Les besoins du système de santé en masques peuvent désormais être satisfaits, a annoncé le gouvernement. Mais la qualité du matériel de protection importé ne semble pas garantie, révèle une étude de la cellule investigation de Radio France qui fait suite à celle sur les 8.500 des respirateurs commandés et inadaptés aux malades du coronavirus.
En Chine, où la demande était supérieure à l’offre au moment de l’explosion de l’épidémie en janvier, de nombreuses usines non spécialisées se sont mises à produire des équipements de protection individuels (EPI) à usage médical, sans véritable expérience, explique le PDG de VVR international Camille Verchery, spécialiste du «sourcing» (recherche de fournisseurs) sur le marché chinois. Dans la quasi-totalité des cas, l’analyse effectuée par son entreprise a démontré que le matériel proposé par des producteurs de masques n’était pas fiable.
Falsifications
Certains de ces producteurs inexpérimentés de masques vont jusqu'à falsifier des certificats de conformité à la norme CE. Depuis quelques semaines, plusieurs organismes de certification émettent des alertes suite à la diffusion de faux certificats, révèle l’enquête. L’un d’entre eux, GTS, basé en Chine, a constaté qu’un document utilisé par un producteur de masques avait été émis pour certifier… un thermomètre médical.
Le rôle de l’importateur est déterminant, affirme Pierre Lebon, directeur de l’ASQUAL, organisme qui effectue des tests dans le cadre des certifications d’EPI: «Normalement c’est lui qui doit servir de filtre et garantir que les produits sont bien conformes.»
Néanmoins, de nombreux intermédiaires qui sollicitent actuellement les entreprises et les hôpitaux ne sont pas des spécialistes du secteur, avertit Radio France. Certains fournissent également des certificats qui ne garantissent pas la conformité de l’équipement à la réglementation européenne. La cellule investigation a pu le constater à au moins cinq reprises en se faisant passer pour des acheteurs auprès d’intermédiaires ou au travers de documents envoyés par des importateurs puis fournis par de vrais acheteurs.
Le producteur se trouve à 7.500 km du contrôleur
«Certains jouent avec le feu», confie sous couvert d’anonymat un professionnel français de la certification. Ces dernières semaines, ces «vrais-faux» certificats se sont multipliés sur le marché. «Les nouveaux acteurs connaissent mal la réglementation. En général, il faut 3 à 5 mois pour un processus de certification complet, alors quand vous voyez un certificat qui vient tout juste d’être émis, il faut être prudent», explique Pierre Lebon de l’ASQUAL.
Une qualité douteuse
Ces produits non certifiés ne sont pas nécessairement mauvais, estime la Fédération européenne de sécurité (EFS). «Il est possible que ces masques offrent la protection annoncée, même si les documents ne sont pas conformes», explique-t-elle dans une note.
Cependant, plusieurs soignants ont fait part de leurs doutes à Radio France quant à la qualité du matériel qui leur était parfois distribué. «Sur les masques chirurgicaux, vous avez une barrette en métal qui doit assurer l’étanchéité au niveau du nez, et sur certains masques, ça part dès les premières minutes», constate par exemple Aglawen Vega, infirmière à l’hôpital Cochin et élue CGT.
L’Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM), responsable de la conformité des masques, et le ministère de la Santé n’ont pas répondu aux sollicitations de la radio qui leur demandait si ces masques ont été certifiés et testés. L’ARS Île-de-France a expliqué que les seuls tests qu’elle avait fait diligenter étaient ceux qui avaient été demandés par la région. Le laboratoire national d’essais (LNE) confirme pour sa part avoir effectué des tests sur des masques, mais n’a rien communiqué ni sur ses commanditaires ni sur leurs résultats, conclut l’enquête.