Karim Tabbou ne sera pas libéré le 26 mars, après avoir purgé une peine de six mois de prison. Porte-parole de l'Union démocratique et sociale (UDS, parti politique non agréé), il avait été interpellé le 12 septembre 2019, puis relâché le 25 septembre avant d’être arrêté une seconde fois le lendemain. Le 11 mars, il a été condamné à une année de prison, dont six mois avec sursis, pour «atteinte au moral de l’armée» et «atteinte à l’unité nationale».
Seul face au juge de la 5e chambre pénale –ses avocats n’ayant pas été prévenus de la tenue de l’audience–, il a refusé d’être jugé, a-t-on appris de son collectif de défense. Il a fini par faire un malaise face à l’insistance du juge. Evacué pour des soins vers l’infirmerie de la cour, il est condamné à une année de détention par le magistrat qui a maintenu l’audience en l’absence du prévenu et de sa défense.
Dans une déclaration à Sputnik, Me Abdallah Heboul, membre du collectif de la défense de Karim Tabbou, relève que la nature du jugement rendu par la 5e chambre pénale de la cour d’Alger est «totalement erronée».
«L’arrêt rendu, réputé contradictoire, a été prononcé en référence à l’article 347 du Code de procédure pénale. Sauf que cet article concerne le prévenu libre et non pas le prévenu en détention comme c’est le cas de Karim Tabbou. De plus, notre client était absent de la salle d’audience puisqu’il avait été victime d’un pic de tension. Le président de la 5e chambre pénale savait qu’il était à l’infirmerie pour des soins. À partir du jeudi 25 mars, Karim Tabbou est considéré comme étant en détention arbitraire», indique Me Heboul.
Les avocats en colère
Souffrant d’une hémiplégie faciale et du bras gauche, Karim Tabbou est retourné dans sa cellule après une journée éprouvante. Dans un communiqué adressé à l’agence de presse publique APS, le parquet général a confirmé que l'arrêt de la Cour «est fondé sur les dispositions de l’article 347, alinéa 2 du Code de procédure pénale».
Pour sa part, l’Union nationale des ordres des avocats (UNOA) a dénoncé «le comportement du président de la 5e chambre pénale» et a «appelé à la libération immédiate de Karim Tabbou». Il faut dire que la cour d’Alger a été particulièrement active cette semaine, malgré une note du ministère de la Justice adressée à toutes les juridictions de suspendre, à titre préventif, leurs audiences à cause du coronavirus.
«Au niveau des juridictions, il s'agit de la suspension des audiences des tribunaux criminels de première instance et d'appel, mais également des audiences correctionnelles des tribunaux et des cours à l'exception de celles des personnes en détention dont les affaires ont été précédemment enrôlées, lesquelles se déroulent en présence exclusive des parties et à huis clos», précise cette note qui date du 17 mars, soit quelques jours à peine avant l’enrôlement du procès de Tabbou.
«Acharnement judiciaire»?
Mercredi 25 mars, la cour d’Alger a une nouvelle fois fait parler d’elle à travers une décision de la chambre d’accusation concernant les dossiers des activistes du Hirak Samir Belarbi et Slimane Hamitouche, ainsi que du journaliste Khaled Drarni, tous trois poursuivis pour «incitation à attroupement non armé et atteinte à l’unité nationale».
«Il y a une volonté délibérée de maintenir Karim Tabbou en prison. Tabbou, ainsi que plusieurs activistes du Hirak à travers toute l’Algérie, sont victimes de cabales judiciaires. Ces derniers jours, nous assistons également à la multiplication des arrestations, notamment d’étudiants. Le cas de Khaled Drarni est tout aussi grave car il risque de se retrouver en prison alors que la Constitution stipule clairement qu’il ne peut y avoir de peine privative de liberté pour les journalistes. Nous avions pensé, dès le début de l’épidémie du coronavirus, que le pouvoir ne profiterait pas de la situation pour régler ses comptes avec le Mouvement citoyen. Malheureusement, les faits nous ont donné tort», note Saïd Salhi dans une déclaration à Sputnik.
«Clémence» à l’égard des anciens hérauts du système?
D’un autre côté, l’opinion publique a perçu une certaine «clémence» lors du procès en seconde instance d’anciens responsables politiques et d’hommes d’affaires proches du Président Abdelziz Bouteflika. Poursuivis dans le cadre des affaires dites de l’industrie du montage automobile aux concessionnaires et du financement occulte de la campagne électorale du cinquième mandat, les deux anciens Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, ont vu leurs peines confirmées, soit respectivement 15 ans et 12 ans de prison ferme.
Les peines ont été revues à la baisse pour d’autres prévenus, à l’instar des hommes d’affaires Ali Haddad, Hacene Arbaoui et Ahmed Mazouz, condamnés à 4 ans de prison, au lieu de 7 ans. Par ailleurs, la Cour a prononcé la relaxe pour l’ancien ministre des Transports Abdelghani Zaalane qui avait occupé le poste de directeur de campagne pour le cinquième mandat du président Bouteflika.