Le gouvernement algérien a décidé, samedi 15 août, de rouvrir les plages et les hôtels. Ils avaient été fermés au public pour éviter la propagation du Covid-19, au même titre que les parcs, les mosquées et les restaurants. Mais le retour des estivants ne signifie pas pour autant une reprise des activités de tous les professionnels du tourisme. Cette réouverture est intervenue trop tard et seuls quelques hôtels situés sur la côte pourront en bénéficier. Cependant, ces établissements sont trop peu nombreux pour que le secteur profite de la très forte demande du marché, notamment celle des millions d’Algériens qui ont pour habitude de passer leurs vacances à l’étranger mais qui n’ont pas pu quitter le pays à cause du maintien de la fermeture des frontières.
«Notre agence avait fermé à la mi-mars. Le gouvernement nous a autorisés à reprendre dès le mois de juin mais notre activité est tributaire de l’ouverture des frontières et de la reprise des liaisons aériennes. En Algérie, la grande majorité des agences de voyages propose des séjours à l’étranger. Il est impossible de faire du tourisme local car la qualité des prestations est médiocre, les prix sont très chers et l’offre trop restreinte», indique Nezha.
Pertes sèches
Pour les agences de voyages les plus actives, le coronavirus a entraîné des ponctions sur leur trésorerie en plus du manque à gagner. C’est le cas de la société pour laquelle travaille Nezha Senoussi qui a dû rembourser un client empêtré dans un litige avec un hôtel du sud de la France. «L’établissement était disposé à le rembourser durant la période de confinement. Mais la direction est revenue sur sa décision dès la levée de la restriction sanitaire par le gouvernement français. Elle a donc proposé un report du séjour. Le client a refusé de changer les dates, de plus, il ne peut pas voyager puisque les frontières algériennes sont fermées.» Finalement, l’agence a dû verser la somme de 800.000 dinars (5.200 euros).
D’autres professionnels du tourisme n’ont même pas eu l’occasion d’ouvrir les portes de leur établissement. Les propriétaires d’aquaparcs et de piscines pourront tirer un trait sur la saison estivale 2020. À la tête des Jardins des Zibans, un important complexe touristique et de loisirs à Biskra (450 au sud d’Alger), Ali Serraoui avoue ne pas comprendre pourquoi les autorités n’ont pas autorisé l’ouverture des espaces de loisirs aquatiques.
«Comment expliquer que les plages, où il y a peu de moyens de surveillance, soient ouvertes et qu’une structure de plein air comme la nôtre, qui s’étend sur 11 hectares et 13.000 mètres carrés de bassin, entièrement traité au chlore, reste fermée? Nous avons formé l’ensemble de notre personnel au protocole de sécurité antiCovid-19 et nous disposons même d’un staff médical complet et de deux ambulances médicalisées. Je suis donc étonné par cette décision d’exclusion du gouvernement», regrette Ali Serraoui.
Exclusion
Le patron des Jardins des Zibans considère que le gouvernement n’a pas pris en compte le principe d’égalité entre les citoyens en ne permettant qu’aux seuls habitants des régions côtières d’avoir accès aux plages. «Les habitants des villes des hauts-plateaux et du sud du pays ne peuvent accéder aux quelques aquaparcs et aux piscines qui existent dans ces régions. Ils se retrouvent dans l’impossibilité de se rafraîchir et de s’amuser par des températures qui dépassent les 45 degrés», déplore-t-il.
Pour ce qui est de l’aide financière de l’État de 30.000 dinars (200 euros) accordée aux salariés, le régime de l’inégalité est là aussi de mise. Les travailleurs de l’aquaparc de Biskra n’y ont pas droit car, selon des fonctionnaires, cette infrastructure ne relève pas du secteur du tourisme. «C’est une aberration puisque tous nos projets sont placés sous la tutelle du ministère du Tourisme», fulmine Ali Serraoui. Idem pour Nezha Senoussi, la responsable de l’agence de voyages d’Alger, qui n’a pu en bénéficier car elle n’est accordée «qu’aux personnes mariées ou ayant un enfant ou un parent à charge». Les célibataires, femmes et hommes, sont donc exclus de ce mécanisme…
«Le tourisme algérien n’est pas encore mature, il lui manque quelques ingrédients. Le gouvernement doit profiter de la situation actuelle pour définir clairement quel type de tourisme nous souhaitons développer en Algérie. Les études disent que le tourisme mondial repartira à la hausse dès 2022-2023, nous devons donc être prêts pour cette reprise. Dans quelques années, l’Algérie pourrait devenir une destination touristique de premier plan», assure-t-il.
Brahim Aflah Hadj-Nacer appelle les autorités à prendre des mesures courageuses, notamment la création d’une police touristique, pour protéger le patrimoine de l’Algérie. «Notre pays dispose du second patrimoine historique romain du monde après l’Italie. Des régions comme Constantine, Batna et Sétif peuvent vivre du tourisme. Saint Augustin est algérien, des millions de personnes à travers le monde voudraient voir sa terre natale à condition que les conditions d’accueil soient correctes.» Cette crise du Covid-19 pourrait donc provoquer une impulsion pour la relance du secteur. À condition que les entreprises, actuellement en grande difficulté, ne fassent pas faillite.