Coronavirus: les deux rassemblements religieux qui font paniquer le Sénégal

© AFP 2024 SEYLLOUDes pèlerins rassemblés devant la Grande mosquée de Touba (Sénégal) à l'occasion du Magal en 2018.
Des pèlerins rassemblés devant la Grande mosquée de Touba (Sénégal) à l'occasion du Magal en 2018. - Sputnik Afrique
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Alors que les chiffres du coronavirus atteignent un pic, les Sénégalais s’apprêtent à célébrer deux événements religieux qui vont drainer des centaines de milliers de personnes à travers le pays. Face au risque d’une propagation exponentielle du virus, l’alternative symbolique du pèlerinage restreint de La Mecque cette année est brandie en exemple.

Avec 597 nouveaux cas de personnes infectées par le coronavirus –dont le chiffre record de 320 cas dits communautaires (locaux) recensés entre le 7 et le 10 août–, le Sénégal semble vivre son pic de la crise sanitaire depuis l’annonce du premier malade en mars dernier. 236 morts enregistrés et une moyenne de trois à cinq décès par jour: la panique commence à toucher le sommet de l’État. Et le pire est peut-être à venir.

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Entre début octobre et novembre prochains, deux gigantesques rassemblements religieux sont prévus à Touba et Tivaouane, capitales des deux plus grandes confréries musulmanes du pays, le mouridisme et le tijadisme. Le risque d’une explosion sanitaire est dans tous les esprits.

«Pour une fois, il est nécessaire que le Président Macky Sall prenne son courage à deux mains et contribue à ce que le Magal et le Gamou 2020 soient annulés. Au vu des chiffres de la maladie dans ce pays, il n’est pas question que les politiciens et les marabouts laissent les Sénégalais aller à l’abattoir», fulmine Moustapha Diakhaté, acteur politique indépendant, ex-chef de cabinet du chef de l’État interrogé par Sputnik.

En médaillon, le ministre de l’Intérieur en charge du Culte au Sénégal, Aly Ngouille Ndiaye.

Des mouvements massifs de personnes durant plusieurs jours

À Touba, ville située à 190 km de Dakar, le Magal commémore chaque année le départ en exil au Gabon du fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba, en 1895 sur décision de l’autorité coloniale française. Le Gamou, lui, célèbre l’anniversaire de la naissance du prophète de l’islam avec Tivaouane comme pôle d’attraction, à 120 km de la capitale, mais l’événement est décentralisé dans plusieurs foyers religieux sur toute l’étendue du pays. Ces rassemblements polarisent des mouvements massifs de plusieurs centaines de milliers de personnes à partir de tous les coins du territoire et depuis l’étranger.

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Les appréhensions liées à la tenue de ces deux événements ont été relayées ce week-end par le professeur Mary Teuw Niane, président du conseil d’administration de la société d’État Petrosen Holding.

«Il faut commencer à aborder ces questions avec les khalifes (les chefs religieux de ces deux confréries) qui sont des citoyens qui comprennent très bien les enjeux. Si on leur parle en leur donnant l’exemple du pèlerinage symbolique [restreint, ndlr] organisé cette année à La Mecque, cela devrait nous aider à organiser les activités religieuses à venir de manière symbolique de sorte à éviter le rush humain qui, dans tous les cas, conduira à une expansion de la maladie», a expliqué cet ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dans l’émission Grand Jury de la radio RFM.

Sur la même longueur d’onde, Moustapha Diakhaté, lui-même d’obédience mouride, estime qu’une célébration a minima pour contourner la perspective d’une catastrophe sanitaire serait «un retour aux sources» bien opportun vu qu’à l’origine, les fidèles commémoraient le Magal chez eux, en communauté restreinte ou de façon individuelle.

«Aujourd’hui, la sagesse exige des autorités sénégalaises le devoir de faire face à leurs responsabilités historiques pour assurer la sécurité des citoyens. Elles savent ce que la Tabaski [l’Aïd el-Kebir, la fête musulmane du sacrifice, célébrée fin juillet dernier] a engendré comme dégâts. Avec le Gamou et le Magal, ce pourrait être pire. Mais si le Hadj (pèlerinage à La Mecque), pilier de l’islam, a été réduit cette année, se pourrait-il que d’autres événements [de moindre importance, ndlr] le soient à leur tour?»

Les deux khalifes généraux de Touba et de Tivaouane n’ont pas encore officiellement réagi à une proposition qui, à l’échelle du Sénégal, serait le pendant de la quasi-annulation du pèlerinage à La Mecque cette année pour les musulmans du monde entier. Mais selon un responsable du comité d’organisation du Magal de Touba cité par le quotidien Source A, «le khalife (de la confrérie mouride) n’a d’ordre à recevoir de personne. Il est assez responsable pour prendre la décision qu’il jugera la meilleure».

L’exemple du pèlerinage à La Mecque 2020

En conseil présidentiel spécial le 6 août dernier, le Président Macky Sall n’a pas caché son exaspération face à la recrudescence des cas de coronavirus en menaçant d’instaurer «des états d’urgence localisés comme à Dakar si la situation empire».

«J’incite le gouvernement à déployer un dispositif spécial sur la région de Dakar pour endiguer la pandémie avec des mesures fortes […]. Ce n’est pas le moment de faire des rassemblements festifs. »

Interdiction des cérémonies familiales, de levée du corps, de rassemblement sur les plages, les terrains de sport, les salles de spectacle, port obligatoire du masque dans les services publics et privés, dans les transports… Les mesures annoncées par le ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye le 7 août ont renvoyé à l’opinion un goût de déjà-vu. La plupart de ces dispositions avaient en effet été levées par le Président de la République avec la fin de l’état d’urgence au début du mois de mai dernier.

Manifestation publique dans un stade de Thiès à 70 km de Dakar au lendemain de l’annonce des mesures contre la propagation du Covid-19.

Le Magal et le Gamou, au-delà de leurs aspects spirituels, ont également d’importantes conséquences économiques et financières. Selon une étude réalisée par l’Université publique Alioune Diop de Bambey (UADB) en 2017, «l’impact global du Grand Magal de Touba s’élève à plus de 249,882 milliards de francs CFA (plus de 450 millions de dollars) répartis sous forme de dépenses dans l’économie nationale», rapporte Modou Ndour Faye, ingénieur statisticien économiste à l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD).

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