Islamisme et clientélisme dans les quartiers: «c’est absolument une catastrophe, on ne gère plus rien!»

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Jean Castex et Gérald Darmanin vont-ils stopper la propagation de l’islam radical dans les quartiers? Si elle est annoncée comme une «préoccupation majeure» du gouvernement, cette offensive ne convainc pas Fatiha Boudjahlat. Radicale, la lauréate du prix 2019 de la laïcité plaide pour une mise sous tutelle des communes «gangrenées». Entretien choc.

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«La République, c’est la laïcité comme valeur cardinale, comme fer de lance de la cohésion de la société», déclarait Jean Castex le 15 juillet dernier lors de son discours de politique générale. Le Premier ministre assurait que son gouvernement «la défendra avec intransigeance» et que l’une de ses préoccupations majeures sera de «lutter contre l’islamisme radical sous toutes ses formes».

Bien qu’il soit suffisamment rare pour un responsable de l’exécutif d’oser «nommer les choses telles qu’elles sont», l’intervention du nouveau locataire de Matignon est loin d’avoir convaincue Fatiha Boudjahlat, cofondatrice du mouvement Viv(r)e la République et lauréate 2019 du prix de la laïcité décerné par la Mairie de Paris. Et ce pour plusieurs raisons.

La première, c’est qu’un discours de politique générale doit générer le consensus. Ce qui n’est pas chose aisée dans une majorité «extrêmement disparate» à ses yeux. Si elle salue la présence de députés «solides sur la laïcité», tels qu’Alexandre Freschi (Lot-et-Garonne), elle rappelle que d’autres «sont dans un modèle purement multiculturel», comme Aurélien Taché (Val-d’Oise), qui «heureusement sont partis» du parti présidentiel.

Gérald Darmanin, un carriériste «ni solide ni intègre» face au communautarisme

Seconde raison et non des moindres, le profil de la personne en charge de la mise en musique de cette politique de lutte contre l’islamisme politique et radical: Gérald Darmanin, fraîchement nommé à la tête de la place Beauvau. «Extrêmement préoccupée», Fatiha Boudjahlat ne cache pas qu’elle aurait préféré y voir Jean-Michel Blanquer, qu’elle estime plus «solide intellectuellement sur ce sujet-là», mais aussi plus «intègre et ambitieux pour la France». Le tout nouveau ministre de l’Intérieur, ancien élu des Républicains (LR), est quant à lui parvenu à l’emporter dans une commune «fondamentalement à gauche». Un cursus qui en dit long, selon elle:

«Darmanin à Tourcoing, cela a été un pur communautariste qui a soutenu toutes les associations cultuelles islamistes, qui a soutenu l’enseignement religieux islamiste hors ou sous contrat. Donc je ne fais absolument pas confiance à Darmanin qui à la fois parle d’assimilation et en même temps souhaiterait comme modèle étendre le système concordataire à toute la France […] Je pense qu’il n’est ni solide ni intègre, et qu’il n’est ambitieux que pour sa propre carrière.»

«Mon deuxième prénom est Moussa», déclarait devant l’Assemblée nationale Gérald Darmanin. Prénom hérité de son grand-père maternel, tirailleur harki, auquel il dédiait en 2016 un rapport comportant une vingtaine de propositions pour «assimiler» l’islam à la France. Réalisé à destination des candidats aux primaires de la droite et du centre, il rejoindra peu après Emmanuel Macron. Un Président lui-même «authentiquement multiculturaliste», juge Fatiha Boudjahlat.

Mais si le multiculturalisme séduit, il aurait une réalité bien sombre au niveau local, selon elle:

«Au niveau local, que ce soient des élus communistes –comme dans la couronne francilienne rouge– ou des élus de droite –comme Bruno Beschizza à Aulnay-sous-Bois, ils ont fait du communautarisme, du clientélisme ethnique et religieux, une façon de gérer la paix sociale.»

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Réélu au premier tour avec près de 60% des voix, à la tête d’une ville de 85.000 habitants et de… 2.000 agents municipaux, la gestion d’Aulnay-sous-Bois par Bruno Beschizza serait «entachée de nombreuses irrégularités» en matière de ressources humaines, selon la Chambre régionale des comptes d’Île-de-France. Au-delà d’une coquette dette de 129 millions d’euros, les Sages se penchent notamment sur le fonctionnement de certaines associations culturelles de la commune. L’une d’elles fonctionnerait grâce à la mise à disposition de plusieurs dizaines d’agents municipaux.

