Les corps des six Français, membres de l’ONG Acted, ont été rapatriés en France ce vendredi 14 août. Le groupe de jeunes humanitaires ainsi que leur chauffeur et leur guide nigériens ont été assassinés, dimanche 9 août, par des hommes armés dans le parc naturel de Kouré, distant de 60 kilomètres de la capitale Niamey. Le Premier ministre français Jean Castex a présidé, ce vendredi, une cérémonie en leur hommage.
Guerre d’influence
L’attaque perpétrée par des hommes armés à bord de motos n’a toujours pas été revendiquée et aucun élément des investigations menées par les enquêteurs nigériens et français n’a encore été rendu public. Pourtant, le mode opératoire et les enjeux locaux et régionaux plaident pour un acte à mettre sur le compte de l’État islamique dans le grand Sahara (EIGS)*.
«Depuis plusieurs mois, le JNIM* et l’EIGS* se livrent une guerre sanglante pour prendre le contrôle de la région du nord-Sahel et mettre la main sur les différents trafics. Nous devons encore parler au conditionnel mais en raison de sa violence, je suis persuadé que l’attaque de Kouré serait le fait de l’EIGS*», indique Djalil Lounas.
Auteur de Djihad en Afrique du nord-Sahel: d'AQMI à Daesh, paru aux éditions L'Harmattan, ce spécialiste des groupes terroristes précise qu’AQMI* et le JNIM* n’ont aucun intérêt à assassiner des ressortissants occidentaux et qu’il est plus «rentable» pour ces deux organisations d’en faire des otages pour en tirer des profits politique et financier.
«L’État islamique dans le Grand Sahara semble autosuffisant financièrement et n’a donc pas besoin de faire des otages. Il veut démontrer qu’il est capable d’attaquer frontalement la France. Par cette offensive aussi violente, il pourrait également attirer dans ses rangs les éléments les plus radicaux du JNIM* et obtenir les soutiens locaux qui s’inscrivent dans sa logique de guerre contre l’Occident», relève l’enseignant.
Venger Droukdel
L’EIGS* pourrait également saisir l’occasion de cette violente attaque pour la faire passer comme un acte de vengeance d’Abdelmalek Droukdel, le chef d’AQMI* qui a été éliminé par l’armée française le 3 juin dernier près de Tessalit, dans le nord du Mali.
«Si c’est bien L’État islamique* qui a commis cette attaque, il pourrait la présenter comme une revanche contre l’armée française. D’autant plus que ni AQMI*, dont il était le chef, ni le JNIM* n’ont réagi militairement à sa liquidation. Il n’y a eu aucunes représailles militaires de la part de ces organisations. Le message de l’EIGS* serait le suivant: ’’Nous avons vengé la mort de votre chef puisque vous êtes incapables de le faire’’. Là encore, cela pourrait avoir un effet sur les éléments les plus radicaux du JNIM*».
Djalil Lounnas estime que l’armée française pourrait reporter son attention du JNIM* vers l’EIGS* «qui est très dangereux, extrêmement violent et refuse tout accord ou négociation». En octobre 2017, soit huit mois après sa création, cette organisation terroriste avait dévoilé ouvertement la violence de sa stratégie lors de l’embuscade de Tongo Tongo qui avait coûté la vie à 30 militaires nigériens du Bataillon sécurité et renseignement (BSR) et 11 militaires américains de l'Operational Detachment-Alpha, une unité des Special forces.
*Organisation terroriste interdite en Russie.