En effet, dans un récent rapport, le Sénat a mis en lumière le volume d’aides débloqué à l’occasion de la crise du Covid-19 bien plus important au Royaume-Uni, État ouvertement libéral, qu’en France. Des Britanniques plus généreux que les Français? Un constat qui au premier abord pourrait surprendre, dans un pays où l’on n’est habituellement pas peu fier de son État-providence.
«Je me souviens des années Thatcher et Mitterrand, où on nous expliquait que Mme Thatcher était un monstre et que les enfants anglais mourraient de faim dans la rue. Pendant les années Thatcher, les dépenses sociales ont beaucoup plus progressé en Angleterre qu’en France. Pourquoi? Parce que comme la croissance du PIB était beaucoup plus forte, cela permettait à l’État anglais –tout en levant moins d’impôts en pourcentage– d’avoir des rentrées fiscales bien supérieures, ce qui permettait de donner des tas d’avantages sociaux nouveaux», relate Charles Gave.
Comme le souligne l’économiste, difficile de trouver de l’argent frais à partager entre les Français quand le «gâteau» qu’est l’économie (et les retombées fiscales qu’elle génère) ne s’accroit pas… «Ce que les gens ne comprennent pas, c’est qu’il vaut mieux avoir un État à 30% comme en Suisse avec un PIB qui croît de 4% par an qu’être avec un État à 60% et un PIB qui stagne», développe Charles Gave.
«On passe notre temps à essayer de se partager un gâteau fixe, alors qu’il faut prendre des mesures pour qu’il grossisse. Mais il y a un niveau d’incompétence dans l’État français qui est très stupéfiant», s’inquiète-t-il.
Le président de l’Institut des Libertés revient sur les plaidoyers réguliers des journalistes pour «réindustrialiser» la France, regrettant que l’on occulte le fond du problème: «Si c’était rentable d’avoir des industries en France, les industriels ne seraient pas partis les mettre ailleurs», assène-t-il. En témoignent les conséquences observables avec le récent cas de Sanofi.
Des politiciens qui ne comprennent pas les entreprises
Venant principalement de la gauche, les critiques soulignaient le crédit d’impôt-recherche dont a bénéficié Sanofi ou encore que nul ne pourrait prétendre bénéficier en priorité d’une telle découverte. À croire que certains estiment que les laboratoires sont des entreprises philanthropiques.
«Dire que l’on va augmenter les impôts et que l’on va filer des subventions, ça ne marche pas…», tranche Charles Gave, qui souligne que «le Président de la République n’a rien à dire sur la façon dont Sanofi est gérée.»
L’économiste souligne qu’une entreprise telle que Sanofi est «indépendante» et qu’elle reste libre de passer des contrats avec qui bon lui semble. Pourtant, Emmanuel Macron s’est dit «ému» par les propos du président de Sanofi à Bloomberg. «S’ils veulent que le siège de Sanofi déménage aux États-Unis, qu’ils continuent…», ajoute-t-il.
L’économiste ne ménage pas l’actuel Président de la République, rappelant que celui-ci «n’a jamais fait une fin de mois», la carrière de ce haut fonctionnaire de formation se limitant à un très bref passage par la banque Rothschild. Pour Charles Gave, il est capital que les fonctionnaires aient à faire un choix définitif entre l’engagement politique et leur carrière dans la fonction publique, celle-ci n’étant généralement que mise en pause le temps de leur mandat. «Il faut qu’il y ait une différence entre la fonction publique et la fonction administrative.»
«Une corruption gigantesque»
«Ce qu’il faut, c’est que ceux qui produisent en France soient sur un terrain de concurrence égal avec les autres pays. La France a 70% de fonctionnaires de plus pour 10.000 habitants que l’Allemagne. C’est le secteur productif français qui paie ces fonctionnaires. Le jockey France pèse 80 kilos et le jockey Allemagne pèse 30 kilos, il ne faut pas s’étonner que ce dernier gagne la course…»
Dernier point pour le moins éloquent, avancé par la journaliste Nathalie Mauret sur le plateau de l’émission C dans l’air, le fait que la commande publique pèse dans le secteur du BTP en France pour près de 70% de sa croissance. Tous secteurs confondus, les chiffres sont rares et surtout divergents fortement. Selon l’Observatoire économique de la commande publique (OECP), la commande de l’État représentait en 2016 près de 84 milliards d’euros. Selon un rapport sénatorial publié en 2015, celle-ci serait de l’ordre de 400 milliards pour une année.
Des chiffres qui ne manquent pas de faire réagir Charles Gave, rappelant qu’habituellement, ce sont les «millions de décisions individuelles qui font le succès ou l’échec d’un produit.»
«Une commande publique aussi élevée ne peut pas ne pas amener à une corruption gigantesque. Ce n’est pas de la concurrence, puisqu’il faut acheter le fonctionnaire qui va acheter votre truc. […] On refait l’Union soviétique, ce n’est rien d’autre», développe l’économiste.
Il plaide régulièrement pour qu’un audit des dépenses de l’État soit effectué, si possible autrement que par le biais d’une institution telle que la Cour des comptes. «À quoi sert l’ambassade française auprès des pôles», s’interrogeait-il en décembre 2019 sur le plateau de Sud Radio, où il évoquait déjà le lien observé à travers le monde entre le poids de l'État dans l'économie et celui de la corruption.
État français, le régalien en chute libre
Ces derniers dressent ainsi un tableau au vitriol de la «start-up nation» d’Emmanuel Macron. Au-delà de fermer le classement de 141 pays en matière d’imposition, la France dégringolait en matière de lutte contre le crime organisé, de fiabilité des services de police, d’indépendance de sa justice, ainsi qu’en termes de respect des droits patrimoniaux, ou de réponse au risque terroriste.