j’en ai déduit que Tigrette venait d’un pays étranger. J’ai donc commencé par chercher dans des dossiers publiés en France. C’est là que j’ai trouvé son joli nom et sa date de naissance: mai 2005», poursuit-elle. Un coup de chance certes, mais qui ne résout pas pour autant l’énigme.
«Après de longues heures de recherche sur les réseaux sociaux, je suis finalement tombée sur le profil de la propriétaire et je l’ai tout de suite alertée. Ce fut un très gros choc émotionnel pour Tania –c’est son prénom. Quand je l’ai eue au téléphone, elle était en pleurs tellement elle n’en revenait pas. Entre deux sanglots, elle m’a confié qu’elle n’y croyait même plus après toutes ces années de séparation. Elle pensait qu’elle ne reverrait plus jamais sa Tigrette. La dame était si peinée par la perte de son irremplaçable félin qu’elle s’était résolue à ne plus adopter un autre animal de compagnie», raconte Sarah Boulard à Sputnik, émue.
Toujours sous le choc, Tania n’a pas pu répondre aux questions de Sputnik. À Sarah Boulard, cette Gardoise a affirmé qu’elle était venue en 2011 à Casablanca pour le travail en compagnie de Tigrette, alors âgée de six ans. Le petit animal avait vite pris ses aises. Il avait l’habitude de sortir se prélasser sur le gazon du jardin de la maison où résidait sa propriétaire. Mais un jour, la chatte avait tardé à rentrer. Tania ne l’a plus jamais revue, même après avoir remué ciel et terre pour tenter de la retrouver. Ravalant sa peine, elle est revenue en France, quelques mois après son arrivée, sans sa Tigrette.
«Vendredi 21 août, j’ai organisé une rencontre virtuelle entre Tania et Tigrette. Là encore, beaucoup de larmes ont été versées des deux côtés et l’émotion était très forte. En revoyant son animal chéri par vidéo, la propriétaire, bouleversée, nous a confié que Tigrette n’avait pas changé malgré son handicap et malgré les longues années d’absence. Elle avait hâte de la prendre dans ses bras», relate la fondatrice de Marlis.
Tania devra faire preuve de patience, au moins quatre mois encore, avant de pouvoir caresser sa Tigrette, estime Sarah Boulard: «Nous espérons de vraies retrouvailles pour Noël. D’ailleurs, nous avons déjà entamé les démarches pour son retour en France. Il y a un protocole de lutte contre la rage à respecter qui implique une série de vaccinations avec trois semaines d’intervalle, une prise de sang et trois mois de quarantaine… Après cela, on attendra l’ouverture des frontières.»
Pour la présidente de Marlis, la leçon à tirer de cette incroyable histoire est simple: «Il faut faire tatouer ou pucer ses animaux de compagnie si on veut être sûr de les retrouver en cas de perte.» Sauf qu’au Maroc, ces deux procédures sont inexistantes puisqu’il n’y a pas de registre national des déclarations d’animaux de compagnie perdus. Résultat: les animaux des rues se multiplient à vue d’œil et les associations sont débordées.
Une réalité qui ne date pas d’aujourd’hui. D’ailleurs, Marlis a été créée en hommage à Mareis Walkenhorst, plus connue au Maroc sous le surnom de «la dame aux chiens». Un personnage qui a marqué des générations à Casablanca, avant son tragique décès en avril 2016. Durant 30 ans, cette dame parcourait les rues pour secourir les nombreux chats et chiens errants de la ville blanche. Elle les nourrissait de ses propres mains. Aujourd’hui encore, comme beaucoup d’autres associations qui viennent en aide à ces animaux au Maroc, Marlis déplore l’absence de tout soutien de la part de l’État.