«Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué». Une maxime qu’aurait oubliée le gouvernement chinois, à en croire les dires de Benjamin Cowling, épidémiologiste émérite de l’université de Hong Kong, qui travaille aussi avec le Centre d’étude des dynamiques des maladies transmissibles de Harvard. Selon lui, Pékin a voulu en finir trop vite avec le coronavirus, au risque de permettre une deuxième vague généralisée de frapper le pays.
En effet, à mesure que l’épidémie se dissipe, la Chine essaye tant bien que mal de remettre la machine en route, alors que le reste du monde est toujours pratiquement à l’arrêt. Dans les provinces les moins touchées, les enfants retournent petit à petit à l’école, les routes sont de nouveau fréquentées et, comme l’expliquait Mary-Françoise Renard au micro de Sputnik, la reprise de l’activité économique en Chine «est une réalité».
Another sign life feels almost normal in Beijing: This is the first rush-hour traffic jam I’ve seen since the country started shutting down two months ago. pic.twitter.com/jvoWZPIbmU
— Stu Woo (@stuwoo) March 23, 2020
Un quotidien chinois titrait même le 24 mars: «La victoire de la Chine sur le Covid-19». Un message encouragé par le gouvernement, qui a distribué aux particuliers des bons d’achat, à échanger contre des biens ou services, afin de stimuler la consommation des ménages. Le vice-maire de Shanghai a même déclaré la semaine dernière: «on peut infuser de la confiance à toute la ville et même au monde entier en enlevant ces masques». Mais Pékin n’a-t-il pas crié victoire trop vite? Pour Benjamin Cowling, cela ne fait aucun doute. Et ça risque que même de coûter très cher à l’Empire du Milieu.
«Du fait que la majeure partie de la Chine n’a pas vraiment eu un nombre important d’infections au cours de la première vague, la population demeure très vulnérable et peut être touchée par une épidémie importante. Tôt ou tard, une seconde vague est inévitable. Totalement inévitable. Il n’y a aucun doute», met en garde l’épidémiologiste.
Selon lui, le fait que de nombreuses provinces chinoises en dehors de Hubeï n’aient été que très peu exposées au virus rend ces populations particulièrement vulnérables. D’après Nathan Vanderklippe, correspondent du Globe and Mail à Pékin, si les règles de confinement sont toujours formellement en place, les forces en présence pour les imposer sont beaucoup plus laxistes qu’elles ne l’étaient il y a quelques semaines.
Pas de deuxième vague de grande ampleur, selon les officiels chinois
La grande crainte de l’épidémiologiste Benjamin Cowling, c’est ce qu’il appelle la «propagation silencieuse». Celui-ci redoute que des individus contaminés, mais ne présentant aucun symptôme, se déplacent dans les provinces les moins affectées et créent des nids épidémiques, causant ainsi une deuxième vague à l’échelle nationale. Il y a également une crainte venant de nationaux Chinois de retour de l’étranger, qui peuvent également être des porteurs sains.
Les officiels du milieu médical chinois sont pourtant unanimes, il n’est que très peu probable qu’une deuxième vague épidémique du Covid-19 se répande, et quand bien même, elle serait contrôlée:
«Je ne pense pas qu’il y aura une épidémie de grande échelle dans le futur. Si nous absorbons toute l’expérience que nous avons accumulée et que nous nous tenons aux régulations en place pour lutter contre, nous contiendrons une future épidémie», explique Ma Jin, le directeur de l’École de santé publique de l’université Jiaotong de Shanghai.
Malgré son optimisme sur l’avenir sanitaire de la Chine, Ma Jin demeure tout de même lucide sur le travail que cela nécessite et a conscience du danger que peut causer ce virus, et des longues batailles qu’il faudra encore mener pour le vaincre.
«La lutte contre ce coronavirus sera une bataille à long terme. Nous devons être préparés non seulement pour une deuxième vague, mais pour chaque jour et chaque mois, jusqu’à ce qu’un vaccin soit produit avec succès et ait prouvé son efficacité.»