Au Sénégal, des funérailles transsahariennes pour un marabout transfrontalier

© AFP 2024 MOUSSA SOWCheikh Ahmed Tidiane Ibrahima Niass avec à sa gauche le Président sénégalais Macky Sall
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Figure islamique transversale, le chef religieux (khalife) d’une confrérie très présente au centre du Sénégal a eu des obsèques internationales ce 6 août en présence de plusieurs délégations venues des quatre coins de l’Afrique. Un événement transnational auquel quatre chefs d’État du continent se sont associés.

À 190 km au sud-est de Dakar, le quartier religieux de Médina Baye a célébré, ce 6 août, les funérailles de son quatrième khalife disparu le 2 août «des suites d’une courte maladie».

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Dans cette «principauté musulmane» nichée dans Kaolack, la plus grande région productrice d’arachides, des milliers de personnes ont bravé chaleur et coronavirus pour rendre un ultime hommage à Cheikh Ahmed Tidiane Ibrahima Niass, intronisé khalife en 2010 et décédé à 88 ans.

Au Sénégal, le khalife est le continuateur de l’œuvre du fondateur de la confrérie dont il est un descendant. Sauf exception, la fonction est dévolue à l’aîné de la famille et ne prend fin qu’en cas de décès ou d’impotence manifeste.

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Sur son compte Twitter, le Président sénégalais Macky Sall s’est ému de la disparition du khalife avec qui il avait établi des liens bien avant son arrivée au pouvoir. Pays à large majorité musulmane, le Sénégal dénombre plusieurs grandes confréries, dont deux dominantes: celle des Mourides, fondée par le Sénégalais Cheikh Ahmadou Bamba (mort en 1927), et celle des Tidianes, œuvre de l’Algérien Cheikh Ahmed Tidiane Cherif (mort en 1915).

Marquées par le soufisme et partisanes de consensus permanents avec l’État et le pouvoir en place quel qu’il soit, les confréries sénégalaises sont considérées comme des remparts «contre les idées extrémistes et violentes», celles-là mêmes qui font des ravages dans la bande saharo-sahélienne et ailleurs.

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Aux côtés des disciples sénégalais, la présence massive des Africains est l’une des curiosités de ces funérailles. Ils sont venus du Cameroun, du Tchad, du Niger, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, de la Gambie, de la Mauritanie, mais aussi du Ghana et surtout du Nigeria.Ce dernier pays, notamment dans sa partie nord, est un véritable bastion pour la confrérie Niassène laissée en «héritage» à sa descendance par le fondateur El Hadj Ibrahima Niass dit Baye Niass, père du marabout disparu.

Par tradition, les ressortissants nigérians sont omniprésents à Médina Baye et pas seulement en période de deuil.

L’onde de choc suscitée par la disparition du khalife de Médina Baye a traversé le Sahara et interpellé l’Algérie. Sur le site du quotidien gouvernemental El Moujahid, le Président Abdelmajid Tebboune «a mis en avant les contributions du défunt dans la diffusion de l’islam et des valeurs de tolérance et de modération, priant Allah, Tout-Puissant, d’accorder au défunt Sa Sainte Miséricorde et de prêter réconfort et patience à sa famille et ses proches (…) et à l’ensemble de ses disciples au Sénégal et dans le monde entier».

​L’Algérie semble attacher une grande importance à cet événement.

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Le porte-parole de Médina Baye, cité par l’Agence de presse sénégalaise (APS), a annoncé la présence à Kaolack du khalife de la confrérie Tidjane d’Aïn-Madhi en Algérie, la localité d’où est originaire le fondateur de la Tidiania. C’est à cette confrérie Tidiane qu’appartient la sous-confrérie des Niassènes créée par Cheikh Ibrahima Niasse, le père du défunt khalife inhumé hier à Médina Baye.

Selon l’APS, la plupart des disciples et personnalités qui ont rallié la cité religieuse l’auront fait grâce à l’avion affrété par le Président Tebboune.

Des Sénégalais d’Algérie s’apprêtant à rallier Medina Baye par Air Algérie.

De nombreux autres pays, au plus haut niveau, ont sans doute adressé leurs condoléances au Sénégal et à la famille du défunt. Le roi Mohammed VI a fait parvenir les siennes par l’entremise de l’ambassade du Maroc à Dakar.

«Érudit et bâtisseur»

Figure religieuse modérée et d’envergure internationale, Cheikh Ahmed Tidiane Ibrahima Niass a acquis un charisme certain en travaillant avec son père, fondateur de la confrérie Niassène. Selon diverses sources, il en était le bras droit, l’ambassadeur itinérant qui enchaînait les missions à travers le monde.

Le défunt khalife avait acquis une solide réputation dans la cité religieuse et au-delà. «Bienfaiteur discret» au service des populations pauvres dont il assurait la dépense quotidienne, il était également vu comme un bâtisseur. Avec l’aide de l’État, il a réalisé «La maison des hôtes», un complexe moderne pouvant loger plus de 200 personnes, muni d’une salle de conférences de 700 places, de suites présidentielles…

Pour la sécurité de l’événement, les autorités sénégalaises ont déployé de grands moyens dans et autour de la cité de Médina Baye. Les 650 policiers mobilisés et un nombre indéterminé de gendarmes n’ont pas été de trop pour canaliser la foule gigantesque qui avait envahi Kaolack et les abords immédiats de la grande mosquée.

​Mais dans cette région qui compte une centaine de cas de coronavirus avec un plateau médical assez modeste, le rassemblement de plusieurs milliers de personnes fait craindre une multiplication des contaminations. D’où les mesures prises par le ministère de la Santé: distribution de masques, mise en place de postes médicaux, etc.

Le fils et successeur du défunt khalife de Médina Baye est connu, il s’appelle Cheikh Mahy Ibrahima Niass. D’emblée, il a lancé un défi aux jeunes de la confrérie: «Si vous n’êtes pas disciplinés, je démissionne…».

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