Toutefois, malgré le succès annoncé de ce vol de plusieurs heures, le feu vert de l’Agence fédérale américaine de l’aviation (FAA) n’est pas attendu «avant la fin de l’été», selon Boeing qui, dans un communiqué, stipulait que la FAA allait «prendre le temps qu’il faut pour évaluer les travaux effectués» par l’avionneur.
Au cœur de cette série de tests, le correctif de Boeing pour le système anti-décrochage MCAS (pour «Manoeuvring Characteristics Augmentation System»), spécialement conçu pour son 737 Max et incriminé dans les deux catastrophes successives. En effet, dans les deux tragédies, ce nouveau système –censé faire piquer du nez l’appareil lors d’un décrochage– s’est déclenché inopinément 26 fois de suite en moins de 10 minutes jusqu’au crash dans le cas du vol Lion Air 610, selon le rapport d’enquête des autorités indonésiennes. Et «24 fois en 13 minutes» dans le cas de l’Ethiopian Airlines, comme le relatait au micro de France culture Bertrand Vilmer, PDG du cabinet d’expertise Icare aéronautique, ancien pilote d’essai et expert aéronautique près la Cour d’appel de Paris.
Ces vols d’essai sont une «première éclaircie» pour Boeing, selon certains observateurs, d’autres estiment qu’il s’agit là d’un vol du 737 Max «pour sa survie». Il faut dire que l’avionneur revient de loin. Si en France, les médias se sont principalement concentrés sur les «déboires» financiers engendrés par l’arrêt des livraisons puis de la production, la presse américaine a fait ses choux gras de la trop grande complicité mise à jour par cette affaire entre l’avionneur et le régulateur américain.
Industriel et organisme certificateur main dans la main
Pire: s’ajoutent à cela les pressions de la FAA sur ses homologues étrangers qui émettaient des réserves sur l’absence de formation complémentaire pour les pilotes passant du 737 à sa version Max. Une absence d’heures de formation, donc de frais connexes pour les compagnies aériennes, qui était clairement un argument marketing pour Boeing. Réciprocité oblige, si les Européens n’obtempéraient pas, ils exposaient les futurs appareils d’Airbus au risque de ne pas être certifiés aux États-Unis.
Rares furent les articles portant sur ces «relations étroites» entre l’avionneur et le régulateur aérien américain. Bien qu’une enquête fédérale ait été ouverte aux États-Unis, celle-ci cherche avant tout à savoir si Boeing a sciemment trompé la FAA.
Un certain désintérêt de la presse française qui interpelle, dans la mesure où ce type de collusion est l’un des principaux prétextes invoqués par les autorités américaines lorsque celles-ci mettent au pilori judiciaire les groupes étrangers, principalement français.
Aujourd’hui, on assure que la FAA aurait Boeing à l’œil, soulignant que l’agence américaine a placé durant cette série de tests l’un de ses pilotes aux commandes de l’appareil et l’un ingénieur serait également présent dans le cockpit. C’est à se demander si à travers ces tests, ce ne serait pas avant tout la FAA qui chercherait à redorer son blason…
Un avion «conçu par des bouffons»!
Preuve que cet appareil «conçu par des bouffons […] supervisés par des singes» comme le résumait à sa façon un salarié de Boeing, inspire contre toute attente confiance aux clients de la firme américaine.
Soulignons qu’en 2019 pour la première fois depuis vingt-deux ans, Boeing a financièrement terminé l’année dans le rouge. Son apparente solidité financière, qui pouvait faire pâlir son éternel concurrent européen Airbus, est clairement menacée. Toutefois, si Boeing doit d’ici à la fin de l’année supprimer autant d’emplois que l’avionneur de Toulouse, c’est avant tout pour pallier les conséquences de la crise sanitaire provoquée par le Covid-19 et non celle du gel de la production du 737 Max. Ces difficultés exceptionnelles s’ajoutent à des difficultés tendancielles, notamment la chute continue des commandes de long-courriers, qui affectent les deux concurrents à la fois.
Les déboires de Boeing font-ils les affaires d’Airbus? Ce serait bien imprudent de l’avancer. Malgré une chute spectaculaire de son cours de bourse de 440 dollars au 1er mars 2019 à 95 dollars au 20 mars 2020, après que le Covid-19 a quitté son berceau chinois, au petit jeu des capitalisations boursières, l’avionneur américain pèse toujours deux fois plus que son concurrent européen.