Troisième foyer le plus important de coronavirus, l’Iran a toutes les peines du monde à contenir la propagation de l’épidémie qui empire de jour en jour. Le pays décompte ce 11 mars 9000 contaminés, dont 354 morts et 5.687 cas actifs. Et certaines universités américaines ont même estimé, études à l’appui, que le nombre de cas était très largement supérieur à celui annoncé par les autorités compétentes en Iran.
Comment expliquer un tel niveau de propagation dans le pays? Surtout qu’il s’agit du seul de la région à connaître une telle explosion. Bahreïn, par exemple, est deuxième avec 187 cas. Le gouffre est abyssal. Au micro de Sputnik, Thierry Coville, spécialiste de l’Iran à l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques), apporte plusieurs éléments de réponses:
«D’une part, l’Iran est ultra-dépendant de la Chine. C’est le seul pays qui lui achète encore du pétrole malgré l’embargo américain. Des vols quotidiens entre l’Iran et la Chine ont d’ailleurs continué d’avoir lieu tard après le début de la crise. On peut donc penser qu’il y a une contamination qui est arrivée par-là.»
Les autorités iraniennes ont aussi de leur côté tardé à apporter des réponses efficaces dans les premiers bassins de propagation. «Les premiers cas ont été détectés à Qom [ville sainte iranienne, ndlr] et les autorités iraniennes ont tardé à mettre cette ville en quarantaine alors qu’elle aurait dû l’être depuis le début car des masses de monde s’y retrouvent», souligne Thierry Coville.
Le vice-ministre de la santé et 23 parlementaires contaminés
Le spécialiste explique par ailleurs que l’épisode de Qom est symptomatique de la lutte entre autorité politique et religieuse en Iran: «Est-ce que les autorités politiques avaient le pouvoir suffisant par rapport à l’autorité religieuse pour mettre Qom en quarantaine? Je n’en suis pas sûr». Ces premiers facteurs permettent d’expliquer l’arrivée et les premiers stades de propagation du virus, mais comment expliquer l’incapacité des autorités iraniennes à le contenir? Pour notre spécialiste, l’embargo américain sur l’Iran est en partie responsable:
«Une enquête est parue sur la capacité des pays à résister à ce genre de virus, et celle-ci est très liée au niveau de développement économique», indique-t-il. Pour lui, «les sanctions américaines ont plongé l’économie iranienne dans sa plus grave crise depuis la révolution de 1979. Le système de santé iranien est compétant, mais il a tout de même des problèmes similaires à ceux des autres pays émergents, alors si l’on ajoute à cela les sanctions…»
Les sanctions ont encore frappé. Iraniens, au nom de la démocratie, vous n’avez pas le droit de vous soigner https://t.co/SEege8NJ6E
— Régis Le Sommier (@LeSommierRgis) March 11, 2020
Thierry Coville trace d’ailleurs un parallèle avec la France pour prendre la mesure de la situation. Il explique que «si les hôpitaux français, avec mois de 2.000 cas sont débordés face à cette crise, on peut imaginer ce que c’est en Iran qui en a plus de 8.000 et qui a le fardeau des sanctions».
En effet, les autorités iraniennes ont énormément de mal à gérer cette situation. De nombreux dirigeants politiques ont contracté la maladie, et des pénuries de masques et de médicaments se font ressentir partout dans le pays. Le gouvernement a même mis en liberté provisoire 70.000 détenus pour lutter contre la propagation du virus.
«Quand on prive un état de 40% de ses recettes, forcément, cela a un impact sur la capacité du système de santé à lutter contre ce virus», constate le spécialiste de l’Iran qui ajoute: «il y a donc de facto une responsabilité indirecte des États-Unis» dans l’explosion du coronavirus en Iran.
Face à la généralisation de la crise dans le pays des mollahs, le Président des États-Unis a proposé de l’aide à l’Iran «s’ils le demandaient». La diplomatie iranienne est restée muette, mais dans la presse iranienne «certains simplifient l’équation et suggèrent que les États-Unis arrêtent d’asphyxier économiquement l’Iran et à ce moment-là, ils pourront s’acheter tous les médicaments dont ils ont besoin», conclut Thierry Coville.