«Un peuple abandonné à son triste sort»: est-il trop tard pour endiguer l’«islamisation» de la France?

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Dans un rapport publié le 9 juillet, le Sénat alerte sur la propagation de l’islam politique en France. 44 propositions ambitionnent de l’endiguer. «Trop tard», estime Alain Marsaud, ancien juge antiterroriste et député, qui doute de la portée de ce document. Sans langue de bois, il fustige le clientélisme des élus et la lâcheté des Français.
«Il est temps que tout le monde se mette au boulot, mais pour cela il faut du courage, et je ne suis pas certain qu’il y ait une grosse majorité des Français qui ait envie d’avoir ce courage», tacle Alain Marsaud.

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Au micro de Sputnik, l’ancien juge et chef du service central de lutte antiterroriste, ne mâche pas ses mots. Alain Marsaud, également ancien député Les Républicains (LR), se montre pessimiste vis-à-vis de l’évolution de la diffusion de l’islam politique et radical en France.

La commission d’enquête du Sénat sur la radicalisation islamiste avait été ouverte à la mi-novembre 2019, à l’initiative du groupe LR, dans la foulée de l’attentat de la Préfecture de Police de Paris. Écartée par les responsables politiques, la motivation djihadiste sera d’abord considérée comme un «fake» par les médias, avant que le Parquet national antiterroriste (PNAT) finisse par se saisir de l’affaire.

Divisés, ils veulent régner

Pourtant, officiellement, la création de la commission n’aurait pas été motivée par l’action violente ou le risque de violence. Son objet est «la diffusion des comportements qui remettent en cause le vivre ensemble et portent atteinte directement à la liberté de conscience, à l’égalité entre les hommes et les femmes et aux droits des personnes homosexuelles». En clair: le séparatisme dans la République.

Dans le collimateur des sénateurs: les organisations transnationales telles que les Frères musulmans, à l’échelon national les partis politiques, ou localement les diverses associations sportives et culturelles revendiquant ou non leur affiliation à l’Islam… et qui contribueraient à véhiculer une vision rigoriste de celui-ci.

«La radicalisation islamiste» est une «réalité» dans un nombre croissant de quartiers, note ainsi le rapport. Or, si certains groupes optent pour le repli sur soi, «refuse [nt] le jeu institutionnel au nom de la pureté et de l’unicité divine», d’autres en revanche «assument leur conquête du pouvoir local» et visent non pas la rupture avec la société française, mais son «islamisation», observent-ils.

Un concordat avec l’islam?

Les «tenants de l’islamisme tentent aujourd’hui de prendre le contrôle de l’islam en France», s’inquiètent les sénateurs, évoquant ces multiples groupes radicaux concurrents, mais dont les intérêts convergent dans le but d’«instaurer le califat, c’est-à-dire le règne de Dieu sur Terre.»

«Il était nécessaire de ne plus être dans le déni […] Un petit groupe d’individus a pour projet d’imposer une norme religieuse au-dessus des lois de la République», explique au micro de Public Sénat Nathalie Delattre, présidente RDSE de la commission d’enquête.

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Si la commission a démenti de se pencher sur l’organisation du culte musulman dans l’Hexagone, elle suggère pourtant parmi ses propositions d’instaurer un concordat avec l’Islam en France, rompant alors avec le modèle de séparation de l’Église et de l’État.

Un choix aux contreparties lourdes: il imposerait en effet aux collectivités de financer tant l’entretien des mosquées que leur construction. Les bénéfices seraient la mise en place de contrôles inopinés des associations suspectées de séparatisme et une procédure de suspension de ces dernières, sur le modèle des associations de supporters coupables de hooliganisme. Une proposition qui rappelle celles de l’institut Montaigne, dans ses rapports Un islam français est possible et La fabrique de l’islamisme.

«Je suis désespéré devant le manque de courage»

Mais Alain Marsaud accuse les parlementaires. S’il doute de la volonté des Français de réagir, il est convaincu qu’il n’en sera rien du côté des élus. L’absence de courage chez ces derniers le «désespère»:

«J’ai vu le travail qui a été fait au niveau municipal, c’est une véritable honte, des élus qui émanent de l’UDI et même des Républicains. Je ne parle même pas des élus de gauche, c’est dans leur doctrine. Donc, finalement nous avons un peuple abandonné aujourd’hui à son triste sort, au sort qui se prépare.»

L’ancien juge antiterroriste craint que ce document ne soit qu’un énième rapport qui «sera classé dans la bibliothèque du Sénat, comme d’autres sont classés dans la bibliothèque de l’Assemblée nationale», fustigeant une «politique de l’autruche» sur cet épineux sujet.

«Bien évidemment, qu’on ne verra rien […] Vous ne pouvez plus avancer, car le personnel politique –qu’il soit au niveau local, au niveau national– fonctionne avec la lâcheté et le désir à tout prix d’être réélu. Donc pour cela, il faut négocier avec les médias, les groupes et les communautés.»

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«On n’a pas besoin de changer la loi! Il y a tout dans la loi, le tout c’est d’avoir le courage de l’appliquer!» martèle l’ancien magistrat, aux yeux duquel aucun homme politique n’est aujourd’hui capable de «faire avancer ce sujet de manière positive». Alain Marsaud veut toutefois voit une «petite lueur» d’espoir dans la constitution du nouveau gouvernement, avec l’arrivée de Jean Castex, la nomination de Gérald Darmanin à l’Intérieur ou encore celle d’Éric Dupond-Moretti à la Justice.

Le timing du rapport, bien que dicté notamment par la crise du Covid, a-t-il été optimal? En effet, cette publication survient alors que les initiatives inspirées du mouvement américain «Black Lives Matter» (littéralement, «les vies noires comptent») se succèdent en France. Un climat qui pousserait les responsables politiques à se montrer plus tolérants encore envers les revendications communautaristes.

«Dans l’affaire Traoré […] tous ces pauvres petits blancs, en passe d’être dissous dans ce communautarisme, qui sont allés applaudir devant le Palais de justice de Paris […] quelle honte, quel peuple perdu. Ce peuple français est un peuple perdu», soupire Alain Marsaud.
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