Il est des études qui font transparaître les priorités des gouvernements et, avec ses 114 indicateurs répartis en 12 «piliers», celle du Forum de Davos a clairement ce mérite.
En parcourant, dans les grandes lignes ce document de 666 pages, la France rattrape globalement son retard en matière de compétitivité. Après avoir «sécurisé» en 2018 son retour dans le top-20 des économies les plus compétitives, grâce à un bond de cinq places, l’Hexagone progresse cette année de deux nouvelles places, pour s’établir au 15e rang mondial sur 141 pays. Mais le pays n’arrive qu’à la 7e position parmi les 28 États membres de l’UE. Ce sont les Pays-Bas qui occupent dorénavant le premier rang, depuis la chute de l’Allemagne de quatre places au 7e rang mondial.
«La France figure dans le top 10 dans quatre piliers et dépasse la moyenne de l’OCDE dans 10 des 12 piliers», notent les analystes de l’organisation genevoise.
Les «piliers» sont pour Davos ces grandes thématiques couvrant des éléments socio-économiques généraux, dans lesquels on retrouve notamment la capacité d’innovation, le système financier, le dynamisme des entreprises ou encore les Institutions, la santé ou les infrastructures.
Points forts de la France: ses infrastructures (9e), son système financier (14e), la taille de son marché (9e) et son système de santé (7e). Notons toutefois que ce dernier ne se résume qu’à un seul indicateur: l’espérance de vie. Quant à la taille du marché, elle n’est évaluée qu’à l’aune du seul PIB et de la part que tiennent dans ce dernier les importations de biens et services. Espérance de vie et PIB, des éléments qui, par définition, évoluent lentement.
Compétitivité: la France monte, l’Allemagne chute
Au niveau des embellies, la France progresse sensiblement par rapport à 2018 en matière de «dynamisme des affaires» et plus précisément en «culture entrepreneuriale», à savoir l’attitude à l’égard des risques entrepreneuriaux, la croissance des compagnies innovantes et de leur tendance à embrasser des idées disruptives. Dans ces trois domaines, la France bondit respectivement de 29, 13 et 15 places au classement mondial. En somme, des valeurs prônées par la majorité et qui tendent à corriger des facteurs qui continuent de faire tache sur le tableau de la France en matière de compétitivité.
«Le pays obtient des résultats relativement faibles en termes de risque entrepreneurial (55e), de culture du management (42e) et d’agilité de l’entreprise. En outre, la France, comme l’Allemagne et les États-Unis, doit favoriser l’adoption des technologies de l’information et des communications (28e). La France a 20 points de retard sur le leader mondial, la Corée, et est à la traîne de la Chine (18e) et de la Russie (22e),» notent les analystes.
Dans le même esprit, la flexibilité du marché du travail tricolore demeure un autre gros point noir récurrent de la France dans les études du WEF. On remarque pourtant qu’en 2019, la France passe de la 130e à la 90e place mondiale concernant les pratiques en matière d’embauche et de licenciement, tout en continuant à progresser au niveau des droits des salariés. En 2018, les analystes avaient salué l’«ambitieux programme de réforme» d’Emmanuel Macron, notamment concernant la législation du travail.
Pour conclure sur les aspects positifs, la capacité d’innovation de la France (12e et dernier pilier) progresse également de deux places, pour terminer en 9e position. Un point sur lequel Paris n’a jamais eu à rougir, le WEF soulignant chaque année la qualité de la recherche dans le pays.
D’autres indicateurs, quant à eux, reculent. On notera la rétrogradation d’une place au classement de la France en matière de compétences (6e pilier). Dans le détail, si la tendance s’inverse enfin en matière de compétence digitale au sein de la population active ou d’esprit critique dans l’enseignement (la France passe de la 48e à la 36e place mondiale), la baisse (continue) de la formation du personnel, de la qualité de la formation professionnelle et de la durée de scolarisation de la future force de travail mine le tableau, un comble dans un pays dont le premier poste de dépense est justement l’éducation nationale. En effet, le manque de compétences ou d’esprit critique des jeunes Français sont des points sur lesquels le WEF revient de façon récurrente concernant l’hexagone.
Les infrastructures en berne, le régalien s’effondre
Quant aux reculs les plus flagrants, ils se concentrent dans les deux premiers piliers: les Institutions et les infrastructures. Ainsi, la dégradation de la qualité des routes ou de celle des réseaux de distribution d’eau et d’électricité (respectivement 20e et 43e place) -déjà pointée du doigt l’an passé- ne sont pas seules en cause. On remarque dans le premier pilier que la France régresse de 19 rangs en matière de lutte contre le crime organisé, de huit places en matière de fiabilité des services de police et d’indépendance de sa justice et de 9 rangs en matière des droits patrimoniaux, pourtant l’un des piliers idéologiques les plus fondamentaux du libéralisme économique promu par Emmanuel Macron. Autre point noir pour le Président de la «start-up nation», si le marché du travail n’est pas particulièrement dopé par la progression significative de sa flexibilité, c’est notamment parce qu’en matière de taxation du travail, la France reste la championne du monde, en figurant à la toute dernière et 141e place mondiale.
Enfin, on retrouve dans les statistiques dressées par les analystes de Davos un point peu encourageant pour le climat des affaires: le risque terroriste reste également omniprésent, la France demeurant à la 121e place mondiale…