Un système clientéliste qui se serait donc étendu aux quatre coins de l’Hexagone: «Il n’y a plus du tout d’associations d’éducation populaire. Cela n’existe plus! Que ce soit le sport, l’aide aux devoirs, c’est communautariste!», s’indigne Fatiha Boudjahlat qui tacle au passage Gabriel Attal, élu socialiste qui déclarait à l’automne 2019, devant la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée, que les associations étaient une «chance» pour les pouvoirs publics, notamment grâce aux économies qu’elles permettraient à ces derniers de faire.

«À Bagnolet, c’est une catastrophe ! À Saint-Denis, c’est une catastrophe! Donc si on avait enfin quelqu’un de courageux, c’est très simple, il mettrait ces villes sous tutelle préfectorale parce qu’elles sont gangrenées! Les élus, les municipalités sont gangrenés.»

Une tutelle d’une décennie «afin d’assainir la situation», de «neutraliser tous les projets», poursuit Fatiha Boudjahlat. Si, jugé trop péjoratif, l’intitulé de «tutelle administrative» a été supprimé et certaines prérogatives limitées dans le cadre de la loi de décentralisation sous l’ère Mitterrand (2 mars 1982), les principaux mécanismes permettant à l’État de reprendre la main sur une mairie afin de faire prévaloir l’intérêt public supérieur, eux, perdurent.

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«Il y a des maires qui ne sont plus dignes d’être des maires!», enfonce-t-elle. Fatiha Boudjahlat rappelle notamment le cas de cette dizaine de kilos de cocaïne découverts en 2013 dans un local municipal à Bagnolet. Des armes, dont une kalachnikov, un gilet pare-balle ainsi que d’importantes sommes d’argent et des bijoux avaient été saisis lors de l’arrestation des deux agents du garage municipal de cette commune de Seine-Saint-Denis.

«Voilà où on en est dans la couronne francilienne, c’est absolument une catastrophe, on ne gère plus rien! Il y a un ensauvagement, il y a une montée en puissance inédite de la violence», s’indigne Fatiha Boudjahlat.

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«On détruit complètement ce pays» assène notre intervenante, qui se dit «extrêmement pessimiste» face à des institutions «gangrenées de partout», égratignant tant Assa Traoré et sa récente tournée des lycées franciliens que le Défenseur des droits Jacques Toubon pour son revirement idéologique.

Ce «droitard absolu» qui, rappelle-t-elle, a voté contre l’abolition de la peine de mort et contre le mariage homosexuel. «Il a été formé par le Collectif contre l'islamophobie en France, ce qui l’a fait basculer complètement dans l’indigénisme américain en parlant de racisme systémique», s’indigne-t-elle.

«Les gens sont livrés à des barbares, aux gangs. [Les gens, ndlr] ne sont pas bêtes, ils vont comprendre que ce n’est pas le maire qui peut les aider, mais l’imam du coin. On est en train de déliter ce pays. Je suis née dans ce pays, j’ai grandi dans ce pays, j’aime ce pays, je lui dois beaucoup mais je ne le reconnais plus.»

Pour autant, malgré les échecs répétés durant 40 ans des politiques de la Ville, le gouvernement semble décidé à en remettre une couche. En effet, lors de son allocution, Jean Castex a annoncé le début, «d’ici la fin 2020», de la rénovation de pas moins de 300 quartiers.

«Je demande à ce que la Cour des comptes s’y penche et nous dise combien de milliards on a dépensés pour ces gens qui ont accès à tous les services publics, à tous les services culturels, à toutes les aides, par rapport aux régions sinistrées en zone semi-rurale.»

Des sommes investies qui partent, quelquefois, littéralement en fumée. Ainsi Fatiha Boudjahlat rappelle-t-elle le cas de l’incendie criminel de l’école du cirque à Chanteloup-les-Vignes, «un équipement merveilleux, d’ouverture culturelle, qui profitait aux gamins», s’indigne la lauréate du prix de la laïcité. Celle-ci se dit écœurée par les propos du Premier ministre d’alors, Édouard Philippe, qui s’était contenté de qualifier les auteurs de cet acte criminel de «petite bande d’imbéciles et d’irresponsables», et insiste sur l’horizon hors du quartier et du contrôle des caïds qu’ouvrait ce cirque aux enfants.

Un fait malheureusement pas si divers, qui la pousse à plaider pour éviter le pire: «un modèle anglais absolument terrible», dans lequel il ne sera «même plus la peine d’apprendre à parler français» car, après tout, «ce sera une balkanisation de la France».

«Il va falloir être volontariste et pour cela, il faut un pilotage démographique. Si vous voulez mettre fin à la ghettoïsation ethnique et sociale des quartiers, il y a des immeubles qu’il faut détruire et il y a des familles qu’il faut déplacer!»

De l’audace et encore de l’audace, faudrait-il donc.

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