L’onde de choc de l’affaire George Floyd est arrivée jusqu’au Maroc. Ici, comme dans d’autres pays arabes, l’indignation contre la bavure policière meurtrière contre l’Afro-Américain de 46 ans a été exprimée uniquement sur les réseaux sociaux. Certains indignés virtuels se sont limités à reprendre le hashtag #BlackLivesMatter (les vies noires comptent). D’autres sont allés plus loin, parfois beaucoup trop loin. C’est le cas de certaines célébrités marocaines.
Pour dénoncer le racisme, une chanteuse, une actrice et un rappeur ont posté des messages jugés racistes par beaucoup d’internautes. Pensant bien faire, Asma Lamnawar et Mariam Hussein se sont affichées sur le réseau social Instagram, le visage grimé en noir. Si certains y ont vu un acte de solidarité, d’autres, beaucoup plus nombreux, ont crié au racisme. Leur blackface («grimage en Noir») a choqué même certains des plus grands fans des chansons de la première et des rôles marquants de la seconde. Le ton religieux donné au post de cette dernière n’y a rien changé.
#مريم_حسين
— وش سالفة الهاشتاق؟ (@AbtWhaat) June 3, 2020
مريم حسين نشرت صورة معدلة لها على الفوتوشوب تظهر فيها ببشرة سمراء تعبيرًا عن تأييدها للاحتجاجات في أمريكا، ثم تقوم بحذفها لاحقًا، وتستبدلها بالصورة الأصلية. pic.twitter.com/A94K8fGEwg
Mariam Hussein a accompagné sa photo blackface de deux hadiths attribués au prophète de l’islam Mahomet qui prônent l'égalité entre les humains.
And now Moroccan singer Asma Lamnawar pic.twitter.com/AB3wRXTnL2
— Yasmina Bennani (@YASMINAREBEL) June 5, 2020
Asma Lamnawar avait repris sur sa story cette photo retouchée qui a été jugée raciste.
De son côté, Muslim est resté dans son répertoire rap. Sauf qu’il n’a rien trouvé de mieux à en tirer que «nigga» (nègre). Un mot qu’il a utilisé, lui aussi sur Instagram. Il s’en est servi pour légender une vidéo où il chante Nothing to lose du célèbre rappeur américain Tupac.
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Le rappeur Muslim a agrémenté sa vidéo par une légende reprenant ce couplet: «All my niggaz in the pen here we go again» (Tous mes nègres en prison, ça recommence).
L’artiste marocain ne semble guère se soucier des salves de critiques qu’il continue d’encaisser. Muslim persiste et signe et utilise toujours le n-word comme hashtag sur ses stories. En revanche, Asma Lamnawar et Mariam Hussain se sont hâtées de supprimer leur publication controversée.
«Racisme maquillé»?
Les trois publications ont déclenché une vague d’indignation qui continue de déferler sur les réseaux sociaux. Contactés par Sputnik, leurs auteurs se murent dans un silence gêné, voire versent dans le déni. Alors qu’ils tentent de se faire oublier, de nombreux commentateurs voient en leurs «malheureuses sorties» un «racisme maquillé».
You can keep your racist "solidarity." NOT okay.
— Wardah Khalid (@wardahkhalid_) June 4, 2020
Moroccan actress condemned for posting ‘blackface’ photo of herself in 'solidarity' with US protesters [@The_NewArab] https://t.co/4gxnUZ3hJ8 pic.twitter.com/TwaKx8mERl
«Un blackface pour dénoncer le racisme au Maroc... j’ai pas les mots», s’étonne cet internaute.
Même la nouvelle photo d’Asmaa Lamnawar a été jugée plus qu’indélicate, comme le montre
ce coup de gueule de la journaliste marocaine Salma Khouja.
Je sais par ce qui est le plus affligeant, la photo ou les 39000 like... https://t.co/MmQ0HKqpSQ
— salma khouja (@salmakhouja) June 3, 2020
«Je ne sais pas ce qui est le plus affligeant, la photo ou les 39.000 likes», s’indigne la jeune femme.
«Hommages maladroits»
Ignorance assumée
Si Muslim et Lamnawar font comme si de rien n’était, Mariam Hussain, elle, s’est indirectement excusée. Elle a republié sa photo originale sans grimage et a ensuite fait savoir qu’elle ignorait la symbolique du blackface.
Apologizing for what you have done is NOT enough. Ignorance can never be an excuse we are in 2020 educate yourself!! Don't just follow something BLINDLY. #مريم_حسين pic.twitter.com/VxOhOF9m7D
— S (@eunoiaSAE) June 4, 2020
Pourtant, avant d’avancer l’alibi de l’ignorance assumée, quelques heures plus tôt, un internaute l’avait invitée à revoir ses notions d’Histoire. L’actrice lui avait alors répondu avec assurance: «I don’t like stories or history. I’m a person who lives in present time. Past is past.» (Je n’aime pas les histoires ni l’Histoire. Je suis une personne qui vit au présent. Le passé c’est le passé). Par cette réplique, elle n’a fait que jeter davantage d’huile sur le feu... de la colère.
Son argument 👌 pic.twitter.com/JpohXkIUR3
— You Mer (@ucef79) June 4, 2020
«Ce n’est pas de l’activisme, c’est du racisme»
Dans le monde arabe, d’autres célébrités sont elles aussi tombées, de bonne foi, dans l’antiracisme raciste. C’est le cas de la chanteuse libanaise Tania Saleh ou encore de l’actrice algérienne Souhila Ben Lachhab. Les deux jeunes femmes se sont maquillées le visage en noir. La première s’est montrée sous ce visage sur Instagram et la seconde sur Twitter. Dans les deux cas, leur blackface, qu’elles voulaient militant, a été jugé choquant par les internautes. «Ce n’est pas de l’activisme, c’est du racisme», résume une commentatrice.
when will arab influencers understand that doing blackface isn’t a form of activism and is actually racist🙃 pic.twitter.com/BrMfqC3ERK
— ⁷ ديما (@dimaborahae) June 6, 2020
Quand est-ce que les influenceuses du monde arabe comprendront que le blackface n’est pas une forme d’activisme mais plutôt de racisme?
L’analyste politique et activiste, Wardah Khalid, exprime elle aussi, dans un tweet, son indignation face à ce qu’elle appelle «la solidarité raciste».
You can keep your racist "solidarity." NOT okay.
— Wardah Khalid (@wardahkhalid_) June 4, 2020
Moroccan actress condemned for posting ‘blackface’ photo of herself in 'solidarity' with US protesters [@The_NewArab] https://t.co/4gxnUZ3hJ8 pic.twitter.com/TwaKx8mERl
Vous pouvez garder votre solidarité raciste pour vous. Ce n’est pas normal.
À l’opposé de ce bad buzz autour du mouvement «Black lives matter», de nombreuses autres célébrités marocaines et arabes militent avec sobriété. Cette publication du chanteur marocain Douzi est parlante: «We are all equal» (Nous sommes tous égaux).